"Montrez-moi quelqu'un qui n'est pas esclave ! L'un est esclave du sexe, un autre de l'argent, un autre de l'ambition ; tous sont esclaves de l'espoir ou de la peur. Je pourrais vous montrer un homme qui a été Consul et qui est l'esclave de sa 'petite vieille', un millionnaire qui est l'esclave d'une petite servante. Et il n'y a pas d'état d'esclavage plus honteux que celui qu'on s'impose à soi-même."
Ce texte est un extrait de "Lettres à Lucilius" de Sénèque. Il est peut-être vieux de plus de 2000 ans, mais il est tellement dans l’air du temps. Il n’y a pas d’état d’esclavage plus honteux que celui qu’on s’impose à soi-même. Et comme il le dit, nous sommes tous esclaves de quelque chose.
Moi, je suis l’esclave du Cameroun. Ma patrie, la terre qui m’a vu naître, qui m’a tellement apporté, et que j’ai le devoir de protéger. De tous mes maîtres, il est le plus puissant. Il est le plus légitime et peut-être le seul que je ne me suis pas imposé. Enfin, je crois !
Des maîtres, il y en a tellement de nos jours. Nous avons rendu l’esclavage sexy, surtout l’esclavage honteux. Comme Sénèque, je connais tellement de personnes qui sont esclaves de l’argent, de l’alcool, du sexe, de l’envie, de leurs partenaires, mais surtout de la peur, le plus grand maître d’entre tous.
Hier encore, je discutais avec une maman qui envisageait la possibilité que son fils retourne étudier au Cameroun pour avoir une meilleure éducation et éviter de finir comme la plupart des enfants d’immigrés en France. Mais sa première question était : "Combien coûte le lycée français au Cameroun ?" Souvent, nous sommes tellement enfouis dans notre esclavage qu’on ne s’en rend même plus compte. Les chaînes se sont mêlées à notre chair.
Les plus grands esclaves ont des chaînes imaginaires. Le plus grand esclavage n’est pas physique mais mental. Il y a des centaines d’années, il fallait capturer nos ancêtres pour les faire monter de force dans un bateau pour l’Occident. Aujourd’hui, nous y allons à la nage et de plein gré.
Je rencontre tellement de personnes qui me disent qu’elles aimeraient bien rentrer en Afrique pour contribuer, mais que leurs femmes (ou maris) ne veulent pas. Et donc elles restent en Occident. Des esclaves de la famille.
À maintes reprises, on m’a dit : "Ronel, un jour, on te fera du mal si tu continues de parler comme ça." En d’autres mots : "Ronel, sois un esclave de la peur." Et moi de leur répondre, la seule chose que nous avons tous en commun sur cette Terre, c’est la mort. Nous mourrons tous, un jour ou l’autre. Mais ils ne pourront jamais m’obliger à devenir un esclave, un esclave d’un maître que je n’aurais pas choisi. C’est “la dernière des libertés humaines”, comme disait Viktor Frankl. Et personne n’est assez grand, assez fort pour me l’arracher.
Il y a quelques années, Kanye West a dit : "Quand vous entendez parler d'esclavage pendant 400 ans... Pendant 400 ans ? Ça ressemble à un choix." Et tout le monde lui est tombé dessus et a crié au scandale. Certainement parce que beaucoup d’entre nous ne connaissent pas l’histoire des Canthes. On rapporte que lorsqu'ils ont été vaincus par les romains, plutôt que de se rendre et d'être réduits en esclavage, beaucoup de Canthes ont choisi de se suicider en masse. Certains se sont empoisonnés, d'autres se sont jetés sur leurs propres épées, et d'autres encore se sont immolés par le feu avec leurs familles.
Il ne peut y avoir d’esclavage si l’esclave n’accepte pas sa condition et ne se soumet à son maître. Malheureusement, après 400 ans d’esclavage physique, les Noirs sont entrés dans une ère d’esclavage mental qui pourrait durer encore plus longtemps. L’esclavage le plus honteux qui soit : celui de l’envie, du désir, de la convoitise.
Peut-être qu’il serait temps pour nous de mettre nos livres religieux de côté et de lire un peu d’Épictète, surtout ce passage des “Discours” où il nous avertit que "Quiconque veut vraiment être libre ne désirera pas quelque chose qui est en réalité sous le contrôle de quelqu'un d'autre, à moins qu'il ne veuille être esclave.”
Douala (FreeLand) 🇨🇲