La fièvre de la loterie américaine à Douala : drapeaux, rêves et illusions

Ces derniers temps, à Douala, on se croirait au Texas. Je ne sais même pas s’il y a une ville américaine à l’heure actuelle qui affiche autant de drapeaux américains que Douala.

C’est la saison de la loterie américaine. Et tous les petits business disposant d’un ordinateur et d’une connexion internet se sont transformés en nouveaux comptoirs esclavagistes, arborant fièrement les couleurs de l’Oncle Sam. Le rituel dominical de nombreuses familles consiste actuellement à se rendre ensemble dans l’un de ces comptoirs improvisés pour s’enregistrer, dans l’espoir de faire partie des 55.000 personnes qui seront sélectionnées "au hasard" à travers le monde.

Pour seulement 1.000 FCFA, tu peux caresser le rêve de faire partie des heureux élus. Tu pourras aller aux USA et essayer, comme les noirs qui y sont depuis plus de 400 ans, de ne pas juste faire partie du décor.

Nos entrepreneurs du dimanche s’en donnent à cœur joie. La plupart ont redécoré leurs échoppes aux couleurs du "Stars and Stripes" pour l’occasion. Sans scrupules, comme le business douteux dans lequel ils se lancent ce mois-ci, beaucoup ont agrandi leur espace sur la voie publique afin d’accueillir un maximum de badauds. J’en ai même vu un qui affichait fièrement sur son mur ses statistiques de réussite des années précédentes : 13 vainqueurs telle année, 6 telle autre, 24 l’année dernière, et un objectif de 30 pour cette année. Comme s’il avait la moindre influence sur les résultats. Mais bon, va-t-on lui en vouloir ? Dans un marché de dupes, tous les coups sont permis.

L’année dernière, cette situation me mettait dans tous mes états, au point que j’avais envie de déchirer tous ces drapeaux qui flottaient dans la ville. Cette année, j’ai pris en maturité. Cette situation me sort toujours par les oreilles, mais j’ai compris que j’y ai aussi une grande part de responsabilité. Comment je m’en suis rendu compte ? Lorsque mon fils Zowa, qui malheureusement vit toujours en France avec sa mère, m’a dit le mois dernier : “Papa, je n’ai pas de drapeau du Cameroun. Tu pourras m’en amener un quand tu viendras, s'il te plaît ?” Là, j’ai compris que ces idiots occupent juste la place que nous leur avons laissée.


Douala 🇨🇲 (Le Continent)