Il y a quelques années, alors que je vivais en Occident, je me suis interrogé sur la différence entre la nouvelle génération d’immigrés, qui travaille majoritairement dans les nouveaux métiers de service, et la génération précédente, qui avait trouvé sa place dans l’industrie.
Beaucoup de personnes de cette ancienne génération avaient quitté leurs pays pour une vie meilleure en Occident. Pour elles, l’Occident représentait la possibilité de vivre dans des appartements modernes et de posséder une voiture, des rêves quasi inaccessibles dans leurs pays d’origine. Elles se sentaient privilégiées et regardaient souvent de haut la génération d’avant elles, celle qui avait quitté leurs pays en temps de guerre, dans des conditions bien plus difficiles.
Mais aujourd’hui, le constat est amer. Cette génération s’est retrouvée désillusionnée, piégée dans une pauvreté qu’elle n’avait pas anticipée. Ces appartements modernes se sont transformés en ghettos, où les rêves de grandeur de leurs enfants se sont brisés. Avec l’externalisation massive des emplois industriels vers l’Asie, beaucoup ont perdu leur travail à un âge où ils ne pouvaient plus se réinventer. Ils vivent aujourd’hui de retraites misérables, regrettant d’avoir été aveuglés par des promesses superflues.
Alors pourquoi la génération actuelle est-elle si sûre d’elle, persuadée qu’elle échappera à ce cycle ? Elle travaille principalement dans les métiers de service, qui paient mieux que les emplois industriels d’autrefois. Mais cette comparaison est biaisée. À leur époque, les métiers industriels semblaient eux aussi mieux rémunérés que ceux de l’agriculture, où travaillaient encore la génération d’avant. Chaque génération semble oublier le contexte de celles qui l’ont précédée et croit à tort qu’elle est plus maligne, plus résiliente et destinée à un sort meilleur.
La vérité, c’est que l’histoire se répète. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle commence à transformer les métiers de service, tout comme l’automatisation a fait disparaître des millions d’emplois industriels. Beaucoup ne s’en rendent pas encore compte parce que nous n’en sommes qu’au début. Mais dans une vingtaine d’années, la majorité des métiers de service – au moins 80% – auront disparu.
Prenons Google comme exemple. Il y a quelques mois, leur PDG annonçait que 25% de leur code était déjà rédigé par l’IA. Ils ont également développé un service d’IA pour les centres d’appels, si performant qu’il pourrait remplacer la majorité des call centers du monde dès demain. Et ce n’est que le début.
La plupart des immigrés de cette génération, qui se sont endettés sur 30 ans pour devenir propriétaires, perdront probablement leurs emplois dans moins de 10 ans. Et si, comme les générations précédentes, ils se montrent incapables de s’adapter, leur destin sera tout aussi sombre.
Ce cycle ne s’arrête jamais. Une nouvelle révolution technologique apparaîtra, créant de nouveaux métiers qui paieront mieux que ceux des services aujourd’hui. Ces métiers attireront une nouvelle génération, persuadée d’être supérieure à la précédente. Mais au final, c’est toujours le système qui gagne. Ces pays continueront d’attirer la main-d’œuvre nécessaire pour se développer, tout en créant des générations successives de rêves brisés. Des gens attirés par l’appât du gain facile, mais incapables de comprendre qu’ils ne sont que des pions dans une mécanique bien huilée.
Attirés par une illusion, ils continuent d’alimenter un système qui ne fait que se nourrir de leur ignorance.
Douala 🇨🇲