Ce matin, pendant ma séance de sport, ma playlist a passé la chanson d’un pote à moi. Une très belle chanson. Ça m’a rappelé les bons moments. Je me suis empressé d’aller écouter tout l’EP dont est tiré l’album. Un EP juste magnifique. Le gars rappe dans un mélange de Medumba (langue Bagangté), de français et d’anglais. C’est tellement original et tellement camerounais.
Je t’aurais mis le lien vers Spotify, mais moi-même ça fait des années que je lui dis de réactualiser son compte artiste sur Spotify. Sa musique n’y est plus listée malheureusement. J’ai l'avantage d’avoir les fichiers dans mon téléphone que j’ai pu lier à mon compte Spotify.
Tchanou Bianda (si tu veux chercher sur YouTube) est un artiste vraiment talentueux. Moi qui suis un grand amateur de musique, je peux te dire qu’il a ce qu’il faut pour toucher les âmes de millions de personnes avec sa musique s’il s’y met à fond. Mais aujourd’hui, il est aux USA, en train de travailler en tant que DevOps dans l’informatique. Il se fait certainement BEAUCOUP plus d’argent qu’il ne se faisait avec sa musique.
Je connais un autre jeune dans la même situation. Un artiste que je trouve assez talentueux qui, aujourd’hui, travaille en France dans l’informatique où il se fait aussi beaucoup plus d’argent qu’il ne l’aurait jamais imaginé. Il s’agit de 3soro. Je me rappelle, il y a 5 ou 6 ans, il a pris son train pour venir me voir à Chambéry pour que je lui donne des conseils sur la suite de son aventure entre l’Italie et la France. Je lui ai dit qu’il avait quelque chose de spécial comme artiste. Qu’il fallait continuer de l’explorer. Que le chemin allait sûrement être plus long et plus difficile. Que les chances d’atteindre le sommet seraient minces, mais que c’est le vrai challenge auquel il devait se mesurer. Mais bon, je suppose que les conseils des parents et des amis sont aussi passés par là.
Sa musique est encore disponible sur Spotify. Je te laisse écouter une de ses chansons que je continue d’aimer jusqu’à aujourd’hui.
Tu me diras certainement qu’ils ont fait le bon choix. Aujourd’hui, ils ne sont pas à plaindre. Et contrairement à moi, ils ne réfléchissent pas à ce qu’ils vont manger demain. Et c’est exactement le problème que nous avons en Afrique. L’argent est le critère absolu et souvent le seul critère dans nos prises de décisions. Nous sommes tellement aveuglés par une vie meilleure que nous oublions que la plupart des personnes qui ont la vie après laquelle nous courons l'ont obtenue en suivant leur cœur.
L’Occident, qui est devenu notre paradis sur Terre, ne s’est pas développé parce que ses habitants couraient après l’argent. L’objectif de Thomas Edison n'a jamais été de créer la plus grande entreprise du monde. Il était d’abord un inventeur qui aimait ça. Il l’aurait fait avec ou sans succès. Elon Musk, qui est aujourd’hui l’homme le plus riche au monde, ne l’a pas vraiment calculé. Il a juste suivi son cœur et ça l’a mené au sommet du monde.
Le temps que j’ai passé en Occident m’a fait comprendre le sens du mot passion. La plupart des gens y font d’abord les choses avec le cœur. Et ça se voit sur leurs réalisations. Ils réussissent à avoir autant d'impact sur leur environnement parce qu’ils y mettent du cœur. Même quand ils veulent gagner beaucoup d'argent, ils décident de le faire dans leur discipline de cœur.
Contrairement à nous, qui sommes obnubilés par l’argent. Il n’y a qu’à voir les études que nous faisons, que ce soit au pays ou à l’étranger. Ça n'a souvent jamais rien à voir avec nos passions ou les besoins du pays. Ce sont les études ayant de meilleurs débouchés financiers. Et on s'étonne que malgré nos gros diplômes, nous n'arrivons jamais à laisser de trace dans nos différents domaines.
Nous avons complètement oublié le côté communautaire de la société. Chacun ne pense qu’à lui. Tout le monde veut être docteur, ingénieur et s’attend à écouter de la musique quand il allume son poste radio. Et personne ne se demande ce qui se serait passé si tous ces artistes qui ont composé les musiques que nous aimons tant avaient, eux aussi, décidé de courir après l’argent au lieu de se donner à fond à leurs passions.
Je sais que quand je pointe du doigt la lune, les gens ont toujours tendance à se focaliser sur mon doigt. Je ne dis pas que nous devrions forcément tous suivre nos passions même si elles ne mènent nulle part. Je ne suis pas en train de dire que l'argent n’est pas important ou qu’on ne devrait pas chercher à en gagner plus que son voisin. Non ! Tout ce que je dis, c’est que quand tout un peuple oublie tout ce qui est important et prend toutes ses décisions en ne se basant que sur l’argent, il y a un gros problème.
Et c’est ce problème que nous voyons actuellement au Cameroun. Où les gens convertissent leurs salaires en dollars ou en euros et estiment qu'ils devraient partir. Où les gens ne considèrent pas un travail si l’employeur n'est pas une multinationale. Où la diaspora passe son temps à construire des meublés en disant qu'ils investissent. Où les gens achètent des hectares de terrain qui resteront inexploités pendant des dizaines d’années alors que nous avons un besoin criant de machines pour développer notre industrie. Où les fonctionnaires, pour se mesurer aux hommes d'affaires, n’hésitent pas à détourner des milliards. Où un employé est prêt à abandonner un poste s'il n'y a aucun moyen de voler. Ce qu’ils appellent souvent les avantages de service.
On se demande souvent quel est le problème de l’Afrique sans se rendre compte qu'il se trouve dans nos petites décisions de tous les jours. Dans les nouvelles valeurs que nous avons décidé de suivre sans en comprendre le sens.
Douala 🇨🇲