J’ai l’habitude de dire que c’est nous-mêmes qui semons dans nos projets les graines de ce qui, plus tard, va les détruire. Souvent, parce que nous sommes pressés de nous lancer, nous ne pensons pas assez à long terme et parmi le bon blé que nous avons semé, nous semons et arrosons aussi l’ivraie.
Aujourd’hui, je vais te parler d’un programme que tu connais peut-être si, comme moi, tu écoutais la radio dans les années 90. Il s’agit de “L’Aventure Mystérieuse” de Patrick Nguema Ndong. Si ça te parle, je te laisse une minute pour savourer la chair de poule qui vient de traverser ton corps…
…Maintenant que c’est fait, revenons à nos moutons.
L’Aventure Mystérieuse, ce programme culte diffusé tous les dimanches soirs sur Africa N°1, était un incontournable des foyers africains francophones dans les années 90-2000. Même si les histoires étaient à glacer le sang, et donnaient la chair de poule, rares étaient ceux qui résistaient à les écouter. Patrick était trop bon dans son art. On s’arrangeait juste pour ne jamais être seul à la maison pendant l’émission. Car même le passage d’une souris pouvait nous provoquer une crise cardiaque.
Patrick est né en France, d’un père gabonais et d’une mère française. Après ses études en France et aux États-Unis, il retourne vivre à Libreville au Gabon. Le pays de ses ancêtres.
Je me rappelle de la fois où un cousin me l’a montré là-bas. J’étais choqué. Choqué de découvrir que ce monsieur qui nous tenait en haleine depuis notre enfance était en réalité un métis frêle, d’une simplicité légendaire. Je pense que je m’attendais à voir un grand noir au visage sévère, habillé comme un sorcier. D’ailleurs, je crois que je n’aurais même jamais cherché à le rencontrer tellement j’étais terrifié par les histoires mystiques qu’il racontait et que j’avais prises pour vraies dans mon enfance.
Mais aujourd’hui, avec le recul… Même si le travail qu’il a accompli est immense culturellement, et que son génie est indiscutable, je me demande si ce programme
n’était pas en réalité de l’ivraie, semée au milieu du blé de l’amour de soi que nos parents ont essayé de nous inculquer.
Parce qu’au final, beaucoup d’entre nous avons grandi avec une mauvaise image de l’Afrique. Nos petits cerveaux ont associé l’Afrique à la sorcellerie. Pendant qu’à la télé, on ne voyait jamais de sorcellerie chez les Blancs, et dans les séries policières, les méchants étaient toujours attrapés et punis.
Je me demande si tout ça n’a pas contribué à nous éloigner de notre culture, à nous enfoncer encore plus dans la religion, et à entretenir cette croyance profonde que tout ce qui est bien se fait ailleurs, hors de l’Afrique.
Tellement que, aujourd’hui, tu as des petits Africains vivant à Détroit, l’une des villes les plus dangereuses du monde, mais dont les parents leur interdisent de se balader à Douala parce que "la ville de Douala serait trop dangereuse".
Quelle image avons-nous réellement de nous-mêmes après des années de torpillage mystique de Patrick Nguema Ndong et de Nollywood ?
PS: Si tu es un fan, tu peux retrouver les aventures en suivant ce lien.
Douala 🇨🇲