Le roi, l’échiquier et la révolution que tu sous-estimes

Ce matin, je finissais d’écouter un livre audio et l’auteur a raconté une histoire que je connaissais déjà, mais qui m’a fait penser à un échange que j’ai eu avec Raoul il y a quelques jours, quand je lui rappelais qu’en trois jours, trois personnes de mon entourage vivant dans trois pays différents m’avaient parlé d’un de ses textes. Les trois personnes étant tombées sur son blog par ma recommandation. En gros, je négociais ma commission quoi. Bref, je suppose que tu veux savoir de quelle histoire il s’agit.

Il s’agit de l’histoire liée à l’invention des échecs, le fameux jeu de stratégie. Laisse-moi te la raconter.

Il y a quelques centaines d’années, un roi qui s’ennuyait fit passer le message dans son royaume qu’il récompenserait grandement celui qui réussirait à le distraire durablement. Plusieurs personnes s’y essayèrent : des bouffons, des lutteurs, des magiciens, tout ce que tu peux imaginer. Mais rien ne marchait. Le roi s’ennuyait toujours.

Jusqu’au jour où un vieux sage vint tenter sa chance. Le sage apporta une série de 32 petits bois soigneusement découpés. Les uns dans leur couleur claire d’origine, les autres noircis au feu. Il les posa sur un tableau de bois dont les cases avaient été également noircies au feu, formant une alternance de cases claires et sombres : l’échiquier.

Le sage enseigna au roi les règles du jeu d’échecs, et ils se mirent à jouer. La partie dura des heures. Et dès qu’elle fut terminée, le roi voulut recommencer. Tellement il y avait de possibilités de stratégies différentes. Le roi, ravi, demanda au sage ce qu’il voulait comme récompense.

Le sage lui répondit : Je souhaite un grain de blé pour la première case de l’échiquier. Deux pour la deuxième. Quatre pour la troisième. Huit pour la quatrième. Et ainsi de suite, en doublant à chaque case, jusqu’à la 64e.

Le roi, amusé par cette demande qu’il jugeait ridicule alors qu’il s’attendait à devoir céder un coffre d’or, accepta sans hésiter. Il n’avait aucune idée de ce qu’il venait d’accepter.

Si tu ne connais pas cette histoire, j’aimerais que tu t’arrêtes un instant et que tu te demandes : le roi a-t-il fait une bonne affaire ? En attendant, laisse-moi te raconter ce que j’ai vraiment dit à Raoul ce week-end.

Non, je ne me battais pas pour une commission. Je faisais remarquer à Raoul à quel point il est important que chacun s’engage à son niveau. Que nous n’avons pas besoin d’attendre l’État ou une structure pour faire changer les choses. Nous avons juste besoin qu’une personne s’engage. Qui en engage une autre. Et ainsi de suite. C’est comme ça que naissent les révolutions.

Beaucoup d’entre nous ont perdu espoir, parce qu’ils n’arrivent pas à visualiser ce qu’est une croissance exponentielle. Un peu comme moi qui parle d’un texte de Raoul, et lui ramène une dizaine de lecteurs d’un coup. Si ces lecteurs parlent eux aussi de ses textes avec la même intensité, imagine un peu la suite. Tu vois le tableau ? Pas besoin d’être un million pour commencer. Il faut juste un premier grain de blé sur l’échiquier.

Je suppose que tu es encore en train de réfléchir à la question que je t’ai posée plus tôt. Tu as peut-être essayé de calculer dans ta tête jusqu’à la 10e case. Et ton cerveau t’a peut-être dit de laisser tomber. Je te comprends. Notre cerveau n’est pas fait pour imaginer des scénarios exponentiels.

Raison pour laquelle, tu n’arrives pas non plus à comprendre comment on peut changer une nation de plusieurs millions d’habitants avec une seule personne.

Mais laisse-moi t’aider à faire le calcul que les mathématiciens du royaume avaient fini par faire. La quantité totale de grains demandés par le sage est de : 2^64 – 1, soit 18 446 744 073 709 551 615 grains de blé. Un chiffre si long que tu n’as même pas essayé de le lire jusqu’au bout. Mais qu’est-ce que ça représente concrètement ? Environ 450 milliards de tonnes de blé.

À titre de comparaison, en 2024, le monde entier a produit moins de 800 millions de tonnes de blé. Autrement dit, il faudrait des siècles à l’humanité pour produire le blé réclamé par le sage. C’est ça, la puissance de l’exponentiel.

Bien que notre esprit fonctionne en mode linéaire, il est important de se rappeler que certaines dynamiques n’obéissent pas à cette logique

Et ce n’est pas parce que tu ne vois pas encore les effets, que cela ne fonctionne pas.
Parfois, la solution est là, juste au-delà du seuil de ta compréhension actuelle.
Il suffit d’un petit effort mental, d’un petit pas de plus, pour apercevoir un monde nouveau.


Douala 🇨🇲