L'inaction : complice du mal

Aujourd’hui j’avais ma séance de travail avec maman comme d’habitude. Un de mes moments préférés de la semaine. Dans les divers, nous sommes arrivés par hasard sur la question de la justice. Et je lui ai rappelé tout ce que j’avais mis dans mon texte de la veille. Je lui ai dit à quel point c’était notre silence complice qui était le meilleur atout du mal ici chez nous. Et que j’avais décidé de ne plus me taire et de refuser de participer à faire progresser le mal par mon inaction. Et là elle m’a raconté une histoire. Quelque chose qui s’était passé durant la semaine même.

Avant de te raconter cette histoire, laisse-moi te donner un peu de contexte.

Ma maman a toujours été très gentille et maternelle. Quand nous n’étions que des enfants, à peu près tous nos voisins venaient passer du temps chez nous, pour manger et regarder la télévision. 

Il y a 3 ans, notre voisine la plus proche dont le fils est devenu marabout a copieusement insulté ma mère devant la maison. La traitant de sorcière, qu’elle avait un serpent caché chez elle. Bref, je t’épargne les détails. Apparemment ce n’était pas beau à voir et ça aurait duré des heures. Je n’étais pas là, trop occupé à me les geler en Occident.

Ma maman ce jour était tétanisée et totalement paralysée. Personne pour venir à sa défense. Tout le monde regardait sans dire mot. Une autre voisine était juste devant son portail. La voisine vivant dans la maison juste après celle qui insultait maman. Ma maman lui a jeté un regard genre désespéré du genre “toi aussi tu me laisses me faire traiter de sorcière?”. La voisine en question a croisé le regard de maman et l’a complètement ignorée.

Cette semaine, 3 ans plus tard, cette voisine, appelons-la “Pierrette”, pour les connaisseurs. Pierrette a vu maman passer devant son portail et lui a demandé un service. Maman étant pressée lui a dit de passer à la maison le lendemain matin. Une fois arrivée, maman l’a fait asseoir. Et lui a posé quelques questions. Elle lui a demandé si elle se rappelait comment il y a plus de 25 ans aujourd’hui tous les enfants du quartier venaient manger chez elle y compris les siens. Pierrette a dit oui, qu’elle ne peut jamais oublier ça. Maman lui a demandé si elle se rappelle comment elle lui sauvait la mise chaque fois dans son foyer quand son mari ne voulait pas lui donner d’argent pour la maison. La voisine a dit qu’elle se rappelait et lui serait toujours reconnaissante.

Et là maman lui a dit qu’il y a 3 ans, quand elle se faisait insulter par la voisine, elle était dépitée et cherchait du réconfort dans le regard des autres. Qu’elle avait croisé son regard et que cette dernière avait fait comme si elle ne la connaissait même pas. Maman lui a dit que cet acte lui avait fait beaucoup plus mal que toutes les insultes de la voisine. Pierrette a voulu se mettre à genoux pour lui demander pardon. Et maman lui a dit que ça ne valait pas la peine. Qu’elle ne lui en voulait pas, mais qu’elle voulait juste le lui faire savoir. Et Pierrette a remercié maman de lui avoir dit ça, de lui avoir rappelé le tort que son inaction avait causé.

Ah! J’en avais presque les larmes aux yeux. Il y a quelques années, connaissant maman, elle n’en aurait jamais fait allusion à Pierrette. Mais aujourd’hui elle a le courage de parler. Elle ne laisse plus le silence aider le mal à faire sa mauvaise besogne. Et j’aime à croire que tout ça c’est un peu grâce à moi. Quelque chose que je n’aurais certainement pas pu faire de l’Occident. L’effet papillon dans toute sa splendeur.

Et si tu te demandes encore pourquoi j’ai choisi le nom Pierrette, laisse-moi éclairer ta lanterne. Dans la Bible, il est dit que quand Judas a trahi Jésus et que les soldats sont venus l’emmener, Pierre voulait se battre pour le défendre. Et Jésus l’en a dissuadé en lui disant qu’il ferait pire que Judas. Qu’avant que le coq ne chante, il l’aurait renié trois fois. Ce que Pierre fit!

Si j’ai choisi Pierrette, c’est en hommage à Pierre. La Bible que j’ai lue, je considère comme un livre philosophique. Et l’enseignement ici est très clair. Ce n’est pas l’action de celui qui cause le mal qui est la chose la plus grave, c’est l’inaction de celui qui voit sans mot dire qui l’est. Le premier permet au mal de se mettre en place, le second lui donne un environnement pour prospérer et se multiplier.

Une fois de plus, j’aimerais te rappeler cette si belle phrase d’Edmund Burke, “Tout ce dont le mal a besoin pour triompher, c'est que les hommes de bien ne fassent rien.” Et te demander:

“Alors fais-tu partie des Pierre et des Pierrette de ce monde?”


Douala 🇨🇲