Thanks for the noise: la suite

"La véritable force de caractère est la capacité à faire la prochaine bonne chose encore et encore."
C’est par cette puissante phrase du psychologue de sport et coach Bill Beswick que je veux commencer ce texte.

Il risque d’être long, de partir dans tous les sens, de manquer certains éléments, mais il sera le plus sincère et le plus honnête possible. Fidèle à mes principes d’éthique et d’intégrité.

Et avant que tu ne te poses la question, sache que je n’ai reçu aucune pression quelconque pour faire ce texte ou pour son contenu. Je le fais parce que c’est une suite logique de l’action que j’ai commencée il y a 2 jours. Dans laquelle je demandais à savoir ce qui s’était passé avec ma candidature. Je cherchais des réponses et je t'en ai parlé. Et il est normal que je t’en reparle après avoir trouvé quelques réponses.
Si tu es passé à côté, je t’invite à aller relire le texte.

Les faits

Il y a 2 jours, j’ai fait un texte pour dénoncer quelque chose que je trouvais anormal. Le fait que mon nom ait disparu d’une liste de sélection sans explication.

Mazars

Dans les minutes qui ont suivi la publication de mon texte et son partage par des connaissances, il est arrivé à la connaissance du DG du cabinet Forvis Mazars (la branche locale). Il a directement organisé un rendez-vous le lendemain à midi dans son bureau avec les parties concernées. Cette réunion a duré plus d’une heure où, après avoir à maintes reprises réitéré l’engagement d’intégrité du groupe Mazars, le DG m’a fait comprendre qu’il comprenait ma frustration, qu’il comprenait le fait que je me sois exprimé publiquement même s’il aurait préféré que je le fasse autrement. Il m’a rassuré sur le fait qu’il n’y avait pas eu de vice de procédure dans la sélection et que tout ceci n’était qu’un grand malentendu suite à une erreur de communication.

Je salue encore la promptitude de Mazars par le biais de son DG qui a tenu à battre le fer quand il était encore chaud. Qui n’a pas sous-estimé l’affaire et qui s’est rendu disponible pour que nous puissions ensemble régler ce différend.

Les Bâtisseurs Africains

L’association des bâtisseurs, représentée par sa coordinatrice locale, était elle aussi présente à cette réunion. Elle a tenu à me dire qu’elle comprenait ma frustration. Elle m’a expliqué ce qui s’était passé, mais je n’ai pas trouvé cela normal parce que ce n’était pas en phase avec la communication d’origine. J’aurais aimé qu’ils l’expliquent plus en détail en amont du programme ou même dans un communiqué plus tard. Mais apparemment, il s’agit d’un sujet sensible qui touche d’autres entités que ni eux ni moi ne voulons mêler à l’affaire à ce niveau. Pas parce que nous avons peur, mais parce que ça touche au financement du programme tout entier.

Comme me l’a rappelé le président du Club des Bâtisseurs, qui a tenu à échanger avec moi, ce programme n’est peut-être pas l’opportunité du siècle pour certains, mais il est salutaire pour d’autres. Et ça, je respecte. Si le problème ne repose que sur un élément de communication, ce n’est pas moi qui viendrai gâcher les chances des autres.

La démarche

Pendant cette réunion, le DG a souligné que j’aurais pu utiliser une autre démarche. J’ai d’ailleurs entendu cette remarque à plusieurs reprises. Je tiens à souligner que j’ai essayé de comprendre à plusieurs reprises. J’ai utilisé les canaux de communication à ma disposition pour avoir des réponses, mais je n’ai pas eu de vraies explications. Je voulais même passer sur l’affaire avant de me rappeler que le plus grand avantage du mal n’était pas les mauvaises personnes, mais les bonnes qui ne font rien. Il fallait que je reste cohérent avec mes principes. Et je ne pense pas que la réunion aurait eu lieu, ou du moins aussi vite, si mon texte n’avait pas été publié.

Le prix

À la réaction de certains candidats, on aurait dit que je faisais tout ça pour un voyage de 2 semaines à Bordeaux. C’est peut-être la raison pour laquelle ils se sont inscrits au programme et je leur souhaite bonne chance pour la suite de leur aventure entrepreneuriale. Mais si ce n’était que pour passer 2 semaines à Bordeaux, je ne serais pas ici au Cameroun, en train de me battre avec les fournisseurs, les employés, la fumée et les pluies diluviennes. Je serais tout simplement resté en France ou même au fameux Canada qui est devenu le paradis de certaines personnes.

Non, si j’ai participé à ce programme, après une forte insistance d’un bon ami, c’était d’abord et avant tout pour me permettre de me soumettre à cet exercice de revue du business. Souvent, nous avons tellement la tête dans le guidon que nous oublions notre direction d’origine. Et même avant que les résultats ne soient donnés, j’avais déjà atteint mon objectif. Et j’encourage les entrepreneurs qui en ont le temps, à se plier à cet exercice de temps en temps pour faire le point sur leur business et se confronter à un jury externe.

Si j’ai dénoncé, ce n’était pas pour le prix, mais pour la forme. C’est tombé sur moi, c’était ma responsabilité et j’ai répondu à l’appel. Aussi simple que ça !

Le fair-play

Souvent, les personnes pour lesquelles on se bat sont celles qui vont être les plus farouches en notre égard. J’ai lu des commentaires parmi les candidats sur le fair-play et tout. Peut-être que certains sont à leurs premiers concours, peut-être que certains pensent que j’en suis à mon premier. L’année dernière, avec un autre projet, j’ai été sélectionné au premier tour du Programme Fighters à Station F. J’ai payé mon billet d’avion et j’ai fait un mois à Paris pour le programme. Je n’ai pas été sélectionné pour la phase 2. Je suis rentré tout doucement. Aucun texte, rien. Ça fait partie de la vie. Le processus était clair. Pas d’ambiguïté sur la com’, pourquoi me plaindre ? Surtout qu’il y avait toujours quelqu’un pour répondre à toutes nos questions.

Comme je l’expliquais à la réunion d’hier, m’exprimer est aussi une façon de faire avancer les choses. Pourquoi accepterions-nous moins si nous pouvons faire plus ? Il y a d’ailleurs certains candidats qui ont fini par dire que même pour eux, le processus n’était pas assez clair. Espérons que ce sera une occasion pour tout le monde de faire mieux la prochaine fois.

La Blacklist

Certaines personnes ont voulu me dissuader de m’exprimer, car je courais le risque d’être blacklisté à l’avenir. J’avoue que c’est un risque réel, même si je dois noter que le DG m’a rassuré que tant qu’ils assureront l’intégrité de ce concours et des autres (Le Prix Pierre Castel entre autres), ma candidature sera toujours traitée comme toutes les autres. Mais bon, il m’a aussi beaucoup conseillé de faire avec le contexte. Donc nous sommes au pays, et le risque est réel. Peut-être pas de leur côté, mais il existe.

Ce risque, je le savais avant de publier mon texte. Mais si, comme moi, tu prends la moto tous les jours à Douala, avoir peur de ce genre de chose n’a juste pas de sens. Le risque de mourir d’un accident de moto est beaucoup plus important que celui de subir les conséquences d’une blacklist. Et comme je l’ai expliqué en réunion, être blacklisté, c’est l’histoire de ma vie. Je ne m’arrêterais jamais de faire ce que je pense être juste à cause d’une peur quelconque. Si c’est le cas, qu’est-ce que je fais encore ici ?

Faire profil bas

Des amis bienveillants m’ont dit : “Ronel, quand c’est comme ça, tu laisses et tu continues de travailler. Tu es encore tout petit, on peut te nuire à l’extrême dans ce pays. Eto’o se bat parce qu’il est déjà arrivé.” Autant je comprends ce discours, autant je ne suis pas totalement d’accord. Il faut certes faire attention avant de se lancer dans certains combats, mais il n’y a pas de moment idéal pour dénoncer une injustice. Nous sommes ce que nous faisons. Si on ne le fait pas maintenant, ce n’est pas quand nous serons plus gros que nous le ferons. C’est comme la générosité. Les plus généreux donnent et c’est tout. Qu’ils soient riches ou pauvres, ils donnent. Ce sont les chiches qui veulent nous faire croire qu’ils ne donnent pas encore parce qu’ils n’en ont pas assez. Et je sais que les combats d’Eto’o ne datent pas d’hier. Mais ça, c’est le sujet d’un autre jour.

Et si c’était à refaire ?

Je le referais tous les jours de l’année. Avec les informations en ma possession, je réécrirais le même texte que je publierais. On m’a fait passer un message, comme quoi le business ne marche pas avec l’activisme. Peut-être qu’il va falloir que je m’attelle à prouver le contraire.

C’est dommage que nous en soyons arrivés là. Mais j’espère que ça nous servira à tous de leçon pour faire mieux la prochaine fois. Ce n’est certainement pas encore fini, mais pour moi, ça a déjà été une belle aventure. J’ai pu rencontrer de nouvelles personnes, des personnes très intéressantes. J’ai pu constater une fois de plus que nous avions des grands patrons disponibles et soucieux de faire du bon travail. J’espère avoir pu inspirer quelques-uns à prendre leur courage à deux mains et à dire ce qu’ils pensent quand ça ne va pas. Et je me suis aussi certainement fait quelques ennemis dans l’ombre. Mais que serait la vie sans obstacles ?

Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?

Il s’est passé qu’il y a eu un problème de communication en amont du concours. Quelques problèmes de communication pendant et à la fin, et un généreux acteur qui n’avait pas été pris en compte. Je préfère laisser le Club des Bâtisseurs en parler s’ils le veulent. Ce sont eux qui se battent pour financer ce programme, et comme je l’ai mentionné plus haut, je n’aimerais pas être celui qui va faire perdre certaines opportunités à la communauté.

Peut-être qu’ils expliqueront en détail ce qui s’est passé aux autres candidats, parce que je pense qu’ils méritent de le savoir. Surtout que certains ont fait beaucoup de trajet pour pouvoir y participer. Mais j’espère surtout que le tir sera rectifié pour les prochaines éditions.

Le Rasoir de Hanlon

J’en ai déjà parlé plusieurs fois dans mes textes, mais je crois que là, nous en avons un parfait exemple. Le rasoir de Hanlon est une règle de raisonnement proposée par le programmeur Robert Hanlon et très reprise par Charlie Munger. La règle est simple : “Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer.” J’essaie de me rappeler cette règle chaque fois que je fais face à un problème. Mais je crois que cette fois-ci, j’aurais pu faire mieux. Et si même moi je tombe dans le piège de ce rasoir alors que je le connais parfaitement, je n’imagine pas ce que ce serait pour toi si tu n’en connais toujours pas l’existence.

La communauté

Certaines personnes de ma communauté ont relayé haut et fort le message, et je leur en suis reconnaissant. Nous sommes une force quasi invincible si nous réussissons à nous mettre ensemble pour une cause. C’est dommage que certains ne voient que leurs intérêts et passent toujours comme un taxi plein en se disant “à quoi bon”. Je voudrais te rappeler que le mal ne tire pas sa force de ses muscles mais de notre peur. Si nous voulons que les choses changent, nous devons arrêter d’alimenter le mal avec nos peurs.

J’espère que tu porteras le problème de la même façon pour une autre personne ou une autre cause. Par contre, j’ai été déçu par les réactions de beaucoup d’autres pour qui j’avais de la considération. Des gens qui ne veulent jamais se mouiller, qui veulent manger à tous les râteliers mais qui, lorsque ce sera leur tour, seront les premiers à appeler au secours. C’est dans ce genre de moments qu’on sait avec qui on peut aller au front ou pas. Et heureusement que ces moments comme celui-ci existent. Comme a dit une fois Warren Buffett : “C’est seulement quand la marée se retire que vous découvrez qui nageait nu.” Souvent tu crois que tu es bien entouré parce que tout va bien. C’est dans ces moments comme celui-ci, que la marée se retire, que tu vois qu’en fait c’était un entourage en plastique.

Conclusion

  • Le cabinet Forvis Mazars a bien géré.
  • La communication peut être mieux faite autour du programme.
  • Il ne faut pas avoir peur de s’exprimer.
  • On m’a promis qu’il n’y aurait pas de représailles, mais je te tiendrai au courant.
  • Il n’y a pas d’âge ni de bon moment pour dénoncer.
  • Souvent le point faible est plus proche que tu ne l’imagines. Crois-moi!
  • Ne fais aucun concours ou programme pour ce que tu vas y gagner après, mais d’abord pour ce que tu vas apprendre pendant le processus.

PS : Rien de tout ceci n’aurait été possible si je ne tenais pas un blog sur lequel j’écris tous les jours. Dénoncer, c’est bien, mais pour cela tu as besoin d’une plateforme et surtout de savoir bien écrire. Et savoir bien écrire ne s’apprend qu’en écrivant. Écrire est l’arme la plus puissante et la plus disponible de la Terre, ne t’en prive pas. Saisis-la et fais-en bon usage ! Et en tout temps, rappelle-toi de ces mots d'Edward Bulwer-Lytton : “La plume est plus forte que l’épée.”


Douala (Gotham City) 🇨🇲