Hier, je parlais de petites décisions anodines que nous prenons tous les jours, qui contribuent à maintenir l’Afrique dans cette situation que nous connaissons tous et qui pousse tout le monde à vouloir partir. Tu te demandes peut-être de quoi il s’agit.
C’était la remise de bulletins du premier trimestre pour la plupart des enfants de maternelle et du primaire cette semaine. Et comme à l’accoutumée, les écoles ont organisé des séries de spectacles pour l’occasion. Et comme d’habitude, le clou de la cérémonie, c’est le Père Noël. Le Père Noël qui remet les cadeaux aux enfants, le Père Noël qui danse pour la foule. Et qui dit Père Noël dit déguisement qui va avec. Les plus zélés vont même jusqu’à se mettre de la craie sur la peau pour une apparence blanche.
Quand on fait vivre ce genre d’expériences à nos enfants, dont le cerveau n’est qu’au début de son développement, on s’attend à quoi ? Quand on fait croire à nos enfants que c’est un vieux père blanc qui leur donne des cadeaux, quand on leur fait comprendre que pour s’amuser, c’est un vieux père blanc qui doit danser dans la foule, à quoi est-ce qu’on s’attend en réalité ? Pourquoi, quelques années plus tard, ces enfants n’auraient-ils pas l’impression que la vraie vie se passe chez les blancs ?
N’avons-nous vraiment aucune culture que nous pouvons utiliser pendant ces cérémonies ? Ne pouvons-nous pas utiliser ces occasions pour rappeler à nos enfants la mémoire de nos héros qui sont morts pour que nous puissions être libres et avoir une terre que nous appelons la nôtre ? Est-ce que dans les écoles en Asie, ce Père Noël a autant la côte ? Pourquoi ne pouvons-nous pas, une fois pour toutes, briser ces chaînes de l’esclavage ? Qu’est-ce que nos enfants ont fait pour que nous les y plongions à un si jeune âge ?
Mais bon, peut-être que c’est moi qui réfléchis encore trop. C’est sûr que nos génies de la diaspora ont une solution pour nous tirer d’affaire.
Douala 🇨🇲
Ce matin, pendant ma séance de sport, ma playlist a passé la chanson d’un pote à moi. Une très belle chanson. Ça m’a rappelé les bons moments. Je me suis empressé d’aller écouter tout l’EP dont est tiré l’album. Un EP juste magnifique. Le gars rappe dans un mélange de Medumba (langue Bagangté), de français et d’anglais. C’est tellement original et tellement camerounais.
Je t’aurais mis le lien vers Spotify, mais moi-même ça fait des années que je lui dis de réactualiser son compte artiste sur Spotify. Sa musique n’y est plus listée malheureusement. J’ai l'avantage d’avoir les fichiers dans mon téléphone que j’ai pu lier à mon compte Spotify.
Tchanou Bianda (si tu veux chercher sur YouTube) est un artiste vraiment talentueux. Moi qui suis un grand amateur de musique, je peux te dire qu’il a ce qu’il faut pour toucher les âmes de millions de personnes avec sa musique s’il s’y met à fond. Mais aujourd’hui, il est aux USA, en train de travailler en tant que DevOps dans l’informatique. Il se fait certainement BEAUCOUP plus d’argent qu’il ne se faisait avec sa musique.
Je connais un autre jeune dans la même situation. Un artiste que je trouve assez talentueux qui, aujourd’hui, travaille en France dans l’informatique où il se fait aussi beaucoup plus d’argent qu’il ne l’aurait jamais imaginé. Il s’agit de 3soro. Je me rappelle, il y a 5 ou 6 ans, il a pris son train pour venir me voir à Chambéry pour que je lui donne des conseils sur la suite de son aventure entre l’Italie et la France. Je lui ai dit qu’il avait quelque chose de spécial comme artiste. Qu’il fallait continuer de l’explorer. Que le chemin allait sûrement être plus long et plus difficile. Que les chances d’atteindre le sommet seraient minces, mais que c’est le vrai challenge auquel il devait se mesurer. Mais bon, je suppose que les conseils des parents et des amis sont aussi passés par là.
Sa musique est encore disponible sur Spotify. Je te laisse écouter une de ses chansons que je continue d’aimer jusqu’à aujourd’hui.
Tu me diras certainement qu’ils ont fait le bon choix. Aujourd’hui, ils ne sont pas à plaindre. Et contrairement à moi, ils ne réfléchissent pas à ce qu’ils vont manger demain. Et c’est exactement le problème que nous avons en Afrique. L’argent est le critère absolu et souvent le seul critère dans nos prises de décisions. Nous sommes tellement aveuglés par une vie meilleure que nous oublions que la plupart des personnes qui ont la vie après laquelle nous courons l'ont obtenue en suivant leur cœur.
L’Occident, qui est devenu notre paradis sur Terre, ne s’est pas développé parce que ses habitants couraient après l’argent. L’objectif de Thomas Edison n'a jamais été de créer la plus grande entreprise du monde. Il était d’abord un inventeur qui aimait ça. Il l’aurait fait avec ou sans succès. Elon Musk, qui est aujourd’hui l’homme le plus riche au monde, ne l’a pas vraiment calculé. Il a juste suivi son cœur et ça l’a mené au sommet du monde.
Le temps que j’ai passé en Occident m’a fait comprendre le sens du mot passion. La plupart des gens y font d’abord les choses avec le cœur. Et ça se voit sur leurs réalisations. Ils réussissent à avoir autant d'impact sur leur environnement parce qu’ils y mettent du cœur. Même quand ils veulent gagner beaucoup d'argent, ils décident de le faire dans leur discipline de cœur.
Contrairement à nous, qui sommes obnubilés par l’argent. Il n’y a qu’à voir les études que nous faisons, que ce soit au pays ou à l’étranger. Ça n'a souvent jamais rien à voir avec nos passions ou les besoins du pays. Ce sont les études ayant de meilleurs débouchés financiers. Et on s'étonne que malgré nos gros diplômes, nous n'arrivons jamais à laisser de trace dans nos différents domaines.
Nous avons complètement oublié le côté communautaire de la société. Chacun ne pense qu’à lui. Tout le monde veut être docteur, ingénieur et s’attend à écouter de la musique quand il allume son poste radio. Et personne ne se demande ce qui se serait passé si tous ces artistes qui ont composé les musiques que nous aimons tant avaient, eux aussi, décidé de courir après l’argent au lieu de se donner à fond à leurs passions.
Je sais que quand je pointe du doigt la lune, les gens ont toujours tendance à se focaliser sur mon doigt. Je ne dis pas que nous devrions forcément tous suivre nos passions même si elles ne mènent nulle part. Je ne suis pas en train de dire que l'argent n’est pas important ou qu’on ne devrait pas chercher à en gagner plus que son voisin. Non ! Tout ce que je dis, c’est que quand tout un peuple oublie tout ce qui est important et prend toutes ses décisions en ne se basant que sur l’argent, il y a un gros problème.
Et c’est ce problème que nous voyons actuellement au Cameroun. Où les gens convertissent leurs salaires en dollars ou en euros et estiment qu'ils devraient partir. Où les gens ne considèrent pas un travail si l’employeur n'est pas une multinationale. Où la diaspora passe son temps à construire des meublés en disant qu'ils investissent. Où les gens achètent des hectares de terrain qui resteront inexploités pendant des dizaines d’années alors que nous avons un besoin criant de machines pour développer notre industrie. Où les fonctionnaires, pour se mesurer aux hommes d'affaires, n’hésitent pas à détourner des milliards. Où un employé est prêt à abandonner un poste s'il n'y a aucun moyen de voler. Ce qu’ils appellent souvent les avantages de service.
On se demande souvent quel est le problème de l’Afrique sans se rendre compte qu'il se trouve dans nos petites décisions de tous les jours. Dans les nouvelles valeurs que nous avons décidé de suivre sans en comprendre le sens.
Douala 🇨🇲
Aujourd’hui, j’étais à Bonamoussadi, au carrefour de la mairie. Je voulais faire des photocopies. Et je suis allé dans une des librairies-papeteries qui jonchent la route en allant vers fin goudron. Si tu connais l’endroit, tu sais qu’on est à une des entrées de Denver, l'un des quartiers avec les plus hauts revenus de la ville.
Pendant que j’attendais ma photocopie, dans cette librairie qui est l’équivalent de 2 containers de 20 pieds mis ensemble, en tapant mes commentaires avec Flavien, je constate une chose. Comme le demande la loi, la fiche de paiement des impôts est affichée à l’entrée. Et tu me connais, je suis très curieux.
Je me mets donc à lire cette fiche et je me rends compte que ce commerce paie un impôt annuel de 176.000 FCFA. Je connais très bien ce montant. C’est le montant que moi-même je paie avec un de mes établissements, c’est un impôt libératoire. Tu vas te dire, rien de plus normal, un citoyen honnête. Sauf que, j’ai travaillé 3 ans dans le secteur de la librairie-papeterie et je sais un peu ce que c’est comme business.
Une librairie comme celle-là, en plein Bonamoussadi, juste en face de Denver, est capable de générer un chiffre d’affaires annuel compris entre 80 et 100 millions. Mais les gars sont tranquillement enregistrés sous le régime d’établissement et paient un impôt de 176.000 FCFA. Je te laisse faire le calcul de ce que ça représente sur le chiffre d’affaires.
Des business comme ça au Cameroun, il y en a des milliers. Ils sont nombreux au marché Mboppi à faire des chiffres d’affaires de 500 millions par an sous le régime de l’établissement. D’ailleurs, dernièrement, quand je traversais La Douche à Akwa, le nouveau China Town de la ville, je voyais tous ces magasins chinois fièrement arborer leurs noms, Ets Lee, Ets Xinji et j’en passe. Je pense n’avoir vu qu’un seul qui était constitué en SARL.
Peut-être pour toi, tout ça c’est du charabia. Mais c’est très important pour moi. Nous nous plaignons tous les jours que les choses vont mal. Mais ce sont encore nous qui conseillons les étrangers de venir ouvrir des commerces qui font le milliard de chiffre d’affaires sous le régime d’établissement pour ne payer que l’impôt libératoire. Parce que ces boutiques chinoises, oui, sont capables de faire le milliard de chiffre d’affaires annuel.
Mais bon, laissons même les Chinois tranquilles. Ils jouent juste notre jeu. Ce qui me choque le plus, c’est que le propriétaire de cette librairie est certainement une personne très riche qui a envoyé tous ses enfants étudier à l’étranger. Et ce sont ces mêmes connards qui nous chantaient dans les oreilles tous les jours que les impôts peuvent tuer quelqu’un au Cameroun. C’est avec une partie de l’argent des impôts détournés que leurs parents ont pu payer leurs écoles en Occident et aujourd’hui ils osent nous dire que le pays tue les jeunes et n’offre pas d’opportunités.
Toi qui souris, ne te sentant pas concerné parce que tes parents n’étaient pas commerçants mais fonctionnaires. N’oublie pas que nous savons tous quels sont les salaires officiels des fonctionnaires au Cameroun. Et que la plupart de ces salaires ne peuvent pas payer des études à l’étranger. Ne te réjouis pas trop, on ne t’a pas oublié.
Douala 🇨🇲
Je pense qu’ouvrir ce débat sur l’immigration et la diaspora africaine (la camerounaise, en particulier) était une très bonne idée. Certains membres de cette diaspora, en voulant se défendre, prouvent mon point tous les jours : mon argument selon lequel cette diaspora est loin d’être aussi brillante qu’elle le laisse entendre. Elle a de gros diplômes, elle sait être un bon automate, ça c’est sûr. Mais quand il s’agit de réfléchir, de faire preuve de réflexion critique, elle est aussi nulle qu’un robot qui essaie de danser le mbolé.
Je pourrais te faire un morceau choisi de raisonnements absurdes que j’ai déjà entendus venant de cette diaspora. Peut-être que je le ferai plus tard d’ailleurs. Note to myself. Aujourd’hui, je vais juste te raconter la dernière des histoires que j’ai reçues. Ce n’est pas la première fois que je reçois une version ou une autre de cette histoire. Mais je me suis dit qu’il était temps que je la partage avec toi.
Un diaspoRIEN qui explique comment son pote, qui est un génie des télécoms, après avoir passé son diplôme d’ingénieur au Cameroun, ne trouvait pas de travail. Faute d’avoir envoyé des centaines de CV. Ce dernier a finalement immigré en France où il a trouvé un salaire et maintenant il peut manger à sa faim et payer la scolarité de ses frères et sœurs.
Oui, c’est une histoire que toi aussi tu as déjà entendue certainement des dizaines de fois. Peut-être que toi-même tu l'as déjà racontée plusieurs fois. Mais avant de te demander pourquoi je la trouve absurde, je te demande de prendre quelques secondes et d’essayer de réfléchir. De te poser les bonnes questions. De faire un essai de réflexion critique. Je t’attends…
Ça y est ? Ok, allons-y !
Déjà, si tu es un génie tout court, pourquoi étudier les télécoms si tu sais qu’il n’y a pas de débouchés dans ton pays ? Et si tu es un vrai génie, même s’il n’y avait qu'une place dans le milieu des télécoms, elle te serait réservée. À moins que tu ne nous sortes une autre version d’histoire selon laquelle, pour être recruté, il faut se compromettre. Et si c'est le cas, tu es en train de dire que tous ceux qui travaillent dans ce domaine se sont compromis. Un peu facile, tu ne trouves pas ?
Un génie, c’est quelqu’un qui met son intelligence au service des autres. Un automate, c’est quelqu’un qui met la compétence qu'on lui a apprise au service de son maître. Le génie saura lire son environnement et savoir quoi faire. L'automate ne saura rien faire d'autre si personne n’a besoin de la compétence pour laquelle il a été formé.
Un génie trouvera un moyen de tirer son épingle du jeu, quel que soit le terrain de jeu. Il n’a pas besoin de circonstances particulières pour briller. Que ce soit sur terre battue ou sur gazon, il reste un génie. Certes, il sera plus confortable sur certains terrains que d’autres, mais quel que soit le terrain, il fera toujours partie du top.
Le génie des télécoms, c’est celui qui, en France, a réussi à vulgariser les télécoms au point où ils soient obligés de chercher la main-d’œuvre hors de leurs frontières. Ce n'est en aucun cas celui qui, dans son pays, n'a même pas pu trouver une place sur le petit marché local et qui a dû aller être un automate ailleurs.
Je suis fatigué d’entendre parler des génies quand il s’agit de la diaspora africaine. Combien d’entre eux, en Occident, ont créé des entreprises qui font des centaines de millions de dollars de chiffre d’affaires ? Combien d’entre eux sont les fondateurs de licornes (Startups valorisées à plus d’un milliard de dollars) ? Combien d'entre eux sont des leaders incontestés dans leurs nouvelles communautés ? N’hésite pas à m’envoyer les noms. Tout ce qu’ils savent faire c’est de venir construire des meublés en Afrique.
Les Tidjane Thiam et consorts ne sont que des bons automates. Non seulement ils n’ont pas ce qu’il faut pour créer des boîtes à la taille de Crédit Suisse, mais en plus ils n'ont même pas ce qu’il faut pour être les vrais actionnaires de ces entreprises.
Elon Musk est un génie. Parti de l’Afrique du Sud, il a su s’asseoir sur le toit du monde en devenant l’homme le plus riche que la Terre n’ait jamais connu, grâce à ses entreprises tout aussi innovantes les unes que les autres. Aller aux États-Unis l’a certainement aidé à atteindre ce statut. Mais même s’il était resté en Afrique du Sud, on aurait entendu parler de lui. Il n’y a qu’à voir ce qu’il a réussi à y faire étant gamin.
Toi, tu es là, dans un pays comme le Cameroun où des personnes qui ne sont pas allées à l’école deviennent milliardaires, tu n’arrives pas à tirer ton épingle du jeu avec un diplôme d'ingénieur en télécoms. Et tes amis t’appellent génie, tu laisses. Je sens qu’on va commencer à taper vos bouches ici dehors.
L’Afrique, le Cameroun, est là où la plupart des pays développés étaient il y a quelques dizaines d’années. Nous avons besoin de travailleurs, de personnes intelligentes, de producteurs, de vrais génies, exactement comme ceux qui ont construit ces pays pour lesquels les membres de la diaspora se sont transformés en mendiants de passeport. Nous n’avons nullement besoin de consommateurs, pleurnichards et automates qui se prennent pour ce qu’ils ne sont pas.
Donc de grâce, laissez-nous en paix ! Ici, on travaille.
Douala 🇨🇲
Ça fait un moment que je parle de plus en plus du fléau qu’est l’immigration pour l’Afrique. Au début, les gens me regardaient du coin de l’œil, comme pour dire : "Il va bientôt se fatiguer." Mais avec le temps, ces mêmes personnes se sont rendues compte que j'étais très sérieux sur le sujet et qu’au lieu de me fatiguer, je montais de plus en plus en fréquence. Du coup, comme c’est un sujet qui touche un peu tout le monde — ceux qui sont déjà partis, ceux qui attendent leur tour pour partir, et ceux qui préparent leurs enfants à partir —, je commence à recevoir des flèches de partout.
Ce que très peu de personnes savent, c’est que c’est un sujet sur lequel je travaille activement depuis plus de 10 ans déjà. Ce que beaucoup ignorent, c’est que je ne suis encore qu'au début de ce combat. Certaines vérités sont encore très difficiles à encaisser pour certaines âmes sensibles, du coup je les réserve pour plus tard. Certains pensent que c’est une histoire personnelle, alors que je n’en ai complètement rien à faire de leurs vies.
Cette semaine, j'ai entendu à plusieurs reprises une version de l’argument selon lequel l’Afrique aurait besoin de tous ses enfants pour réussir. Une assertion contre laquelle il est difficile de se positionner. Mais la plupart des personnes qui le disent partent du principe que tous les enfants de l’Afrique ont encore ce qu’il faut pour défendre ses intérêts. Pourtant, il est parfois préférable de réaliser un projet avec trois personnes sur la même longueur d’onde qu’avec une centaine où il faudrait des mois juste pour s’accorder sur l’heure de début.
Beaucoup de personnes de la diaspora pensent que j'ai un problème avec elles. Ce qu’elles ne comprennent pas, c’est qu’elles représentent exactement le plus grand frein actuel au développement du continent. Avec le temps, j’expliquerai beaucoup plus en détail comment le virus de l’immigration est en train de faire beaucoup plus de mal à l’Afrique que ne l'ont fait l’esclavage et la colonisation réunis. J’espère juste que mes occupations me permettront de le faire assez vite.
En attendant, ne m’insulte pas seulement dans ton cœur. Abonne-toi à ma chaîne WhatsApp [Lien] et partage ces textes dans ton entourage. S’il y a un débat auquel nous ne devons pas nous dérober, c’est bien celui-ci. Il en va de la survie du continent tel que nous le connaissons.
Douala 🇨🇲
"You can't connect the dots looking forward; you can only connect them looking backwards. So you have to trust that the dots will somehow connect in your future. You have to trust in something — your gut, destiny, life, karma, whatever. This approach has never let me down, and it has made all the difference in my life.”
Ceci est un passage du discours de Steve Jobs à la remise des diplômes des étudiants de Stanford en 2005. Je voulais te le mettre dans sa version originale pour que tu puisses capter toute sa puissance. Mais bon, on se connaît : si je ne mets pas la traduction en français, tu risques de ne pas continuer de lire. Voici donc :
"Vous ne pouvez pas relier les points en regardant vers l'avant ; vous ne pouvez les relier qu'en regardant en arrière. Donc, vous devez faire confiance au fait que ces points se relieront d'une manière ou d'une autre dans votre futur. Vous devez faire confiance à quelque chose — votre intuition, le destin, la vie, le karma, peu importe. Cette approche ne m'a jamais déçu, et elle a fait toute la différence dans ma vie."
Cette citation fait fortement écho à quelque chose que j’ai écrit il y a quelques jours dans mon texte La confiance en soi : le socle des leaders visionnaires, où je disais : “Être confiant, c’est avoir la ferme conviction que les choses se feront, tôt ou tard. Qu’on ne maîtrise peut-être pas le timing mais qu’on a une totale maîtrise sur l’effort.”
C’est un concept qui m’a guidé tout au long de ma vie et que beaucoup d’Africains ont du mal à comprendre. J’en parle souvent, comme dans mon texte Lance le caillou et fais confiance à la vie, où je déplore le fait que nous ne faisons pas de grandes choses parce que, la plupart du temps, nous voulons connecter les points en regardant vers l’avant.
Il y a quelques années, dans une discussion avec Adrien, je lui disais que j’étais persuadé que la plupart de ces grands patrons de la tech que nous considérons comme des génies ne s’étaient pas lancés avec des idées aussi extraordinaires que leurs produits le sont devenus. Qu’ils s’étaient lancés avec une idée simple mais une grande conviction que les choses se feraient "down the line".
Nous, en Afrique, nous faisons totalement le contraire. Il y a 3 mois, j’en reparlais encore dans mon texte Positionne-toi sur le futur : l'art de voir plus loin, où je commençais avec la célèbre citation du champion de hockey sur glace Wayne Gretzky : "Je patine vers l’endroit où la rondelle va se trouver, et non vers l’endroit où elle se trouve."
Nous courons vers la rondelle, en oubliant qu’elle bouge. Nous ne croyons en rien. Ni en notre instinct, ni en notre pays, ni même en nous. Nous oublions qu’il y a 50 ans, personne n’aurait pu prédire le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Et que le monde dans lequel nous croyons vivre dans 50 ans est juste une illusion.
N’apprends pas une nouvelle langue parce que tu vas aller dans un nouveau pays. Apprends-la pour la rajouter à ton arc. Ne calcule pas forcément tout ce que tu fais. Fais confiance à l’avenir et au fait que toutes tes actions actuelles auront un sens plus tard. Seulement de cette façon, tu seras ouvert et disposé à voir toutes les opportunités qui s’offriront à toi. Parce que si tu rentres dans une pièce persuadé d’y rencontrer une girafe, tu risqueras de passer à côté de toutes les licornes qui s’y trouvent.
Comme Steve Jobs, j’ai toujours suivi cette approche dans ma vie. Elle ne m’a jamais laissé tomber et je sais que tout n’est qu’une question de temps avant que je ne me retrouve face à une nouvelle merveille, dont la graine a été plantée insouciamment il y a des années.
Je pourrais te donner des centaines d’exemples. Mais laisse-moi t’en donner juste un. Un exemple avec le texte du jour.
Il y a quelques mois, j’ai mis sur pied une chaîne dans mon compte ChatGPT pour corriger les fautes dans tous mes textes avant de les publier. Dans cette chaîne, ChatGPT a trois choses à faire :
Souvent, il essaie de modifier mon texte parce que même lui sent que je tire trop à balles réelles. Mais je le ramène toujours à l’ordre, afin de garder ma voix.
Cette séquence, je l'ai mise sur pied uniquement pour m’aider dans ma tâche quotidienne. Sur le moment, je ne pouvais pas prévoir jusqu’où ça pourrait m’être utile. Aujourd'hui, en lisant cette citation de Steve Jobs, je me suis dit : “Ronel, tu as déjà écrit un truc similaire.” Mais qui allait aller lire près de 200 textes pour tirer le passage qui s'y rapprochait le plus ? Pas moi, en tout cas. Beaucoup trop de travail.
Ensuite, je me suis rappelé qu’il y avait quelqu'un d'autre qui avait lu tous mes textes et qui, contrairement à moi, avait une mémoire infaillible : ChatGPT. Du coup, je lui ai demandé.
Et comme je n’arrivais toujours pas à trouver de quel texte il s’agissait, je lui ai demandé les titres qu’il m'avait proposés. Après une recherche sur mon blog, je me suis rendu compte que je n’avais jamais utilisé aucun de ces titres. J’ai donc dû faire une recherche au mot pour retrouver l’article en question.
Tout ceci, je ne l’avais pas prévu quand j'ai décidé d’écrire tous les jours et de mettre sur pied des outils pour m’aider dans ma besogne. Tous ces dots, je suis en train de les connecter backwards. Et ce n'est que le début.
Souvent, quand quelqu'un me demande pourquoi je crois autant au Cameroun, je n’arrive pas à lui donner d’arguments vraiment convaincants et je m’en veux. La vérité est que je ne peux juste pas te donner d’arguments assez convaincants. Tout ce que je peux te dire, c’est de me regarder faire et peut-être que tu auras la chance que je te réponde plus tard en hindsight. Quand j’aurai connecté assez de points en arrière. Parce qu’au finish, le futur n’est que la manifestation de notre croyance au présent. Plus fort on y croit, plus beau il sera.
Douala 🇨🇲
Souvent, je me demande ce qu’on a bien pu faire au ciel pour être aussi bêtes. Aujourd’hui encore, quelqu’un a voulu me justifier que partir était une bonne chose pour le pays. Et pour asseoir son argument, le badaud utilise le cas de Francis Ngannou, qui est parti du Cameroun par la route et qui est devenu un grand champion d’arts martiaux dans le monde.
Ce n’est pas la première fois que je reçois cet argument stupide. Et chaque fois, je me demande si la personne en face est sérieuse. Mais bon, quand ça vient d’un membre de la diaspora, comme c’était le cas aujourd’hui, ça ne fait que me conforter dans l’idée que nous n’avons nullement besoin de cette diaspora qui, sous ses faux airs de réussite, est dénuée de tout bon sens.
Chaque année, des centaines de milliers de jeunes Africains perdent la vie en essayant de traverser le désert. Des centaines de milliers. Des milliers de familles sont brisées par la disparition d’un enfant dont elles ne peuvent même pas faire le deuil, ne sachant pas ce qu’il est réellement advenu. Et aujourd’hui, parce qu’un d’entre eux a réussi à traverser la Méditerranée, à se faire un nom en Occident et à construire un centre multisport dans son pays natal – un centre qui, sans même le vouloir, ne fera qu’encourager encore plus de jeunes à prendre le chemin de la mort –, certains mbenguistes osent utiliser cet argument pour justifier les bienfaits de l’immigration.
Et ce sont ces mêmes mbenguistes qui veulent nous faire croire qu’on devrait les laisser diriger le pays. Des personnes incapables de voir plus loin que le bout de leur nez. Non, merci!
Douala 🇨🇲
Suite à mon texte d’il y a quelques jours sur l’illégitimité de Tidjane Thiam à prétendre à la présidence ivoirienne selon Jean-Louis Billon, certains gars de la diaspora sont sortis de leurs gonds. Apparemment, c’est un sujet qui les touche. Peut-être parce que la plupart sont bien installés en Occident, espérant que les choses s’améliorent ici pour venir réclamer des postes de ministres ou de directeurs. Alors aujourd’hui, on va approfondir un peu ce sujet.
Commençons par l’argument phare de la diaspora : “Même nous, depuis l’étranger, on se bat pour le pays.” D’accord, supposons que ce soit vrai, même si j’ai de sérieux doutes en ayant observé cette diaspora de près. Si vous vous battez vraiment pour le pays depuis l’étranger, alors quand les choses iront mieux, postulez pour des postes à l’étranger. Il y a des représentations diplomatiques un peu partout. Essayez d’y travailler. Ça permettra d’économiser sur les frais d’expatriation du personnel de ces ambassades. Mais tu ne peux pas demander aux gens de s’inscrire sur les listes électorales depuis Paris, pendant que Cabral Libii le fait depuis Yaoundé, et espérer qu’on te nomme ministre de l’Intérieur au Cameroun, à sa place. Soyons sérieux. Si vous avez décidé de vous battre pour le pays depuis l’étranger, restez dans votre couloir jusqu’au bout.
Quand tu discutes avec des candidats à l’immigration ou même des membres de la diaspora, ils te disent clairement : “On part parce que c’est difficile au pays.” Je ne vais pas te mentir, c’est difficile ici. Mais si tu choisis de fuir un combat difficile pour aller mener un combat plus facile, tu ne trouves pas ça un peu bizarre d’espérer qu’on te confie les rênes du pays ? Tu embaucherais un garde du corps qui fuit au moindre bruit suspect ou quelqu’un qui reste et fait face ? Parce que cette diaspora, qui prétend être le sauveur de l’Afrique, n’oublions pas qu’elle a pris ses jambes à son cou quand ça devenait un peu compliqué.
Beaucoup de membres de la diaspora pensent que ceux qui restent n’ont pas le choix. Ce qui est totalement faux. Certes, il y a ici des gens qui rêvent d’ailleurs. Mais il y a aussi des personnes brillantes qui choisissent délibérément de rester. Des gens qui, malgré de belles offres d’expatriation, préfèrent rester parce que le Cameroun est un devoir pour eux. Ces personnes travaillent dans l’ombre pour maintenir un équilibre. C’est à elles que devrait revenir la tâche de diriger ce pays, pas à un médecin formé ici qui est parti être chauffeur Uber au Canada parce que le pays était “trop dur”.
Quand tu prononces le nom de Tidjane Thiam devant des Africains de la diaspora, leurs yeux brillent comme s’ils avaient vu un ange. Pourquoi ? Parce qu’il a été directeur général de Crédit Suisse, une banque européenne ? C’est cette diaspora pleine de complexes que vous voulez nous ramener ? Une diaspora qui vénère le franco-ivoirien Tidjane mais ne connaît rien du camerounais Paul Fokam, le fondateur d’Afriland First Bank, ou du togolais Koffi Gervais Djondo, le co-fondateur d’Ecobank et d’Asky ? Non merci.
Nous n’avons pas besoin d’une diaspora qui nous parle sans cesse de ses exploits dans des multinationales occidentales. Gardez vos BNP Paribas, vos Microsoft, vos Mercedes ou vos Samsung. Ce dont on a besoin, ce sont des enfants du pays, sans complexes, qui viendront bâtir les géants africains de demain.
Et cette diaspora qui revient avec des passeports occidentaux, un mode de vie totalement déconnecté, on n’en veut pas non plus. Nous nous sommes battus pour sortir du joug de l’esclavage et de la colonisation, ce n’est pas pour que vous veniez nous y replonger. Cette diaspora qui mange du fromage tous les jours, investit dans des pavillons en région parisienne ou sur les entreprises du CAC 40, envoie ses enfants dans des écoles internationales, fait le tour de la zone Schengen à la moindre occasion mais ignore tout de la zone CEMAC… Franchement, non merci.
L’Afrique a besoin de tous ses enfants pour réussir. Là-dessus, on est d’accord. Mais certains enfants se considèrent d’abord comme Français, Américains ou Canadiens. Ils seront les premiers à fuir en cas de problème et les premiers à nous vendre à leurs nouveaux maîtres. Et après 400 ans d’esclavage et 200 ans de colonisation, ne viens pas me dire qu’on n’a pas le droit d’être vigilants. Nous avons tous un membre de notre famille que nous ne laissons jamais du regard quand il arrive dans notre maison, de peur qu’un objet ou même de l’argent manque à l’appel à son départ.
Si tu es de la diaspora et que tu penses être utile, rentre et mets-toi au service du pays. Si tu attends d’avoir assez d’économies ou de construire ton immeuble avant de rentrer, accepte aussi qu’ici, on prenne le temps de tester toutes les options locales avant de te donner ta chance. Tu n’es pas le seul à avoir un cerveau.
Et si tu rentres comme l'ont fait les révolutionnaires de l’époque, mets-toi au service du peuple. Montre-nous que tu es avec nous. Tu ne peux pas être dans les cabarets des expatriés à supporter l’équipe de France de football pendant la Coupe du Monde et, en même temps, nous faire croire que si la France a un différend avec le Cameroun demain, tu seras de notre côté. Tu ne peux pas envoyer tes enfants dans les écoles internationales et nous faire croire que tu te soucies du sort de l’éducation des enfants du pays. Tu ne peux pas être fourré tous les jours dans les réceptions des ambassades et nous empêcher de croire que tu serais un espion.
Si tu veux travailler, choisis un secteur et travaille. Fais profil bas. Vis nos réalités. Mange comme nous. Parle comme nous. Apprends vraiment à nous connaître. Bats-toi à nos côtés. Et qui sait, peut-être qu’un jour on aura moins de doutes sur tes intentions réelles. Après 400 ans d’esclavage et 200 ans de colonisation, tu ne peux pas nous reprocher d’être vigilants quant aux personnes avec qui on s’associe. Fussent-ils nos propres enfants.
Je pourrais écrire un livre sur ce sujet. Mais bon, comme j’ai dit au début, aujourd’hui, on approfondit juste un peu.
Douala (Pas Montréal ni Paris, mais Douala) 🇨🇲
Pendant près de 7 heures, j’ai marché. Plus exactement, 6 heures et 56 minutes pour moi. Dès 7 heures du matin, avec les autres participants, nous avons relié Bonepoupa à Édéa à l’occasion de la 4e édition de La Marche Folle, une marche sportive organisée par le club des marcheurs de Douala.
Plus qu’une simple marche, cette expérience a été un véritable challenge. Elle m’a permis de réfléchir profondément sur l’année écoulée et sur celle qui s’annonce.
À plus d’une reprise, le désir d’abandon s’est fait ressentir avec force. Mais chaque fois, je me suis rappelé qu’à l’image de cette mission que nous avons choisie pour notre pays, il était hors de question de céder.
C’est avec le corps en miettes que j’écris ce texte, mais avec un esprit plus déterminé que jamais à œuvrer pour que notre pays retrouve la place qui lui revient de droit.
Douala 🇨🇲
Ce matin, je suis tombé sur un extrait d’une interview de Jean-Louis Billon. Homme d’affaires, politicien et candidat à la future élection présidentielle en Côte d’Ivoire.
Dans cet extrait, il critiquait la candidature de Tidjane Thiam, qui, après avoir passé plus de 20 ans hors du pays, aspire à diriger les Ivoiriens au poste de magistrature suprême. Un peuple dont plus de la moitié est né pendant qu’il se la coulait douce en Europe.
Dans cet extrait, que je t’invite à chercher sur internet, Jean-Louis Billon explique comment Tidjane Thiam est totalement déconnecté du peuple ivoirien. Il n’était pas là pendant la crise. Il n’était pas là pendant la réconciliation. Ses enfants n’ont pas fréquenté le système scolaire du pays. Lui-même, Tidjane, n’a pas mis les pieds dans les hôpitaux du pays depuis près d’un quart de siècle. Jean-Louis se demande alors : comment pourrait-il diriger un pays qu’il ne connaît pas ?
Ce discours m’a beaucoup fait sourire, car il rejoint le signal d’alarme que je lance à la diaspora depuis une dizaine d’années déjà. Une diaspora convaincue qu’elle viendra occuper les meilleurs postes au pays une fois que le ciel y sera plus bleu. Pour éviter de telles dérives, je répète sans cesse qu’il faut fermer la porte à ceux qui partent, ceux qui fuient le combat. Mais certains me jugent trop radical.
Aujourd’hui, Jean-Louis Billon exprime tout haut ce que pense tout bas le bas peuple. Et si lui, depuis sa tour d’ivoire, en tant qu’un des hommes les plus riches de Côte d’Ivoire, ose tenir un tel discours, je n’ose imaginer ce que pensent ceux qui n’ont pas eu ses opportunités.
L’un des défauts que nous avons, nous, Africains, c’est de penser que les autres sont bêtes. Ils ne le sont pas. Ce n’est pas parce qu’ils ne parlent pas encore qu’ils ne voient pas ce qui se trame ou qu’ils n’ont aucune opinion.
Pour éviter de terribles conflits internes dans les années à venir, nous ferions mieux de réfléchir aux conséquences de nos actions actuelles. Dans cette même veine, je parlais récemment des terrains que certaines personnes de la diaspora achètent massivement, comme si nous étions sur un territoire vierge. Évitons de semer les graines de ce qui, demain, deviendra une situation que nous ne pourrons plus contrôler.
Douala 🇨🇲
Aujourd’hui, je n’ai pas vraiment envie d’écrire. Pas parce que je n’ai rien à dire – ma base de données est remplie de sujets qui attendent d’être explorés. Non, je n’ai pas envie d’écrire parce que, depuis un moment, je traverse une mauvaise passe. Tu te rappelles des gâteaux-beurre-chocolat ? Eh bien, c’est un peu ça, mais pas seulement. C’est aussi parce que j’ai l’impression que très peu de personnes comprennent vraiment pourquoi je fais ce que je fais.
Bien que j’écrive d’abord pour moi, pour laisser une trace, pour montrer l’exemple en tant que peuple qui n’a pas assez écrit son histoire, j’aimerais aussi, quelque part, que mes écrits servent à quelque chose. Pas forcément à te convaincre d’adhérer à mes idées ou à mes philosophies. Ni à te guider vers ce que je pense être la bonne voie. Mais simplement à être d’une quelconque utilité dans ta vie. Toi qui prends quelques précieuses minutes chaque jour pour me lire.
Aujourd’hui, j’ai pensé qu’on pourrait faire un petit exercice. J’aimerais qu’après avoir lu ce texte, tu trouves un moyen de me joindre pour me dire pourquoi, selon toi, je devrais continuer à écrire comme je le fais. Quelle est ta raison ? Si tu trouves que ce que je fais est assez important, j’espère que tu pourras prendre quelques minutes de ton temps pour me le dire à ta façon.
Les commentaires sont désactivés sur mon blog, mais avec un peu de recherche en ligne, tu trouveras sûrement un moyen de me contacter. Si tu préfères, tu peux même m’envoyer un droit de réponse, bien que ce soit un peu plus long.
Merci d’avance pour ta participation.
Douala 🇨🇲
Je m’apprêtais à écrire mon texte du jour ce soir. Je fouillais tranquillement dans ma base de données parmi la liste de sujets dont j’aimerais te parler, et je me suis rappelé qu’un bon sujet venait justement des événements de la journée.
Tu l’as peut-être remarqué toi aussi : WhatsApp et la plupart des services de Meta ont subi de fortes perturbations aujourd’hui. Impossible d'envoyer ou de recevoir un message. Pas de call avec les enfants pour les parents à distance. Impossibilité de recevoir des commandes pour des entreprises comme Le Porc Braisé, où 90 % des commandes passent par WhatsApp. Bref, un vrai chaos.
Et comme d'habitude, dans ces moments, on se rappelle soudainement que les SMS existent. On se demande combien coûterait un appel intercontinental avec son opérateur. On se demande aussi s'il n'existe pas d’alternatives comme Dikalo, Telegram, ou d’autres plateformes.
Certains auront la chance que leurs contacts aient aussi installé l'une de ces alternatives et pourront ainsi passer leurs messages. D’autres n’auront pas cette chance. Mais très peu de personnes, surtout pas en Afrique, se demanderont ce que ça aurait été s’il n’y avait aucune alternative. Parce que, si ça ne dépend que de nous, on prend tous des passeports canadiens et américains et on continue nos absurdités.
Si tu as pu utiliser une alternative pour passer ton message urgent, essaie de comprendre la puissance du choix. Comprends l’importance de ne pas concentrer tout le pouvoir ou toutes les options entre les mains d'une seule entité. Parce que, quand cette entité sera défaillante – et ce n’est qu’une question de temps –, tu n’auras que tes yeux pour pleurer.
C’est la raison pour laquelle, malgré leurs alliances au sein de l’Otan, les pays européens continuent de développer leurs propres technologies. Chacun garde ses propres normes. Mais il n’y a que nous, en Afrique, pour penser qu’il est inutile de faire quoi que ce soit si d’autres le font déjà. Que nous ne devons pas développer nos pays, puisque nous pouvons mendier des passeports dans les pays développés. Il n’y a que nous pour ne pas penser à créer nos propres alternatives. Et certains osent encore dire que nous sommes brillants.
Douala 🇨🇲
Il y a quelques années, alors que je vivais en Occident, je me suis interrogé sur la différence entre la nouvelle génération d’immigrés, qui travaille majoritairement dans les nouveaux métiers de service, et la génération précédente, qui avait trouvé sa place dans l’industrie.
Beaucoup de personnes de cette ancienne génération avaient quitté leurs pays pour une vie meilleure en Occident. Pour elles, l’Occident représentait la possibilité de vivre dans des appartements modernes et de posséder une voiture, des rêves quasi inaccessibles dans leurs pays d’origine. Elles se sentaient privilégiées et regardaient souvent de haut la génération d’avant elles, celle qui avait quitté leurs pays en temps de guerre, dans des conditions bien plus difficiles.
Mais aujourd’hui, le constat est amer. Cette génération s’est retrouvée désillusionnée, piégée dans une pauvreté qu’elle n’avait pas anticipée. Ces appartements modernes se sont transformés en ghettos, où les rêves de grandeur de leurs enfants se sont brisés. Avec l’externalisation massive des emplois industriels vers l’Asie, beaucoup ont perdu leur travail à un âge où ils ne pouvaient plus se réinventer. Ils vivent aujourd’hui de retraites misérables, regrettant d’avoir été aveuglés par des promesses superflues.
Alors pourquoi la génération actuelle est-elle si sûre d’elle, persuadée qu’elle échappera à ce cycle ? Elle travaille principalement dans les métiers de service, qui paient mieux que les emplois industriels d’autrefois. Mais cette comparaison est biaisée. À leur époque, les métiers industriels semblaient eux aussi mieux rémunérés que ceux de l’agriculture, où travaillaient encore la génération d’avant. Chaque génération semble oublier le contexte de celles qui l’ont précédée et croit à tort qu’elle est plus maligne, plus résiliente et destinée à un sort meilleur.
La vérité, c’est que l’histoire se répète. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle commence à transformer les métiers de service, tout comme l’automatisation a fait disparaître des millions d’emplois industriels. Beaucoup ne s’en rendent pas encore compte parce que nous n’en sommes qu’au début. Mais dans une vingtaine d’années, la majorité des métiers de service – au moins 80% – auront disparu.
Prenons Google comme exemple. Il y a quelques mois, leur PDG annonçait que 25% de leur code était déjà rédigé par l’IA. Ils ont également développé un service d’IA pour les centres d’appels, si performant qu’il pourrait remplacer la majorité des call centers du monde dès demain. Et ce n’est que le début.
La plupart des immigrés de cette génération, qui se sont endettés sur 30 ans pour devenir propriétaires, perdront probablement leurs emplois dans moins de 10 ans. Et si, comme les générations précédentes, ils se montrent incapables de s’adapter, leur destin sera tout aussi sombre.
Ce cycle ne s’arrête jamais. Une nouvelle révolution technologique apparaîtra, créant de nouveaux métiers qui paieront mieux que ceux des services aujourd’hui. Ces métiers attireront une nouvelle génération, persuadée d’être supérieure à la précédente. Mais au final, c’est toujours le système qui gagne. Ces pays continueront d’attirer la main-d’œuvre nécessaire pour se développer, tout en créant des générations successives de rêves brisés. Des gens attirés par l’appât du gain facile, mais incapables de comprendre qu’ils ne sont que des pions dans une mécanique bien huilée.
Attirés par une illusion, ils continuent d’alimenter un système qui ne fait que se nourrir de leur ignorance.
Douala 🇨🇲
Ce matin, je lisais un article qui expliquait les difficultés que l’aviation russe rencontre depuis le début de l'embargo imposé par l’Occident. Les compagnies aériennes russes ne peuvent plus acheter les pièces de rechange pour leurs Airbus et Boeing. Et le pire, c’est qu’elles ne peuvent même pas acheter des Embraer brésiliens ou des Comac chinois. Pourtant, ni la Chine ni le Brésil ne participent à l’embargo contre la Russie, étant membres des BRICS.
Pourquoi donc ces pays ne peuvent-ils pas vendre leurs avions aux Russes ? Tout simplement parce que certaines pièces essentielles, comme les moteurs ou d’autres composants spécifiques, sont fabriquées dans des pays occidentaux comme les États-Unis, la France ou l’Angleterre. Ces derniers pourraient stopper l’approvisionnement en pièces à la Chine ou au Brésil s’ils vendaient leurs avions à la Russie.
Quand certains Africains veulent justifier leur choix d’abandonner leurs pays pour aller quémander des passeports en Occident, ils invoquent le concept du “village interplanétaire”. Ce qu’ils feignent d’ignorer, c’est que ce village global est conçu pour maintenir certains pays dans une position de dépendance technologique. Sans accès à des technologies stratégiques, ces pays resteront toujours les vassaux des autres.
Au lieu de nous concentrer sur le développement de nos propres technologies pour viser l’autonomie, notre soi-disant diaspora brillante préfère mettre ses cerveaux au service d’autres nations, pour des miettes et une espérance de reconnaissance qu’ils n’obtiendront jamais.
Et comme si cela ne suffisait pas, ils passent le reste de leur temps à essayer de convaincre ceux d’entre nous qui pensent que la dignité de nos peuples vaut le combat, de les rejoindre dans leurs prisons dorées.
Douala 🇨🇲
Depuis quelques jours, je vois des statuts d’entrepreneurs locaux partout, vantant des marchés de Noël par-ci, des marchés de Noël par-là. Et franchement, ça me dépasse. Le Ngondo vient à peine de finir, et je n’ai vu aucun d’entre eux faire la moindre promotion en rapport avec cet événement. Je n’en ai d’ailleurs vu aucun mettre en avant aucun autre festival ou célébration culturelle locale.
Mais à Pâques, ils répondaient tous présents. À la Saint-Valentin aussi. Ainsi que pour la fête des mères, des pères, des grands-pères, Halloween, Thanksgiving, le Black Friday, le Cyber Monday et j’en passe.
Et les questions que je me pose sont : comment avons-nous fait pour en arriver là ? À célébrer religieusement tout ce qui vient d’ailleurs, tout en délaissant totalement ce qui vient de chez nous. Qu’avons-nous fait de notre dignité ? N’avons-nous donc aucun respect pour nous-mêmes et pour nos traditions ?
Bref, je m’interroge.
Douala 🇨🇲
Une amie me disait l’autre jour qu’elle faisait un rattrapage de lecture sur mes textes et qu’elle trouvait que je n’avais pas peur. Cela m’a rappelé des discussions que j’ai souvent avec maman ou des amis qui me disent de faire attention à ce que j’écris, que mes textes pourraient me coûter la vie.
C’est vrai que ce que j’écris ne peut pas plaire à tout le monde. Beaucoup de personnes se sont déjà fait tuer ou blacklistées pour bien moins que ça. Mais chaque fois qu’on me fait cette remarque, je pose toujours la même question : “De qui devrais-je avoir peur ?” Non pas parce que je pense que je ne devrais craindre personne, mais pour voir si mon interlocuteur peut mettre un nom sur le danger.
Pourquoi est-ce que je pose cette question ? Pour que nous puissions nous rendre compte à quel point nous sommes parfois incohérents. Certains me disent de me méfier des pays occidentaux qui pourraient me nuire. Pourtant, ces mêmes personnes vivent en Occident. D’autres me conseillent de faire attention au gouvernement, mais continuent de lui faire confiance pour leurs démarches administratives quotidiennes.
Sans nous en rendre compte, nous devenons complices de ceux qui font du monde un enfer pour les autres. Si tu penses que je devrais me méfier de personnes mal intentionnées, alors peut-être est-il temps pour toi aussi de couper toute relation avec ces personnes. Sinon, cela signifie que tu cautionnes leurs agissements et acceptes l’idée qu’un jour, ils pourraient se retourner contre toi.
Pour moi, le monde est aussi simple que cela. Du moins, c’est ainsi que j’essaie de le simplifier.
Douala 🇨🇲
Et si le problème n’était pas les dirigeants comme nous avons l’habitude de le penser ? Et si le problème, c'était nous, qui manquons de courage ? Et si le problème, c'était nous, trop égoïstes pour penser au bien commun ? Et si le problème, c'était nous, prêts à tout pour réussir, quitte à devenir les esclaves du regard des autres ?
T’es-tu déjà posé ces questions ? Parce qu’à un certain niveau, nous portons une grande part de responsabilité dans ce qui nous arrive. Peut-être qu’il est temps de se demander quelle est cette responsabilité, afin de rectifier le tir et de mieux faire.
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et si nous ne changeons pas, rien ne changera. Personne ne viendra nous sauver, sauf nous-mêmes.
Douala 🇨🇲
“Même si on me donne une boutique gratuite au marché Congo, je ne prends pas.” C’est la phrase que maman m’a dite hier avant de me raconter une histoire qui s'est déroulée en 1959 à Douala, lorsqu’elle n’était qu’une enfant. Une histoire qu’elle me racontait pour la deuxième fois en l'espace de quelques semaines : l’incendie du marché Congo à Douala.
Très peu de Camerounais le savent, mais à l’emplacement du marché Congo actuel se trouvait, avant les indépendances, un quartier populaire. Ce quartier abritait parmi les plus farouches opposants au régime colonial. En 1959, en plein maquis et lutte pour l’indépendance, le colonisateur (suis mon regard) et ses collaborateurs locaux ont décidé de couper court aux résistances en incendiant tout le quartier. Ils ont encerclé la zone et déclenché l’un des plus grands incendies que le pays ait jamais connus. Il n’y avait que trois sorties pour fuir, et à chacune, des hommes armés fusillaient ceux qui tentaient d’échapper aux flammes. Tout a brûlé : maisons, hommes, femmes, enfants.
Maman raconte que le feu était si intense qu’on pouvait le voir à des kilomètres. Tellement puissant qu’on ne pouvait l’éteindre. Il a fallu des jours pour qu’il s’arrête, laissant derrière lui un chaos total. 65 ans plus tard, elle en a encore la chair de poule en en parlant. C’est te dire !
La première fois qu’elle m’a raconté cette histoire, je lui ai dit que j’en voulais à leur génération. Parce qu’ils partent avec des pans entiers de notre histoire sans nous les transmettre. Comment éviter les mêmes pièges, comment savoir de qui se méfier, comment négocier avec les autres, si on ne nous dit pas tout ? Moi, en tout cas, je fais mon travail anthropologique auprès de nos parents pour essayer de donner une meilleure chance à nos enfants. Car un peuple qui ne sait pas d’où il vient n’ira tout simplement nulle part.
Hier, lorsqu’elle me racontait cette histoire pour la deuxième fois, elle évoquait aussi des anecdotes croustillantes sur notre famille pendant la guerre d’indépendance : ses frères et sœurs, le mari d’une de ses cousines dans l’armée camerounaise, et le frère du mari d’une autre dans la résistance, le fameux Ernest Ouandié. Alors, je lui ai demandé : “C’est donc de cette France dont on voulait se libérer que tous les Camerounais essaient aujourd’hui d’obtenir la nationalité ?”
Ensuite, je me suis rappelé d’autres contradictions similaires : malgré des milliers de mains coupées sous l’ordre du roi belge, une grande partie des Congolais rêvent de vivre en Belgique. Malgré une traite négrière brutale, beaucoup d’Africains rêvent des États-Unis. Malgré une guerre d’Algérie barbare, les Algériens constituent la première communauté étrangère en France. Et au Cameroun, malgré le génocide des Bamilékés, dénoncé par les camerounais à qui veut l’entendre, beaucoup d’entre nous voient encore le passeport français comme le Saint Graal. Même dans ma propre famille, celle de maman. Une très grande partie organise encore des fêtes pour célébrer l’obtention de ce fameux diplôme.
Enfin, je me suis rappelé qu’aujourd’hui encore, c’est avec un passeport belge que Stromae voyage au Rwanda. Et pourtant, l’histoire entre la Belgique et le Rwanda est l’une des plus sordides qui soient.
Comme je le dis souvent, je suis persuadé que dans les grandes réunions mondiales où on parle sérieusement, les participants prennent au moins dix minutes pour rire de l’Afrique. Parce que nous ne sommes pas sérieux. Nous n’avons aucune dignité, zéro !
Est-ce un appel à la haine ? Non. Les atrocités commises par les parents ne doivent pas être imputées aux enfants. Mais ne pas raconter ces histoires aux descendants des victimes, c’est courir le risque que l’histoire se répète encore et encore et surtout passer le message que nos parents sont morts pour rien, comme des idiots. Ne pas donner à nos enfants la dignité qui leur est due dès leur naissance, c’est être complice de l’injustice qu’ils subiront toute leur vie. Comme le dit Youssoupha dans Mon Roi : “Tous les hommes naissent égaux, au moins à l’intérieur. Les Blancs aussi naissent égaux, mais égo supérieurs.” Et je te dirais juste de ne jamais l’oublier.
Alors, que faire ? Simplement ouvrir les yeux. Nous ne sommes pas les seuls à être passés par là. Apprenons des autres. Regardons la relation entre la Chine et le Japon aujourd’hui, après des décennies d’occupation brutale par le Japon.
“Plus jamais ça”, comme il était écrit au mémorial du génocide que j’ai visité à Kigali, est une phrase que nous devons faire nôtre. Pour cela, nous devons d’abord accomplir notre devoir de mémoire, puis travailler à rester debout. Pas en continuant d’être des mendiants de passeports ou de l’amour des autres.
Kigali 🇷🇼
Hier, j’ai visité à Kigali le Mémorial du génocide des Tutsis. J’étais submergé d’émotions. Mais bon, ce sera certainement le sujet d’un autre jour. Aujourd’hui, je veux te donner un bref aperçu d’un sujet qui me trotte dans la tête depuis quelques semaines déjà, mais que je n’ai pas encore eu la discipline de développer pleinement : la balkanisation.
Beaucoup de personnes ignorent ce que ce mot signifie. Ils savent juste qu’il fait référence aux Balkans, une région du monde tristement célèbre pour ses divisions et ses conflits.
Je t’en parle aujourd’hui parce qu’hier, j’ai enfin compris ce qui distinguait un Hutu d’un Tutsi. Du moins, selon le point de vue du colon belge à partir de 1932. Une personne qui possédait 10 vaches ou plus était classée comme un Tutsi, tandis qu’une personne en possédant moins de 10 devenait un Hutu. Et cette classification arbitraire devait s’appliquer à leurs descendants.
Imagine ça : avec un simple stylo, des colonisateurs ont réussi à diviser un peuple profondément et durablement. Ils ont semé des graines de tensions qui ont fini par exploser en un génocide atroce, un demi-siècle plus tard.
À la fin de la visite du mémorial, on peut lire l’histoire de quelques autres génocides reconnus par l’ONU, dont celui des Balkans. Quelle ironie, n’est-ce pas ?
Je te laisse méditer sur cette mécanique insidieuse qu’est la balkanisation, et sur les ravages qu’elle a causés. Espérons que je trouverai bientôt la discipline pour écrire et partager avec toi un texte plus approfondi sur ce sujet.
Kigali 🇷🇼
Être confiant, c’est avoir la ferme conviction que les choses se feront, tôt ou tard. C’est accepter que le timing nous échappe parfois, mais avec la certitude que l’effort, lui, est entre nos mains. C’est refuser les raccourcis qui promettent des résultats immédiats mais superficiels. C’est ne pas céder à la pression sociale pour payer un prix indécent, juste pour impressionner ou se conformer.
Être confiant, c’est travailler sur soi, persister, et garder espoir même lorsque tout le monde l’a perdu. C’est être un leader, celui ou celle qui reste debout quand tous les autres ont jeté l’éponge.
Malheureusement, cette qualité, pourtant cruciale pour la survie et l’expansion d’un peuple, semble de plus en plus rare chez nous, Africains. Et pourtant, c’est ce socle de confiance et de détermination qui a permis à tant d’autres civilisations de surmonter les obstacles et de prospérer.
Je te souhaite de développer cette confiance en toi, celle qui fera de toi la lanterne qui éclaire le chemin des tiens. Je te souhaite le courage de prendre les décisions difficiles, surtout lorsque la majorité choisit la voie de la facilité.
Si tu continues à me lire religieusement, c’est sans doute parce que tu sais, au fond de toi, quelle est ta mission. Alors, ne la trahis pas.
Kigali 🇷🇼
Hier, j’ai visité Karen, le quartier des riches de Nairobi. Que dis-je, des ultra-riches. Alors ne venez surtout pas le comparer à Bonanjo, Bonapriso ou Bastos. Là-bas, c’est un autre niveau, genre Beverly Hills. Mais bon, ce n’est pas le sujet du jour.
Ce qui m’a frappé dès notre entrée dans cette zone, c’est cette impression que l’Église catholique possédait la moitié du quartier. Sur une avenue entière, elle avait des bâtiments de part et d’autre : églises, écoles, universités, centres et je ne sais quoi d’autre.
Et ce phénomène n’est pas réservé au Kenya. Je l’ai déjà observé dans un tas de pays africains. On dirait que l’Église catholique est propriétaire des meilleures terres. Et ça ne gêne personne, enfin, à part moi.
J’en ai discuté avec mon amie, et je lui disais que je parierais que si le gouvernement kenyan demandait d’aller à gauche et l’Église demandait d’aller à droite, la population suivrait l’Église. Elle m’a répondu que je ne croyais pas si bien dire. Elle m’a expliqué que l’Église était tellement puissante dans ce pays qu’elle se permettait même de défier le gouvernement de temps en temps. Dernier évènement en date : il y a quelques mois, l’Église aurait carrément fait plier le président du pays.
Je sais que quand tu lis ce texte avec ton chapelet autour du cou, tu es un peu gêné. Mais bon, on va faire comment ? Je vais arrêter d’écrire parce que tu as décidé de donner toute ta confiance à une institution qui a massacré et asservi tes ancêtres ?
Comme si ça ne suffisait pas, plus tard dans une autre rue, un quartier différent, nous entendons une personne dire à une autre sur un ton très sérieux : “Trust no one, but God” — traduction : “Ne fais confiance à personne sauf à Dieu.” Et moi de sourire et de rappeler à mon amie que c’est exactement de ça dont je parlais plus tôt.
Sans s’en rendre compte, ce passant était en train de dire : “Ne fais confiance à aucun Kenyan, même pas à tes parents ou à tes dirigeants. Mais fais confiance à Dieu.” Un Dieu qui s’appelle certainement Jésus. Qui est soit blanc, soit arabe, et qu’il n’a jamais vu. Un Dieu auquel il s’adresse par l’intermédiaire de ses émissaires, les membres du clergé, dont le chef suprême est souvent à des milliers de kilomètres.
Comme je le disais hier, l’esclavage a vraiment plusieurs visages.
Kigali 🇷🇼
L’esclavage a plusieurs visages, et souvent, il se présente à nous sous sa forme la plus insidieuse.
Hier, sur son statut WhatsApp, maman a posté une photo d’elle et moi devant une tour à Nairobi, le Kenyan Convention Center. Et comme nous ne sommes pas habitués à ce genre de paysage au Cameroun, une voisine a commenté en disant : “Enfin !” en ajoutant que maman était enfin partie en “mbeng".
Je vais passer sur les insinuations que ce commentaire peut comporter. Parlons plutôt de notre relation avec l’Occident. Pour beaucoup de personnes que je connais — des personnes qui sont censées être intelligentes —, faire venir leurs parents en Europe est un signe de réussite. Une chose que je n’ai jamais comprise. C’est un peu comme si je mesurais ma vie au fait que mon voisin me permette de m’asseoir sur son canapé dans sa maison.
Beaucoup d’Africains de la diaspora affichent fièrement sur internet leurs parents dans les grandes capitales occidentales. Mais ce que personne ne voit, ce sont toutes les humiliations par lesquelles ils doivent passer pour y arriver. Ce papa que tu vois devant la Tour Eiffel aujourd’hui a souvent essuyé trois refus de visa précédemment. Pour avoir le privilège de se filmer devant la Tour Eiffel, il a dû être traité comme un potentiel menteur, souvent même comme un potentiel terroriste.
Ce que toutes ces photos ne montrent pas, ce sont ces familles déchirées parce que les enfants ont multiplié les tentatives de demandes de visa infructueuses. Ce que ces photos ne montrent pas, c’est que certains de ces mbenguistes sont devenus des faussaires, falsifiant des relevés bancaires, des fiches de paie et je ne sais quels autres documents, uniquement pour que leurs parents puissent poser sur Madison Avenue afin d’épater les voisins du quartier.
Si ce n’est pas une forme d’esclavage moderne, alors qu’est-ce que c’est ?
Toute cette énergie gaspillée — une énergie qui aurait pu être mise au service de la construction de notre pays — est détournée dans des bêtises, à essayer de se faire valider par les blancs ou à impressionner les voisins. Comme si une vie bien vécue devait forcément inclure un passage en Occident.
Certaines personnes, enfin beaucoup de personnes, se moquent de moi parce que je suis rentré au Cameroun, parce que je vis modestement, parce que je n’ai pas fait voyager ma mère en Europe. Et moi, ça me fait toujours sourire. Heureusement que le courage — le courage de tenir mes positions, des positions de valeur dans un monde qui marche sur la tête — fait partie de mes plus grandes forces.
Il y a quelques années, quand je me suis marié en France, j’aurais pu faire une demande de visa pour ma mère. Après tout, c’était mon mariage. Mais quelle était la probabilité qu’on le lui accorde ? Pas très grande. Il était donc hors de question pour moi de lui faire courir le risque d’une pareille humiliation. J’ai donc organisé une cérémonie à Douala, pour que tous les membres de ma famille qui n’auraient pas eu le privilège d’un visa pour la France puissent m’accompagner dans cet événement heureux.
Et si tu penses que j’exagère, sache que rien que dans mon entourage, je connais une demi-douzaine de parents à qui on a refusé le visa pour le mariage de leurs enfants en Occident. Et ce n’étaient pas des parents des quartiers difficiles comme moi.
Si nous continuons à voir des photos de parents devant des monuments occidentaux, c’est parce que ça marche pour certains. Mais est-ce vraiment le jeu auquel nous voulons jouer ? Un jeu où neuf parents sur dix au quartier seront humiliés pour qu’un seul enfant puisse dire qu’il a fait voyager ses parents ?
Aux dernières nouvelles, l’Occident n’est pas le centre du monde, et l’esclavage a été aboli il y a des siècles.
Cela veut-il dire que je ne ferai jamais de voyage en Occident avec maman ? Non. Cela veut tout simplement dire que je ne ferai pas de demande de visa si la possibilité d’une humiliation est trop grande. Je ne pense pas qu’on puisse refuser un visa à la maman d’Eto’o, par exemple.
Entre-temps, je continue de travailler à élever la dignité de mon pays, afin qu’aucun Camerounais n’ait à subir ce genre de traitement. Pendant ce temps, il y a tout un tas de pays où nous pouvons voyager sans avoir à faire de demande de visa ou simplement en demandant une autorisation en ligne.
J’ai, par exemple, fait la demande d’ETA pour le Kenya pour maman sans qu’elle sache même ce que c’était. Tout ce qu’elle a eu à faire, c’était de se préparer pour l’aéroport. Et des pays comme ça, où nous pouvons faire une demande d’ETA ou d’eVisa en ligne, il y en a une bonne vingtaine. Sans parler de la vingtaine d’autres où nous pouvons aller sans aucune demande préalable. Des pays tels que le Rwanda, le Nigeria, le Bénin, le Mali ou Singapour, sans oublier tous les pays de la zone CEMAC.
Peut-être que si nous nous concentrions déjà sur nos pays africains, on nous respecterait un peu plus. Car tous ces parents dont on voit les photos à New York, Montréal, Berlin ou Rome n’ont souvent jamais mis les pieds dans un autre pays africain, hormis le leur.
Nairobi 🇰🇪
Toutes les lois ne sont pas bonnes. Et ce n’est pas parce que quelque chose n’est pas (encore) interdit qu’il faut le faire. La dernière fois je parlais de cette diaspora qui passe son temps à accumuler les terrains au Cameroun, un pays auquel ils ne croient pas. Au détriment des camerounais qui sont sur le terrain et se battent pour que les choses avancent. Comme il n’existe pas de vrais mécanismes pour encadrer la propriété des terres, chacun s’en donne à coeur joie. Quitte à confisquer tous les terrains que les autres pourraient utiliser pour construire le pays.
Au Cameroun, tout le monde veut être bailleur. Les gens immobilisent des terrains bien situés en plein centre ville parce qu’ils n’ont pas les moyens de construire. Des personnes laissent des immeubles dépérir parce qu’ils n’ont pas fini de payer les traites à la banque ou bien n’ont pas encore récupéré l'argent qu'ils avaient investi. Du coup, on se retrouve avec des villes délabrées, avec un développement qui va à pas de tortue. Tout ça parce qu’une poignée de personnes veulent être propriétaire pour toujours d’une terre qu’ils sont venus trouver et qu'ils vont partir laisser.
Alors qu’on pourrait avoir de grandes compagnies qui construiraient des immeubles dans lesquels des appartements seraient vendus à des prix raisonnables. Un peu comme ça se fait partout ailleurs.
Quand je contraste tout ça avec la discussion que j’ai eu ce matin avec une amie sur comment sont construits tous ces immeubles à Nairobi, je me dis juste que nous avons encore du chemin. Notre égoïsme nous perdra.
Nairobi 🇰🇪
]]>Si tu me lis régulièrement, tu dois savoir que mon ton est souvent acerbe et provocateur. Je n’y vais pas du revers de la cuillère. Certaines personnes le prennent personnellement et croient que je m’adresse à elles directement. C’est vrai que beaucoup mériteraient que je sois encore plus dur dans mes écrits (cc la diaspora), mais si j’écris comme je le fais, c’est d’abord parce que je pense que nous avons besoin d’un électrochoc.
Je ne sais pas si tu te rends compte, mais en tant que noirs, nous n’apportons pas grand-chose à l’humanité. Nous sommes la risée de la planète. Et si nous ne rectifions pas le tir, nous courons à notre disparition. Parce qu’avant tout, nous sommes dans la jungle de la nature. Et pour survivre, il faut se battre et s’adapter.
Donc, si tu fais partie des personnes que mes textes piquent souvent, je te conseille de boire beaucoup d’eau, de ne rater aucun prochain texte et de te mettre au travail. Parce qu’au final, si tu faisais les choses bien, tu ne te sentirais pas concerné.
Nairobi 🇰🇪
Il y a quelques jours, j’étais à la foire du Ngondo. Oui, le Ngondo, ce festival camerounais qui se tient chaque année depuis que tu es né. Pourtant, tu ne maîtrises toujours pas les dates alors que tu es capable de réciter par cœur toutes les fêtes des autres : Noël, Pâques, Toussaint, Thanksgiving, et je ne sais quel autre "saint machin".
Mais ce n’est pas le sujet du jour.
Avec Lionel, nous avons été sidérés par ce que nous avons vu. Le Ngondo est censé célébrer la culture Douala, un patrimoine précieux pour notre pays. Pourtant, à part quelques rares attractions culturelles comme la lutte et le tir à la corde, l’événement ressemble davantage à une gigantesque fête en l’honneur des Brasseries du Cameroun (désormais propriétaire de Guinness Cameroun).
Toute la foire est centrée sur des stands de débits de boissons où les uns et les autres descendent bouteille après bouteille. À quel moment une fête censée nous rassembler et dynamiser notre économie locale s’est-elle transformée en une machine à fric pour une multinationale étrangère ? Et surtout, pourquoi cela ne gêne-t-il personne ?
Le pire, comme Lionel me le faisait remarquer, c’est qu’il est presque impossible de trouver un stand où manger un bon plat de Ndolè, l’un des mets Douala les plus prisés. Comment peut-on célébrer une culture sans mettre à l’honneur ses plats emblématiques ?
Alors, qu’est-ce que nous sommes en train de faire du pays que nos parents nous ont légué ? Ce pays pour lequel Rudolf Douala Manga Bell a été pendu par l’oppresseur.
Peut-être qu’il est temps de nous poser la question, de manière sérieuse : sommes-nous encore fiers de notre patrimoine ou avons-nous simplement baissé les bras ?
Douala (Ja Jongwanele) 🇨🇲
Une très bonne chose de faite aujourd’hui ! Avec Flavien, nous avons effectué notre 4ᵉ don de sang de l’année, le maximum autorisé pour une personne en une année. Cela faisait partie des routines que nous avions décidé d’instaurer pour le reste de nos vies, et aujourd’hui, nous venons de boucler la première année sans encombre. Une petite victoire.
Je sais qu’il y en aura toujours pour dire : "Ça sert à quoi ? Ils vont utiliser votre sang pour de mauvaises pratiques. Ils vont vendre ça. Ce pays ne vaut pas la peine." Et peut-être que beaucoup continueront à penser ainsi. Mais bon, qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? Pas grand-chose.
Nous avons choisi d’être parmi ceux qui agissent, ceux qui prennent des initiatives, ceux qui, au besoin, donneront de leur sang pour que ce pays – notre pays – devienne l’un des plus grands du monde et que nos enfants en soient fiers.
Je ne sais pas si tu as déjà fait un don de sang dans ta vie, ou si tu en fais régulièrement. Mais je sais que la probabilité qu’un jour toi ou un membre de ta famille ait besoin d’une poche de sang est suffisamment grande pour que tu commences à y songer. J’espère juste que ce jour-là, tu ne regretteras pas qu’il n’y ait pas assez de donneurs.
2025 approche. Il est encore temps d’ajouter une belle œuvre à ta liste. Faire 4 dons de sang, par exemple. Ça, au moins, ça dépend totalement de toi.
Douala 🇨🇲
On dit comme ça hein, les Africains, surtout ceux de la diaspora là, ne cesseront jamais de m’étonner.
Il y a quelques jours, j’ai vu une vidéo circuler sur internet. Il s’agissait d'une femme noire qui montrait des passages d'un livre scolaire (en français) où on enseignait clairement aux enfants la discrimination entre les Blancs et les Noirs. Par exemple, une image montrait plusieurs petites filles, dont une noire, et la consigne était : trouver l’intrus. Et des passages comme ça, il y en avait vraiment pas mal. Ça faisait limite peur.
Je n’ai pas cherché à vérifier la véracité de la vidéo ou même du bouquin. Ce n’est pas mon problème ici. Ce qui m’intéresse, c’est l’attitude. La dame s’indignait, et toutes les personnes (des parents pour la plupart) qui partageaient cette vidéo étaient outrées.
Vraiment, les Noirs hein, nous sommes des phénomènes. Tu pars vivre chez quelqu’un, tu le laisses éduquer tes enfants en fonction de ses croyances. Et quand tu te rends compte que l’éducation qu’il donne à tes enfants est un peu limite, au lieu de rentrer chez toi avec tes enfants, tu viens te plaindre sur internet.
On t’a attaché là-bas ?
Si tu ne peux pas aller là où tes enfants auront une éducation digne, aies au moins le courage de fermer ta gueule. Y en a marre des pleurnicheurs.
C’est toi qui ne peux rien fabriquer, c’est toi qui ne sers à rien dans l’évolution technologique du monde, c’est toi qui consommes tout ce que les autres ont inventé, jusqu’à leurs dieux. C’est toi qui as fui chez toi pour aller squatter chez les autres.
Et c’est toujours toi qui te plains qu’il y a trop de sel dans la nourriture. Tu ne peux pas préparer ta part et laisser les gens tranquilles ? Est-ce que tu es obligé d'être aussi ridicule ?
Bref, tout ça, ce sont toujours nos amis brillants de la diaspora. Ceux qui nous disent que l’Afrique ne peut pas se développer sans eux.
Douala 🇨🇲
S’il y a quelque chose qu’il faut combattre comme la peste, c’est la stupidité. Et crois-moi, nous sommes tous un peu stupides sur les bords. Chacun dans un ou plusieurs domaines.
Je me rappelle, à l’époque où je buvais encore de l’alcool, je me croyais invincible. Après des soirées bien arrosées, je prenais le volant pour conduire des dizaines de kilomètres. Une fois, j’ai même fait Turin (Italie) - Chambéry (France), soit plus de 200 km, après un week-end de fête en Italie. Bref, j’étais stupide. Et chaque jour qui passait sans conséquence m’enfonçait un peu plus dans ma bêtise.
Et c’est bien là le problème de la stupidité. Ses conséquences peuvent prendre des années à se manifester. Alors, on continue à s’enfoncer jour après jour, comme dans du sable mouvant. Jusqu’au jour où il devient impossible de faire marche arrière.
Comme disait mon héros Charlie Munger, éviter la stupidité est une stratégie puissante (mais souvent sous-estimée) pour réussir dans la vie. Il insistait d’ailleurs qu’il fallait se concentrer sur ne pas être constamment stupide, plutôt que d’essayer d’être brillants (comme ces fameux Camerounais de la diaspora, tiens).
Pourquoi je te parle de ça ? Parce que certains anciens Camerounais brillants de la diaspora pensent qu’ils vont :
… en espérant que les Camerounais qui auront choisi de rester et de se battre pour le pays les laisseront faire indéfiniment.
C’est exactement ça être stupide. Mais comme les conséquences ne se montreront pas avant quelques années, ils continueront de s’engouffrer dans cette brèche en pensant être les plus malins.
La stupidité, c’est croire que tout le monde va continuer de te regarder accumuler sans rien dire. Tiens, on dirait l’Allemagne des années 30.
Que chacun vive longtemps. Parce que la fin de cette histoire risque d’être très drôle.
Douala 🇨🇲
Hier soir, je me suis pris la porte de ma penderie en plein dans la gueule. Si je n’avais pas une tête bien remplie, je pense que mon crâne se serait ouvert en deux. Eh oui, un de ces accidents domestiques qui font des centaines de milliers de victimes chaque année.
Sauf que le mien aurait largement pu être évité. Quand je parle souvent de médiocrité dans ce pays, on dit que je me la pète. Mais en réalité, le niveau est juste trop bas. On ne se rend pas compte que tout ce qui fait la beauté et l’attractivité d’un lieu, ce sont ces petites choses que tu ne vois pas mais qui rendent ta vie si paisible.
Je me suis toujours demandé pourquoi nous avions des portes internes en bois massif dans nos maisons. Des portes tellement lourdes qu’elles sont plus une nuisance pour les habitants que pour les soi-disant brigands dont on aimerait se protéger. Mais le pire, c’est qu’on ne s’arrête pas aux portes des pièces. Même les portes des armoires sont faites en bois massif. C’est quoi le projet ? Surtout que ça augmente considérablement les coûts de construction.
Tu me diras peut-être que c’est pour une meilleure durabilité. Mais dans ce cas, pourquoi mettre une porte en bois massif et utiliser des pommelles de pacotille ?
Bref, hier soir, je me suis pris la porte de ma penderie en plein visage. Une porte de placard de près de 30 kg qui s’est détachée de sa pommelle sans crier gare. Résultat, une plaie ouverte en plein front. Quelques centimètres d’un côté ou de l’autre, et je perdais certainement un œil.
Je me suis mis au cours de menuiserie cette année, donc je connais quelques notions, et je peux te dire tout ce qui a été mal fait avec cette porte. On va passer le fait d’utiliser du bois massif pour une porte de placard. En plus de ça, le bois utilisé n’était pas sec. Pour l’intérieur, il faut utiliser des bois avec moins de 10 % d’humidité. Sinon, le bois continue de sécher une fois installé, provoquant des jeux. Une pommelle mal vissée devient alors totalement fragilisée dès que le bois commence à jouer.
Mais si ce n’était que ça. Quand on construit des meubles, il faut casser les bords pour éviter d’avoir des angles droits, très dangereux en cas d’accident. Si cette porte avait eu des angles arrondis, je me serais retrouvé avec une bosse et un peu de douleur. Mais avec un angle droit, la porte s’est transformée en arme blanche et m’a transpercé le front. Si ça avait été mon fils de 4 ans, elle lui aurait certainement ouvert le crâne en deux. Et je devrais passer ma vie à expliquer que je n’ai pas vendu mon fils pour devenir riche.
Tout ça pour dire qu’il ne s’agit pas de grandes technologies, mais de bon sens. Ça fait moins d’un an que je fais de la menuiserie comme un hobby, et je sais à peu près ce qu’il ne faut pas faire quand on construit des meubles pour une maison. Comment se fait-il que nous ayons encore des gens qui construisent des immeubles entiers avec autant de défauts ? Et je ne parle même pas des cuisines avec des plans de travail à la mauvaise hauteur, entraînant d’autres risques d’accidents.
On passe le temps à se plaindre du gouvernement ou à dire que les Camerounais sont brillants. Pourtant, sur des choses aussi simples, nous sommes totalement largués. Même ton mbenguiste préféré ne sait pas pourquoi certains matériaux et designs sont utilisés dans la construction. Tout ce qu’il sait faire, c’est filmer la neige comme un “teubé” et le partager sur son statut WhatsApp.
Si certaines zones du monde sont si attractives et faciles à vivre, c’est grâce aux technologies invisibles. Ces petits détails dont personne ne parle, que tu ne remarques pas, mais qui rendent la vie si paisible. Comme des constructions bien pensées qui diminuent drastiquement les accidents domestiques. Comme une police organisée qui dissuade les brigands. Comme ces arbres plantés en ville qui améliorent la qualité de l’air et apaisent le stress. Comme ces couleurs vives qui te donnent goût à la vie.
Ces choses-là ne demandent pas des machines venues de l’espace pour être implémentées. Juste un peu de bon sens. Juste un tout petit peu. Mais bon, apparemment, même ça, on doit aussi l’importer.
Douala 🇨🇲
J’ai vu circuler une information sur internet aujourd’hui. Je ne sais pas si elle est vraie ou pas, mais le gouvernement burkinabé aurait interdit l’importation des toges, ces habits portés par les magistrats dans les cours. Ces toges coûtaient apparemment entre 900.000 FCFA et 2.000.000 FCFA. Le gouvernement voudrait désormais qu’elles soient confectionnées sur place, pour un prix de 150.000 FCFA.
Je ne sais pas si cette information est exacte, mais j’aimerais m’en saisir pour parler de quelques points.
Je vois beaucoup de soi-disant panafricains de la diaspora, installés dans toutes les grandes capitales occidentales. Ils prétendent aimer l’Afrique, mais leurs actes contribuent à soutenir les ennemis de l’Afrique. Et par ennemis de l’Afrique, j’entends toutes ces grandes puissances qui continuent de nous vendre des choses ridicules à des prix exorbitants. Des choses que nous pourrions facilement fabriquer chez nous. Sérieusement, est-ce normal d’importer un habit cousu ? Est-ce que ça a un sens ?
Des absurdités comme ça, crois-moi, nous continuons d’en importer des tonnes chaque jour.
Hier encore, je discutais avec un mbenguiste qui me disait qu’ils rentreront au pays "quand le père sera parti." Supposons même que le père parte demain et que son remplaçant décide de prendre une décision comme celle que j’ai mentionnée plus haut. Tu crois vraiment que c’est au moment où cette décision sera annoncée que tu vas te mettre sur le marché ? Et même dans ce cas, si son remplaçant est quelqu’un d’intègre comme tu le souhaites, tu penses qu’il donnera ce marché à qui ? À l’entreprise qui est sur le terrain depuis des années ou bien au petit mbenguiste opportuniste qui débarque tout juste ?
Enfin, parlons de l’immigration. Parce que quand je parle, on dit que j’exagère. Demain, quand nous prendrons enfin notre pays en main et que nous fabriquerons tout sur place, avec qui allons-nous travailler si vous êtes tous au Canada ? Avec les Libanais, les Indiens et les Chinois qui arrivent en masse ?
On vous a mis quoi dans vos têtes à la naissance, pardi ?
Douala 🇨🇲