Quand ta générosité revient frapper à ta porte

J’ai vécu une expérience extraordinaire ce matin.
Une amie de longue date m’a écrit sur WhatsApp pour me saluer. Quand je dis "longue date", c’est vraiment long hein. On s’est rencontrés en 2010 en Italie. Nous étions dans la même résidence universitaire, Lungo Dora.

Elle a pris de mes nouvelles et j’ai pris des siennes. J’étais trop content de lui parler, car ça fait au moins 12 ans qu’on ne s’est pas vus. C’est vrai qu’on avait repris contact il y a quelques mois sur Facebook et qu’on s’était échangé les numéros. Mais plus rien. Toi-même tu sais que je ne suis pas très sociable (il faut que je travaille sur ça d’ailleurs).

Bref, ce matin, pendant nos échanges, elle me rappelle qu’elle me doit 50 €. Et que chaque fois, elle pense à ça, puis elle oublie. Je pense d’abord que c’est une blague, et je lui demande de me rembourser avec les intérêts. Et là, elle me dit que c’est ce qu’elle va faire. Et là je bug. Je lui rappelle que je ne sais pas de quoi elle parle et que si c’est le cas, c’est que j’ai complètement oublié. Ce que je fais tout le temps en fait. Je ne garde que les bonnes choses dans mon coeur, et les réclamations n’en font pas partie.

Et là, elle me raconte que quand elle partait de Turin pour Gênes, je l’avais dépannée avec 50 € et lui avais dit qu’elle me rembourserait quand elle le pourrait, mais qu’il n’y avait aucune pression. Elle m’avait certainement demandé de l’aide.

Wah Ronel ! Souvent moi-même j’oublie que ce n’est pas aujourd’hui que j’ai commencé à être un élément. Comment quelqu’un peut sortir une phrase comme ça aussi jeune ? Surtout que cette période-là norh, 50 €, c’était le wandafout. On parle quand même d’une époque où pendant des mois je mangeais des biscuits et du lait parce que la vie me montrait le voirâtre. Mais je constate que malgré tout ça, ma générosité n’a jamais souffert de rien.

Laure, c’est d’elle qu’il s’agit, m’a demandé mon compte Orange Money et m’a fait un virement de 75 € pour payer sa dette, comme elle l’a si bien dit. Elle est quelqu’un qui paie toujours ses dettes.

Cette histoire m’a réellement secoué. J’étais ravi de voir que, malgré nos périodes de galère, elle avait réussi à avoir une belle position dans la société. Car même en Mbeng, donner 75 € comme ça à quelqu’un, crois-moi, ce n’est pas facile. J’ai été ravi de voir qu’il existait encore des personnes aussi intègres ici dehors. Et surtout, j’ai pu expérimenter la puissance à long terme d’un bienfait rendu. Souvent, on ne fait pas certaines choses parce qu’on cherche à voir quelles seront les retombées immédiates, alors qu’en réalité, dans la vie, les vraies retombées — les plus pérennes — n’apparaissent qu’à long terme.

Des gestes comme celui-ci, j’en ai fait à plusieurs personnes dans ma vie. Mais des retours comme celui de Laure, je n’en ai reçu que très peu. Peut-être que les autres se concentrent pour venir sortir les longs discours à mon deuil. Peut-être que la maturité de leurs retombées à eux prendra plus de temps, je ne sais pas. Mais dans tous les cas, je ne peux que t’inviter, toi qui me lis, à faire partie de ces personnes qui apportent le bonheur aux autres sans chercher à savoir ce que tu y gagnes. Car dans un bienfait, quel qu’il soit, nous gagnons tous.


Douala 🇨🇲 

Ce que le meilleur ndolè de Douala m’a inspiré sur notre génération perdue

Aujourd’hui, c’était notre journée “Street Food Afterwork” avec Lionel. Nous avons décidé de consacrer un afterwork par semaine — quand c’est possible — à aller visiter certains points de street food de la ville. C’est notre façon à nous de les encourager, de rester ancrés dans le territoire, et surtout d’avoir nos fameuses discussions sur le pays. Et ça me permet aussi de sillonner la ville derrière sa grosse moto BMW. Ça me donne l’air d’un boss.

Aujourd’hui, il a décidé de nous emmener manger le meilleur ndolè de la ville. Et crois-moi, le titre n’est pas volé. J’ai confirmé. Il y a ndolè… et il y a ce ndolè. Et ne cherche pas à savoir où c’est, parce que si on ne t’y emmène pas, tu ne pourras juste pas deviner. Ce n’est pas un de ces restaurants avec une belle enseigne en ville. C’est dans un coin bien caché. Rien que pour les connaisseurs. Peut-être que si tu paies une séance de notre “Douala Street Food” (que nous allons bientôt lancer), tu auras l’occasion de découvrir le lieu.

Bref, le ndolè là était la magie. Mais ce que j’ai encore plus aimé, c’est que cette maman ne fait que du ndolè. Là-bas, on ne vend que du ndolè. Comme accompagnement, tu as le choix entre miondos et plantain mûr. Le plat vient avec deux grosses crevettes roses bien fraîches, du poisson frit ou de la viande de bœuf séché. Et c’est tout. Pas besoin d’imprimer le menu.

J’ai beaucoup aimé parce qu’avec Katering, c’est exactement la vision que nous avons : créer des marques mono-produits qui mettent en valeur notre patrimoine culinaire. Et j’ai justement identifié qu’au Cameroun, certains plats comme le Ndolè, le Eru ou le Taro peuvent devenir des chaînes à part entière. Je parie qu’on pourrait avoir une chaîne de restaurants spécialisés dans le ndolè avec 5 points de vente à Douala. De telle sorte que quand quelqu’un arrive au pays et veut manger du bon ndolè, il n’y ait qu’une seule adresse.

Je me disais qu’on allait faire tout ça quand on sera “grands”, mieux capitalisés. Mais en réalité, ce n’est pas seulement un problème de Katering ou de Ronel. Ça nous concerne tous. Comme je disais à Lionel tout à l’heure, cette maman a déjà fait sa part. C’est à notre génération d’emmener le concept plus loin. D’aller la voir et de lui proposer de créer une chaîne de restaurants. Un peu comme Ray Kroc l’a fait avec McDonald’s.

Mais bon… on va laisser le Canada et Mbeng à qui ?

Nous sommes vraiment la pire génération de Noirs dans le monde. Les derniers de la classe. Nos parents se sont battus tant bien que mal pour commencer des choses que nous étions censés terminer. Mais qu’est-ce que nous avons fait ? Nous avons laissé ces business mourir. Nous avons abandonné leurs maisons se détériorer. Normalement, avec toutes les mamans qui ont envoyé les enfants à l’école grâce aux beignets-haricots, on devait aujourd’hui avoir une chaîne de beignets-haricots avec au moins 1 000 points de vente. À la place, on a laissé mourir ce business historique.

Et notre fainéantise se voit même chez nos petits frères. Aujourd’hui, notre jeunesse est la plus perdue au monde. Perdue dans l’alcool, la drogue, les jeux de hasard et les partouzes. Parce que nous, les grands frères, n’avons pas su leur montrer le chemin. Et pourtant, nous avons reçu. Nous avions tout reçu de la génération au-dessus.

Et si moi, avec ma petite intelligence, j’observe ça… crois-moi, les autres peuples le voient aussi. Et c’est bien pour cela que nous tous qui fuyons nos responsabilités pour aller nous réfugier en Occident, nous n’aurons jamais que des rôles de second plan. Car personne ne fait confiance à un traître fainéant.

En tout cas, il n’est pas trop tard pour redresser la barre. Nous avons le travail de nos parents à valoriser et nos jeunes frères à sauver de la débauche. Si nous nous y mettons maintenant, on pourra encore sauver les meubles.

Ou bien… on préfère se saper comme des Congolais et organiser des mariages hors de prix en France, comme j’ai vu aujourd’hui en statut WhatsApp ?


Douala (Ndolè City) 🇨🇲 

Il est temps de bannir les adresses Gmail de nos institutions

Il y a certaines choses qui m’énervent profondément dans nos pays d’Afrique. Et parmi elles, il y a cette manie que nous avons d’utiliser des adresses email commerciales pour nos entreprises.

Tu vas au supermarché acheter un produit dont le marketing a coûté des centaines de millions de FCFA, et dont le chiffre d’affaires de l’entreprise se compte en milliards. Une fois le produit dans les mains, tu regardes l’emballage… et qu’est-ce que tu vois au niveau de l’adresse email ? Une adresse Yahoo ou Gmail.

Mais ce qui peut souvent me tuer, c’est quand même nos institutions publiques utilisent ces adresses. Ce matin encore, je voyais l’affiche d’un événement organisé par un ministère dont je tairai le nom… et l’adresse était en @gmail.com.

Je ne sais pas. C’est moi qui suis trop exigeant ? Ou bien c’est nous qui sommes beaucoup trop en retard ?

Tu me diras qu’ailleurs, certains business font pareil. Je te le concède, oui. Mais est-ce qu’on est obligé d’imiter les derniers de la classe ? Et je ne pense pas que tu puisses prendre la carte de visite de l’assistant d’un ministre dans un pays qui se respecte, et y voir une adresse Yahoo, comme j’en ai fait l’expérience en début d’année.

Il est vraiment temps qu’on se mette à niveau. Nous ne pouvons pas être mauvais sur les grandes choses et l’être aussi sur les petites.

Vivement que la communauté Panjap voit le jour, afin qu’ensemble nous résolvions tous ces petits problèmes de notre pays et que nous le portions enfin à la place qu’il mérite.


Douala 🇨🇲 

Et si on arrêtait de confondre travail et salaire ?

C’est quoi le travail au juste ?

Ce matin, en route pour le bureau, je suis passé devant un carrefour que j’emprunte quotidiennement. Et comme la plupart des matins, il y avait des femmes assises en train de discuter entre elles. Visiblement en train d’attendre. Certainement en train d’attendre qu’un employeur vienne leur proposer du travail pour la journée.

C’est un phénomène dont j’avais entendu parler pour la première fois dans un documentaire en France. Dans certains départements d’Île-de-France, chaque matin, des hommes venaient se poster à certains carrefours en espérant être recrutés pour des tâches journalières. Souvent des hommes immigrés. Et la plupart du temps, ces tâches étaient dans le bâtiment.

Si ces femmes sont postées là chaque matin comme je les vois tous les matins, ça veut certainement dire que de temps en temps, elles réussissent à se faire embaucher pour la journée. Mais si je me fie au regard qu’elles ont toutes sur leur visage quand je passe dans le coin, je dirais que cette façon de faire n’est pas optimale et je parierais qu’elles ont plus de jours sans que des jours avec.

La question qui m’est venue à l’esprit en passant par là aujourd’hui était : “Comment, dans un pays comme le nôtre où tout est à faire, les gens peuvent manquer de travail au point de passer des journées entières à espérer dans des carrefours ?” Et je me suis rappelé d’une phrase que je dis souvent : “Les gens qui nous ont vendu la notion de l’argent ne nous ont pas aidés.”

Le problème que nous avons, je pense, est que nous avons associé le travail à de l’argent, à une rémunération. Chez nous, on ne travaille pas pour fournir un résultat, mais pour avoir de l’argent, parce qu’on en a besoin. Du coup, nous sommes entourés d’opportunités et de problèmes à résoudre, mais vu qu’il n’y a personne qui nous garantit qu’il nous paiera si on résout ces problèmes, on n’y touche pas. On préfère rester au quartier et traiter le gouvernement de tous les noms.

Le travail n’a rien à voir avec l’argent. Le travail, c’est le cœur de la survie de toutes les espèces. Chercher à manger, c’est travailler. Se reproduire, c’est travailler. Savoir reconnaître le bon partenaire pour se reproduire demande du travail. Se protéger des autres et des cataclysmes de la nature, c’est travailler. Travailler, c’est ce que toutes les espèces font tous les jours pour continuer d’exister.

Contrairement aux autres espèces, nous les humains avons complexifié notre mode de vie. Et pour l’entretenir, ça requiert beaucoup plus de travail. L’une des raisons, selon moi, pour lesquelles nous continuons chaque année à creuser l’écart avec les autres espèces en terme de supériorité. Nous travaillons beaucoup plus et de façon beaucoup plus diversifiée.

Cependant, ce travail n’a rien à voir avec une rémunération. La rémunération est l’incentive que nous avons inventé pour pousser les uns et les autres à travailler beaucoup plus. Cette rémunération du travail n’existe que dans des sociétés hautement complexes comme celle des êtres humains — et quelques autres types d’animaux d’ailleurs.

Mais la rémunération ne devrait en aucun cas nous empêcher de travailler. Et c’est le gros problème que je constate dans certains pays d’Afrique — et d’ailleurs en réalité. Sans rémunération, des personnes ne travaillent plus, alors qu’en fait, travailler est vital pour eux.

Si nous prenons le cas de nos sociétés rurales. Dans ces contrées, beaucoup de personnes travaillent encore très dur. Et sans argent. Chaque matin, elles se lèvent tôt et travaillent pour se nourrir, travaillent à se prémunir des dangers de la nature. Et souvent, elles le font pendant plus de 10 heures de leur journée. Sans espérer une rémunération quelconque.

Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas que nous confondions les choses. Nous vivons aujourd’hui dans une société assez complexe en Afrique. Nous pouvons peut-être manquer d’opportunités de travail rémunéré, mais nous ne pouvons en aucun cas manquer d’opportunités de travail. Le travail est venu avant la rémunération, et il serait bête d’arrêter de travailler parce qu’il n’y aurait plus de rémunération.

Et c’est cette mentalité que nous pouvons observer même chez ceux qui ont un travail rémunéré. La plupart pensent que leur travail consiste à se pointer au lieu de service, alors qu’il n’en est rien du tout. Ce qui justifie ton travail, ce n’est pas le temps que tu passes en service, mais le résultat que tu produis.

Et pour produire ce résultat, nous n’avons pas besoin d’attendre à des carrefours que des personnes veuillent bien nous choisir. Il y a tellement de problèmes à résoudre qu’il suffirait juste d’en choisir un et de se concentrer dessus. Si c’est un problème rencontré par un certain nombre de personnes et que tu y apportes une bonne solution, tu ne tarderas pas à avoir une rémunération.

Et si tu n’as pas les outils qu’il faut pour résoudre les problèmes autour de toi, sache que se former, apprendre, c’est aussi travailler. Chaque action que tu mènes pour améliorer tes procédés, ta façon de travailler, c’est du travail. Nous n’avons donc aucune raison de ne pas travailler. Nous pouvons ne pas avoir de travail rémunéré pour le moment parce que la rémunération se fait rare, mais nous ne pouvons pas dire que nous ne trouvons pas de travail. Pas avec tous les problèmes qui persistent dans nos sociétés. Pas avec tout le potentiel d’apprentissage devant nous.

Moi, je fais partie de la catégorie des personnes qui passent leur vie à travailler. Et d’ailleurs, je ne crois pas au concept de la retraite, que je ne prendrai jamais. Je te parlerai peut-être dans un futur texte de ma vision de l’organisation du travail autour de l’âge. Une approche totalement différente de ce que le monde capitalistique nous propose aujourd’hui.

Contrairement à beaucoup de nos frères qui ont décidé de faire des boulots de planque où ils n’ont pas grand-chose à faire et sont fortement rémunérés, moi j’ai toujours fait le choix de travailler beaucoup. De travailler sur nos problèmes à nous, quitte à ne pas être rémunéré. Car comme je te l’ai dit plus tôt, le travail précède la rémunération. Pas le contraire.

Tu me diras : “Mais Ronel, l’homme doit se nourrir.” Et je te dirai : “Oui, mais pas au détriment du travail. Du vrai. De celui qui nous élève dans la société. De celui qui a fait en sorte que pour certains peuples, se nourrir n’est plus un problème du tout.”

Si au moment où tu lis ce texte, tu es au chômage ou bien tu sais que tu ne fais pas assez par rapport au travail, je t’invite à reconsidérer les choses et à te mettre au travail sérieusement. Tu pourrais par exemple écrire un texte par jour comme moi. C’est un travail, certes non rémunéré, mais qui contribue à élever notre société. Et qui sait, tu inspireras peut-être un de tes lecteurs à trouver la solution à notre misère.

See you at work, comme dit souvent mon ami, le fondateur de Dikalo, Alain Ekambi.


Douala 🇨🇲 

Et si la chaleur nous empêchait de réussir ?

La connaissance est l’arme ultime.

Je suis toujours surpris quand des personnes me demandent pourquoi j’ai autant de livres, pourquoi je suis si curieux, pourquoi je passe mon temps à apprendre de nouvelles choses.

Je me demande si nous nous rendons compte de la différence qu’une bonne information peut faire dans la vie d’une personne, voire sur les vies de toute une population.

Aujourd’hui, j’ai lu le résumé d’une étude sur la corrélation entre chaleur et intelligence. Et dans cette étude, l’auteur citait une interview de 2009 de l’un de mes héros, Lee Kuan Yew, celui qui a fait de Singapour le paradis qu’il est devenu.

Dans cette interview, il disait : “La climatisation a été l’une des inventions les plus importantes pour nous, peut-être l’une des inventions majeures de l’histoire. Elle a changé la nature de la civilisation en rendant possible le développement dans les tropiques.” Plus loin, il soulignait que sans climatisation, on ne pouvait travailler que pendant les heures fraîches du matin ou au crépuscule. Ainsi, l’une de ses premières actions en tant que Premier ministre a été d’installer des climatiseurs dans les bâtiments de la fonction publique, estimant que c’était essentiel pour l’efficacité.

En gros, il est beaucoup plus difficile de travailler – physiquement comme intellectuellement – quand il fait chaud. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles les pays du Nord sont plus développés que ceux du Sud. C’est peut-être ce qui explique les résultats extraordinaires des enfants en Islande. Peut-être aussi pourquoi l’Ouest du Cameroun a généralement de meilleurs résultats scolaires que le reste du pays. Ou pourquoi les enfants des riches, qui fréquentent des écoles climatisées et vivent dans des maisons climatisées, ont de meilleures performances. Et pourquoi, en Occident, c’est durant l’été qu’il n’y a pas école.

C’est la raison pour laquelle je ne cesse d’apprendre. Souvent, parce que nous ignorons certains petits détails, nous nous mettons nous-mêmes les bâtons dans les roues.

Tout cela m’a rappelé une discussion que j’ai eue la semaine dernière avec trois personnes différentes. Je leur expliquais que tant qu’on n’arriverait pas à maîtriser certains détails, nous ne pourrions jamais nous développer. Peu importe notre volonté.

Au Cameroun, si on prenait une telle information au sérieux, on aurait déjà modifié notre calendrier scolaire pour éviter l’école en décembre, janvier et février – comme au Brésil. On aurait fait de l’Ouest du Cameroun le centre administratif, universitaire ou technologique du pays. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que les colons français ont fait de Yaoundé la capitale.

Quand je te parle de me battre pour une cause que je sais loin d’être perdue, c’est parce que je sais qu’avec les bonnes informations, nous pouvons changer énormément de choses. Notre sous-développement est le prix que nous payons pour notre ignorance. Et nous n’avons plus besoin d’aller étudier ou vivre en Occident pour en sortir.

En ce qui te concerne, j’espère que tu sauras faire bon usage de cette information. De mon côté, dès que je suis rentré, j’ai baissé la clim de 27° à 25°. C’est vrai que les prix de l’électricité sont tendus ces temps-ci, mais l’intelligence n’a pas de prix. Et si elle passe par éviter la chaleur, qu’il en soit ainsi.

PS : J’aurais pu faire un bien meilleur texte. Et j’étais d’ailleurs bien parti. Mais j’ai été distrait par les statuts WhatsApp. J’étais dépassé de voir des Africains supporter un club italien contre un club espagnol, soi-disant parce que c’est l’ennemi de leur club espagnol préféré. Je pense qu’il va falloir plus que de la climatisation pour nous sauver.


Douala 🇨🇲 

Juste une poignée de voix pour tout changer

Hier, pendant notre réunion, je me plaignais des autres. Parce que nous avions décidé, dans un souci d’amélioration des choses pour le Cameroun, de prendre un peu plus la parole. Chacun dans son domaine d’expertise. Surtout que je leur avais acheté à tous, il y a déjà deux ans, un nom de domaine.

Mais j’ai été agréablement surpris quand l’un d’eux m’a dit qu’il avait partagé certains de mes textes à sa femme, que cette dernière s’était abonnée à ma page… et qu’inspirée par moi, elle avait elle aussi lancé une chaîne où elle publiait quasiment tous les jours pour motiver d’autres personnes de son entourage.

Je sais que j’ai déjà abordé ce sujet plus d’une fois avec toi. Mais tu sais ce qu’on dit : la répétition est le burin de la mémoire. Fais ce que tu as à faire. Ne te préoccupe pas des chiffres, de qui te regarde, des likes ou des applaudissements. Tu ne pourras jamais vraiment mesurer l’effet papillon de tes actes. Mais crois-moi, si tu y mets du cœur, tu changeras plus d’une vie.

C’est la raison pour laquelle je fais ce que je fais. La raison pour laquelle je le fais sans salaire et contre vents et marées. Et il suffirait que nous soyons une petite poignée pour changer complètement la face de notre pays, voire de notre continent. Juste une poignée.


Douala 🇨🇲 

Ton combat ultime

J’aborde souvent le sujet de la persévérance ici. Plusieurs fois dans mes textes, je t’ai invité à être résilient, à ne jamais abandonner ni perdre espoir.

C’est un sujet sur lequel j’aime souvent revenir, parce que je sais à quel point la vie peut sembler difficile, et même cruelle, parfois. Je sais combien il faut être fort d’esprit pour continuer certains combats quand tout semble perdu d’avance. Et à ma manière, j’essaie de te redonner la force nécessaire pour ne rien lâcher.

Mais moi aussi, je traverse très souvent ces moments de solitude profonde, où je n’ai qu’une seule envie : tout abandonner. Et parfois, je cède, et je laisse tout tomber.

Aujourd’hui, j’étais à une rencontre avec des amis. Des personnes avec qui nous avions décidé de nous rapprocher pour construire quelque chose de grand pour ce pays. Une promesse que j’avais déjà laissée tomber. Lassé d’avoir l’impression que les autres ne faisaient pas assez d’efforts pour être à la hauteur du groupe. Si je suis venu à cette rencontre, d’ailleurs, c’était juste par politesse. Car, dans mon fort intérieur, je ne me voyais plus faire partie du groupe.

Sauf qu’un des membres a dit quelque chose qui m’a fait reconsidérer ma position. Il m’a rappelé que nous avons tous des choses pour lesquelles nous sommes extrêmement résilients. Et pour la plupart d’entre nous, c’était nos activités entrepreneuriales. Ça nous tape tous les jours, mais on ne lâche pas. On continue de se battre. On cherche de nouveaux moyens, de nouvelles méthodes.

Il nous a rappelé que c’est de cette même façon que nous devrions traiter tous ces engagements que nous avons pris avec le cœur, mais qui, pour une raison ou une autre, ne se déroulent pas exactement comme nous le voulions. Comme pour nos activités entrepreneuriales, nous devrions juste chercher de nouvelles méthodes, de nouveaux moyens de les faire marcher.

J’ai trouvé cette réflexion assez puissante, et je me suis dit que je devais la partager avec toi, et avec le maximum d’autres personnes. Nous avons tous des combats que nous avons juré de ne jamais abandonner. Certains en ont même plusieurs. Chaque fois que nous nous trouvons dans une situation de découragement face à un engagement que nous avons pris — que ce soit un mariage, un diplôme, un projet ou toute autre chose — essayons de le traiter comme notre combat ultime, celui que nous ne laisserons tomber pour rien au monde.

Le mien de combat ultime, c’est le développement du Cameroun. Et le tien, c’est lequel ?


Douala 🇨🇲 

Marcher pour Traoré à Paris… avec un passeport français ?

Il y a quelques jours, j’ai vu sur les réseaux que des Africains avaient organisé une marche à Paris pour manifester contre la tentative de coup d’État déjouée contre l’homme fort du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré.

Moi, je n’arrive toujours pas à comprendre ces Africains qui vivent en Occident, ont pour la plupart des passeports occidentaux et continuent de crier au néocolonialisme ou se disent panafricains. Comment peut-on être aussi contradictoire ?

Certains me diront qu’il ne faut pas confondre un pays et ses dirigeants. Et sur ce point, je suis totalement d’accord. Mais si nous continuons à aller mendier des passeports et de meilleures conditions de vie chez les autres, il faut bien qu’on sache que tout ça aura un prix. Quand un pays fait de la prédation sur un autre, la plupart du temps, c’est au bénéfice de sa propre population. Si nous choisissons de faire partie des populations des prédateurs de nos frères, la moindre des choses serait de la fermer et de faire profil bas. Car c’est au nom de tout leur peuple que ces pays font ce qu’ils font. Leur peuple dont nous avons décidé de faire partie, alors que nous avions déjà le nôtre.

Il ne sert à rien d’aller défiler à Paris, son passeport français en poche, en demandant à la France d’arrêter ses tentatives de déstabilisation du Burkina Faso, quand toi-même tu es né burkinabé et as décidé que c’est la France qui était mieux pour toi. Et il en est de même pour toutes ces autres personnes d’origine africaine qui se sont indignées pendant cette marche. Si quelqu’un est fâché contre la France, il n’a qu’à déménager et rentrer chez lui. Et si tu aimes trop le Burkina, je pense que tu seras beaucoup plus utile là-bas.

Mais bon, il faut bien quelques bouffons dans toute cour royale !


Douala 🇨🇲 

Ne deviens pas le monstre que tu crois que la vie a mis sur ta route

Aujourd’hui, j’aimerais partager avec toi un petit fléau qui mine nos sociétés : ces personnes qui se transforment en monstres à cause de ce qu’on leur a fait subir.

La plupart du temps, quand quelqu’un traverse des situations très difficiles, il en garde un goût amer et se dit : plus jamais ça. Le problème, c’est que pour ne plus revivre ces expériences, il devient une personne horrible. Parce qu’il a fait confiance à la mauvaise personne, il décide que plus personne n’est digne de confiance. Et c’est ainsi que des personnes au cœur d’or deviennent des monstres froids, causant parfois plus de tort aux autres qu’elles n’en ont elles-mêmes subi.

Nous sommes souvent tellement concentrés sur nos nombrils que, chaque fois qu’un malheur nous frappe, nous pensons que c’était prémédité. Alors qu’en réalité, une grande partie du mal que nous subissons n’est que le fruit de la bêtise humaine — pas de la méchanceté. Et pourtant, stupides que nous sommes, nous répondons à la bêtise par la méchanceté.

S’il y a une chose que je me suis juré de ne jamais faire, c’est bien ça : changer qui je suis à cause des autres. À cause de ce que j’aurais subi. Et c’est peut-être la raison pour laquelle, malgré toutes les injustices que j’ai pu traverser, je n’ai jamais cessé de me battre pour les autres — et de faire confiance par défaut.

Je sais que toi qui me lis, tu te dis que ta situation est spéciale, particulière. Mais en réalité, il n’en est rien. Très peu de gens se lèvent le matin avec l’intention de te nuire sciemment. Tu croiseras juste beaucoup d’idiots et de maladroits dans ta vie. La vraie méchanceté commence le jour où tu décideras que ces idiots te voulaient du mal et que tu chercheras à te venger de la vie. Ne franchis jamais ce pas.

Comme le rappelle le rasoir de Hanlon : “Ne jamais attribuer à la malveillance ce que l'on peut expliquer par la stupidité.”


Douala 🇨🇲 

Pourquoi plus personne ne veut bosser au Cameroun (et pourquoi c’est de ta faute)

En ce mois d’anniversaire (le 28 mai, si tu n’as pas encore noté), je voulais en profiter pour, chaque jour, faire un message de reconnaissance. Dire merci à toutes ces personnes extraordinaires qui partagent — de près ou de loin — une partie de ma vie et qui contribuent, ou ont contribué, à me rendre un homme meilleur. Mais bon… est-ce que les dossiers chauds veulent seulement me laisser tranquille ?

Aujourd’hui, je vais faire une entorse au programme pour te parler d’un sujet que j’ai déjà évoqué une ou deux fois avec Flavien, et dont je parlais encore cet après-midi avec Lionel.

Au Cameroun actuellement, l’un des plus gros problèmes — le plus important selon moi — c’est le problème de ressources humaines. D’un côté, nous avons une immigration qui ne veut pas nous lâcher, et de l’autre, des jeunes restés au pays qui refusent de travailler sous prétexte que "c’est mal payé".

Au début, je ne comprenais pas pourquoi on avait tant de mal à recruter pour certains postes. À des salaires que je trouvais pourtant assez convenables, au vu du contexte local. Mais c’est à force d’observer nos mœurs que j’ai compris : le problème, c’est nous-mêmes.

Imagine une fille que tu veux recruter comme serveuse dans un restaurant ou vendeuse dans une boutique. Pour un salaire entre 80.000 F et 150.000 F. Pourquoi, honnêtement, serait-elle concentrée sur son travail ? Pourquoi prendrait-elle ça au sérieux, quand chaque fois qu’elle passe la nuit chez un gars (souvent plus âgé), on lui remet entre 10.000 F et 30.000 F juste pour le transport ? Le calcul est vite fait. Elle sait qu’en dormant dix fois dans le mois chez un ou plusieurs gars, elle peut gagner le même salaire — sans travailler.

Et le pire ? C’est que ce sont souvent ces mêmes entrepreneurs, qui se plaignent de ne pas trouver de personnel, qui distribuent ces sommes faramineuses, ou qui achètent des téléphones dernier cri à des jeunes filles qu’ils croisent dehors.

Résultat : quand ces filles décident de sortir avec un gars de leur âge, elles s’attendent à recevoir au moins 5.000 F ou 10.000 F de taxi à chaque visite. Le jeune se retrouve donc avec un budget mensuel de 50.000 à 100.000 F juste pour “gérer sa go”. Comment veux-tu qu’il accepte un salaire de 150.000 F ? Il préfère rester au quartier, en attendant qu’une multinationale lui offre au moins 300.000 F.

C’est caricatural, mais ça résume bien le mal qui nous ronge.

On pense que la faute vient du gouvernement, ou d’un système lointain… alors qu’en fait, c’est nous-mêmes qui créons nos propres problèmes.

Quand on vit en société, chaque geste compte. Parce qu’un battement d’ailes aujourd’hui, c’est parfois un ouragan demain. Et ce que nous vivons actuellement avec la pénurie de ressources humaines, c’est notre propre ouragan. Entre les mbenguistes qui envoient des TapTap Send à leurs petits restés au quartier, et les Sugar Daddy qui ne peuvent pas croiser une paire de seins debout sans ouvrir le portefeuille, nous avons dévalorisé le travail. Nous avons fait croire à une génération entière que le salaire n’a plus de valeur.

Et c’est tout un pays qui en souffre.


Douala 🇨🇲