Quand la foi devient un outil de pouvoir

Hier, j’ai visité Karen, le quartier des riches de Nairobi. Que dis-je, des ultra-riches. Alors ne venez surtout pas le comparer à Bonanjo, Bonapriso ou Bastos. Là-bas, c’est un autre niveau, genre Beverly Hills. Mais bon, ce n’est pas le sujet du jour.

Ce qui m’a frappé dès notre entrée dans cette zone, c’est cette impression que l’Église catholique possédait la moitié du quartier. Sur une avenue entière, elle avait des bâtiments de part et d’autre : églises, écoles, universités, centres et je ne sais quoi d’autre.

Et ce phénomène n’est pas réservé au Kenya. Je l’ai déjà observé dans un tas de pays africains. On dirait que l’Église catholique est propriétaire des meilleures terres. Et ça ne gêne personne, enfin, à part moi.

J’en ai discuté avec mon amie, et je lui disais que je parierais que si le gouvernement kenyan demandait d’aller à gauche et l’Église demandait d’aller à droite, la population suivrait l’Église. Elle m’a répondu que je ne croyais pas si bien dire. Elle m’a expliqué que l’Église était tellement puissante dans ce pays qu’elle se permettait même de défier le gouvernement de temps en temps. Dernier évènement en date : il y a quelques mois, l’Église aurait carrément fait plier le président du pays.

Je sais que quand tu lis ce texte avec ton chapelet autour du cou, tu es un peu gêné. Mais bon, on va faire comment ? Je vais arrêter d’écrire parce que tu as décidé de donner toute ta confiance à une institution qui a massacré et asservi tes ancêtres ?

Comme si ça ne suffisait pas, plus tard dans une autre rue, un quartier différent, nous entendons une personne dire à une autre sur un ton très sérieux : “Trust no one, but God” — traduction : “Ne fais confiance à personne sauf à Dieu.” Et moi de sourire et de rappeler à mon amie que c’est exactement de ça dont je parlais plus tôt.

Sans s’en rendre compte, ce passant était en train de dire : “Ne fais confiance à aucun Kenyan, même pas à tes parents ou à tes dirigeants. Mais fais confiance à Dieu.” Un Dieu qui s’appelle certainement Jésus. Qui est soit blanc, soit arabe, et qu’il n’a jamais vu. Un Dieu auquel il s’adresse par l’intermédiaire de ses émissaires, les membres du clergé, dont le chef suprême est souvent à des milliers de kilomètres.

Comme je le disais hier, l’esclavage a vraiment plusieurs visages.


Kigali 🇷🇼 

Pourquoi je choisis l'Afrique pour maman plutôt que l'Occident.

L’esclavage a plusieurs visages, et souvent, il se présente à nous sous sa forme la plus insidieuse.

Hier, sur son statut WhatsApp, maman a posté une photo d’elle et moi devant une tour à Nairobi, le Kenyan Convention Center. Et comme nous ne sommes pas habitués à ce genre de paysage au Cameroun, une voisine a commenté en disant : “Enfin !” en ajoutant que maman était enfin partie en “mbeng".

Je vais passer sur les insinuations que ce commentaire peut comporter. Parlons plutôt de notre relation avec l’Occident. Pour beaucoup de personnes que je connais — des personnes qui sont censées être intelligentes —, faire venir leurs parents en Europe est un signe de réussite. Une chose que je n’ai jamais comprise. C’est un peu comme si je mesurais ma vie au fait que mon voisin me permette de m’asseoir sur son canapé dans sa maison.

Beaucoup d’Africains de la diaspora affichent fièrement sur internet leurs parents dans les grandes capitales occidentales. Mais ce que personne ne voit, ce sont toutes les humiliations par lesquelles ils doivent passer pour y arriver. Ce papa que tu vois devant la Tour Eiffel aujourd’hui a souvent essuyé trois refus de visa précédemment. Pour avoir le privilège de se filmer devant la Tour Eiffel, il a dû être traité comme un potentiel menteur, souvent même comme un potentiel terroriste.

Ce que toutes ces photos ne montrent pas, ce sont ces familles déchirées parce que les enfants ont multiplié les tentatives de demandes de visa infructueuses. Ce que ces photos ne montrent pas, c’est que certains de ces mbenguistes sont devenus des faussaires, falsifiant des relevés bancaires, des fiches de paie et je ne sais quels autres documents, uniquement pour que leurs parents puissent poser sur Madison Avenue afin d’épater les voisins du quartier.

Si ce n’est pas une forme d’esclavage moderne, alors qu’est-ce que c’est ?

Toute cette énergie gaspillée — une énergie qui aurait pu être mise au service de la construction de notre pays — est détournée dans des bêtises, à essayer de se faire valider par les blancs ou à impressionner les voisins. Comme si une vie bien vécue devait forcément inclure un passage en Occident.

Certaines personnes, enfin beaucoup de personnes, se moquent de moi parce que je suis rentré au Cameroun, parce que je vis modestement, parce que je n’ai pas fait voyager ma mère en Europe. Et moi, ça me fait toujours sourire. Heureusement que le courage — le courage de tenir mes positions, des positions de valeur dans un monde qui marche sur la tête — fait partie de mes plus grandes forces.

Il y a quelques années, quand je me suis marié en France, j’aurais pu faire une demande de visa pour ma mère. Après tout, c’était mon mariage. Mais quelle était la probabilité qu’on le lui accorde ? Pas très grande. Il était donc hors de question pour moi de lui faire courir le risque d’une pareille humiliation. J’ai donc organisé une cérémonie à Douala, pour que tous les membres de ma famille qui n’auraient pas eu le privilège d’un visa pour la France puissent m’accompagner dans cet événement heureux.

Et si tu penses que j’exagère, sache que rien que dans mon entourage, je connais une demi-douzaine de parents à qui on a refusé le visa pour le mariage de leurs enfants en Occident. Et ce n’étaient pas des parents des quartiers difficiles comme moi.

Si nous continuons à voir des photos de parents devant des monuments occidentaux, c’est parce que ça marche pour certains. Mais est-ce vraiment le jeu auquel nous voulons jouer ? Un jeu où neuf parents sur dix au quartier seront humiliés pour qu’un seul enfant puisse dire qu’il a fait voyager ses parents ?

Aux dernières nouvelles, l’Occident n’est pas le centre du monde, et l’esclavage a été aboli il y a des siècles.

Cela veut-il dire que je ne ferai jamais de voyage en Occident avec maman ? Non. Cela veut tout simplement dire que je ne ferai pas de demande de visa si la possibilité d’une humiliation est trop grande. Je ne pense pas qu’on puisse refuser un visa à la maman d’Eto’o, par exemple.

Entre-temps, je continue de travailler à élever la dignité de mon pays, afin qu’aucun Camerounais n’ait à subir ce genre de traitement. Pendant ce temps, il y a tout un tas de pays où nous pouvons voyager sans avoir à faire de demande de visa ou simplement en demandant une autorisation en ligne.

J’ai, par exemple, fait la demande d’ETA pour le Kenya pour maman sans qu’elle sache même ce que c’était. Tout ce qu’elle a eu à faire, c’était de se préparer pour l’aéroport. Et des pays comme ça, où nous pouvons faire une demande d’ETA ou d’eVisa en ligne, il y en a une bonne vingtaine. Sans parler de la vingtaine d’autres où nous pouvons aller sans aucune demande préalable. Des pays tels que le Rwanda, le Nigeria, le Bénin, le Mali ou Singapour, sans oublier tous les pays de la zone CEMAC.

Peut-être que si nous nous concentrions déjà sur nos pays africains, on nous respecterait un peu plus. Car tous ces parents dont on voit les photos à New York, Montréal, Berlin ou Rome n’ont souvent jamais mis les pieds dans un autre pays africain, hormis le leur.


Nairobi 🇰🇪 

Quand l’égoïsme immobilier étouffe nos villes.

Toutes les lois ne sont pas bonnes. Et ce n’est pas parce que quelque chose n’est pas (encore) interdit qu’il faut le faire. La dernière fois je parlais de cette diaspora qui passe son temps à accumuler les terrains au Cameroun, un pays auquel ils ne croient pas. Au détriment des camerounais qui sont sur le terrain et se battent pour que les choses avancent. Comme il n’existe pas de vrais mécanismes pour encadrer la propriété des terres, chacun s’en donne à coeur joie. Quitte à confisquer tous les terrains que les autres pourraient utiliser pour construire le pays.

Au Cameroun, tout le monde veut être bailleur. Les gens immobilisent des terrains bien situés en plein centre ville parce qu’ils n’ont pas les moyens de construire. Des personnes laissent des immeubles dépérir parce qu’ils n’ont pas fini de payer les traites à la banque ou bien n’ont pas encore récupéré l'argent qu'ils avaient investi. Du coup, on se retrouve avec des villes délabrées, avec un développement qui va à pas de tortue. Tout ça parce qu’une poignée de personnes veulent être propriétaire pour toujours d’une terre qu’ils sont venus trouver et qu'ils vont partir laisser. 

Alors qu’on pourrait avoir de grandes compagnies qui construiraient des immeubles dans lesquels des appartements seraient vendus à des prix raisonnables. Un peu comme ça se fait partout ailleurs. 

Quand je contraste tout ça avec la discussion que j’ai eu ce matin avec une amie sur comment sont construits tous ces immeubles à Nairobi, je me dis juste que nous avons encore du chemin. Notre égoïsme nous perdra.


Nairobi 🇰🇪

Mes textes sont durs, mais la réalité l’est encore plus.

Si tu me lis régulièrement, tu dois savoir que mon ton est souvent acerbe et provocateur. Je n’y vais pas du revers de la cuillère. Certaines personnes le prennent personnellement et croient que je m’adresse à elles directement. C’est vrai que beaucoup mériteraient que je sois encore plus dur dans mes écrits (cc la diaspora), mais si j’écris comme je le fais, c’est d’abord parce que je pense que nous avons besoin d’un électrochoc.

Je ne sais pas si tu te rends compte, mais en tant que noirs, nous n’apportons pas grand-chose à l’humanité. Nous sommes la risée de la planète. Et si nous ne rectifions pas le tir, nous courons à notre disparition. Parce qu’avant tout, nous sommes dans la jungle de la nature. Et pour survivre, il faut se battre et s’adapter.

Donc, si tu fais partie des personnes que mes textes piquent souvent, je te conseille de boire beaucoup d’eau, de ne rater aucun prochain texte et de te mettre au travail. Parce qu’au final, si tu faisais les choses bien, tu ne te sentirais pas concerné.


Nairobi 🇰🇪 

Ngondo : célébration de nos traditions ou triomphe des multinationales ?

Il y a quelques jours, j’étais à la foire du Ngondo. Oui, le Ngondo, ce festival camerounais qui se tient chaque année depuis que tu es né. Pourtant, tu ne maîtrises toujours pas les dates alors que tu es capable de réciter par cœur toutes les fêtes des autres : Noël, Pâques, Toussaint, Thanksgiving, et je ne sais quel autre "saint machin".

Mais ce n’est pas le sujet du jour.

Avec Lionel, nous avons été sidérés par ce que nous avons vu. Le Ngondo est censé célébrer la culture Douala, un patrimoine précieux pour notre pays. Pourtant, à part quelques rares attractions culturelles comme la lutte et le tir à la corde, l’événement ressemble davantage à une gigantesque fête en l’honneur des Brasseries du Cameroun (désormais propriétaire de Guinness Cameroun).

Toute la foire est centrée sur des stands de débits de boissons où les uns et les autres descendent bouteille après bouteille. À quel moment une fête censée nous rassembler et dynamiser notre économie locale s’est-elle transformée en une machine à fric pour une multinationale étrangère ? Et surtout, pourquoi cela ne gêne-t-il personne ?

Le pire, comme Lionel me le faisait remarquer, c’est qu’il est presque impossible de trouver un stand où manger un bon plat de Ndolè, l’un des mets Douala les plus prisés. Comment peut-on célébrer une culture sans mettre à l’honneur ses plats emblématiques ?

Alors, qu’est-ce que nous sommes en train de faire du pays que nos parents nous ont légué ? Ce pays pour lequel Rudolf Douala Manga Bell a été pendu par l’oppresseur.

Peut-être qu’il est temps de nous poser la question, de manière sérieuse : sommes-nous encore fiers de notre patrimoine ou avons-nous simplement baissé les bras ?

Douala (Ja Jongwanele) 🇨🇲 

4 dons de sang, 1 engagement pour la vie : et toi, tu commences quand ?

Une très bonne chose de faite aujourd’hui ! Avec Flavien, nous avons effectué notre 4ᵉ don de sang de l’année, le maximum autorisé pour une personne en une année. Cela faisait partie des routines que nous avions décidé d’instaurer pour le reste de nos vies, et aujourd’hui, nous venons de boucler la première année sans encombre. Une petite victoire.

Je sais qu’il y en aura toujours pour dire : "Ça sert à quoi ? Ils vont utiliser votre sang pour de mauvaises pratiques. Ils vont vendre ça. Ce pays ne vaut pas la peine." Et peut-être que beaucoup continueront à penser ainsi. Mais bon, qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? Pas grand-chose.

Nous avons choisi d’être parmi ceux qui agissent, ceux qui prennent des initiatives, ceux qui, au besoin, donneront de leur sang pour que ce pays – notre pays – devienne l’un des plus grands du monde et que nos enfants en soient fiers.

Je ne sais pas si tu as déjà fait un don de sang dans ta vie, ou si tu en fais régulièrement. Mais je sais que la probabilité qu’un jour toi ou un membre de ta famille ait besoin d’une poche de sang est suffisamment grande pour que tu commences à y songer. J’espère juste que ce jour-là, tu ne regretteras pas qu’il n’y ait pas assez de donneurs.

2025 approche. Il est encore temps d’ajouter une belle œuvre à ta liste. Faire 4 dons de sang, par exemple. Ça, au moins, ça dépend totalement de toi.


Douala 🇨🇲 

Indignés, mais toujours chez les autres : l’étrange paradoxe de la diaspora

On dit comme ça hein, les Africains, surtout ceux de la diaspora là, ne cesseront jamais de m’étonner.

Il y a quelques jours, j’ai vu une vidéo circuler sur internet. Il s’agissait d'une femme noire qui montrait des passages d'un livre scolaire (en français) où on enseignait clairement aux enfants la discrimination entre les Blancs et les Noirs. Par exemple, une image montrait plusieurs petites filles, dont une noire, et la consigne était : trouver l’intrus. Et des passages comme ça, il y en avait vraiment pas mal. Ça faisait limite peur.

Je n’ai pas cherché à vérifier la véracité de la vidéo ou même du bouquin. Ce n’est pas mon problème ici. Ce qui m’intéresse, c’est l’attitude. La dame s’indignait, et toutes les personnes (des parents pour la plupart) qui partageaient cette vidéo étaient outrées.

Vraiment, les Noirs hein, nous sommes des phénomènes. Tu pars vivre chez quelqu’un, tu le laisses éduquer tes enfants en fonction de ses croyances. Et quand tu te rends compte que l’éducation qu’il donne à tes enfants est un peu limite, au lieu de rentrer chez toi avec tes enfants, tu viens te plaindre sur internet.

On t’a attaché là-bas ?

Si tu ne peux pas aller là où tes enfants auront une éducation digne, aies au moins le courage de fermer ta gueule. Y en a marre des pleurnicheurs.

C’est toi qui ne peux rien fabriquer, c’est toi qui ne sers à rien dans l’évolution technologique du monde, c’est toi qui consommes tout ce que les autres ont inventé, jusqu’à leurs dieux. C’est toi qui as fui chez toi pour aller squatter chez les autres.

Et c’est toujours toi qui te plains qu’il y a trop de sel dans la nourriture. Tu ne peux pas préparer ta part et laisser les gens tranquilles ? Est-ce que tu es obligé d'être aussi ridicule ?

Bref, tout ça, ce sont toujours nos amis brillants de la diaspora. Ceux qui nous disent que l’Afrique ne peut pas se développer sans eux.


Douala 🇨🇲 

La stupidité, cet ennemi silencieux

S’il y a quelque chose qu’il faut combattre comme la peste, c’est la stupidité. Et crois-moi, nous sommes tous un peu stupides sur les bords. Chacun dans un ou plusieurs domaines.

Je me rappelle, à l’époque où je buvais encore de l’alcool, je me croyais invincible. Après des soirées bien arrosées, je prenais le volant pour conduire des dizaines de kilomètres. Une fois, j’ai même fait Turin (Italie) - Chambéry (France), soit plus de 200 km, après un week-end de fête en Italie. Bref, j’étais stupide. Et chaque jour qui passait sans conséquence m’enfonçait un peu plus dans ma bêtise.

Et c’est bien là le problème de la stupidité. Ses conséquences peuvent prendre des années à se manifester. Alors, on continue à s’enfoncer jour après jour, comme dans du sable mouvant. Jusqu’au jour où il devient impossible de faire marche arrière.

Comme disait mon héros Charlie Munger, éviter la stupidité est une stratégie puissante (mais souvent sous-estimée) pour réussir dans la vie. Il insistait d’ailleurs qu’il fallait se concentrer sur ne pas être constamment stupide, plutôt que d’essayer d’être brillants (comme ces fameux Camerounais de la diaspora, tiens).

Pourquoi je te parle de ça ? Parce que certains anciens Camerounais brillants de la diaspora pensent qu’ils vont :

  • Obtenir des passeports européens, américains et canadiens,
  • Vivre en Occident avec des enfants qui n’ont de rapport avec le Cameroun que leur nom de famille (cc Mbappé),
  • Et ensuite venir acheter tous les terrains de Kribi, toutes les meilleures zones agricoles, et tous les terrains dans les grandes villes,

… en espérant que les Camerounais qui auront choisi de rester et de se battre pour le pays les laisseront faire indéfiniment.

C’est exactement ça être stupide. Mais comme les conséquences ne se montreront pas avant quelques années, ils continueront de s’engouffrer dans cette brèche en pensant être les plus malins.

La stupidité, c’est croire que tout le monde va continuer de te regarder accumuler sans rien dire. Tiens, on dirait l’Allemagne des années 30.

Que chacun vive longtemps. Parce que la fin de cette histoire risque d’être très drôle.


Douala 🇨🇲 

Petits détails, grandes conséquences : l'importance des technologies invisibles

Hier soir, je me suis pris la porte de ma penderie en plein dans la gueule. Si je n’avais pas une tête bien remplie, je pense que mon crâne se serait ouvert en deux. Eh oui, un de ces accidents domestiques qui font des centaines de milliers de victimes chaque année.

Sauf que le mien aurait largement pu être évité. Quand je parle souvent de médiocrité dans ce pays, on dit que je me la pète. Mais en réalité, le niveau est juste trop bas. On ne se rend pas compte que tout ce qui fait la beauté et l’attractivité d’un lieu, ce sont ces petites choses que tu ne vois pas mais qui rendent ta vie si paisible.

Je me suis toujours demandé pourquoi nous avions des portes internes en bois massif dans nos maisons. Des portes tellement lourdes qu’elles sont plus une nuisance pour les habitants que pour les soi-disant brigands dont on aimerait se protéger. Mais le pire, c’est qu’on ne s’arrête pas aux portes des pièces. Même les portes des armoires sont faites en bois massif. C’est quoi le projet ? Surtout que ça augmente considérablement les coûts de construction.

Tu me diras peut-être que c’est pour une meilleure durabilité. Mais dans ce cas, pourquoi mettre une porte en bois massif et utiliser des pommelles de pacotille ?

Bref, hier soir, je me suis pris la porte de ma penderie en plein visage. Une porte de placard de près de 30 kg qui s’est détachée de sa pommelle sans crier gare. Résultat, une plaie ouverte en plein front. Quelques centimètres d’un côté ou de l’autre, et je perdais certainement un œil.

Je me suis mis au cours de menuiserie cette année, donc je connais quelques notions, et je peux te dire tout ce qui a été mal fait avec cette porte. On va passer le fait d’utiliser du bois massif pour une porte de placard. En plus de ça, le bois utilisé n’était pas sec. Pour l’intérieur, il faut utiliser des bois avec moins de 10 % d’humidité. Sinon, le bois continue de sécher une fois installé, provoquant des jeux. Une pommelle mal vissée devient alors totalement fragilisée dès que le bois commence à jouer.

Mais si ce n’était que ça. Quand on construit des meubles, il faut casser les bords pour éviter d’avoir des angles droits, très dangereux en cas d’accident. Si cette porte avait eu des angles arrondis, je me serais retrouvé avec une bosse et un peu de douleur. Mais avec un angle droit, la porte s’est transformée en arme blanche et m’a transpercé le front. Si ça avait été mon fils de 4 ans, elle lui aurait certainement ouvert le crâne en deux. Et je devrais passer ma vie à expliquer que je n’ai pas vendu mon fils pour devenir riche.

Tout ça pour dire qu’il ne s’agit pas de grandes technologies, mais de bon sens. Ça fait moins d’un an que je fais de la menuiserie comme un hobby, et je sais à peu près ce qu’il ne faut pas faire quand on construit des meubles pour une maison. Comment se fait-il que nous ayons encore des gens qui construisent des immeubles entiers avec autant de défauts ? Et je ne parle même pas des cuisines avec des plans de travail à la mauvaise hauteur, entraînant d’autres risques d’accidents.

On passe le temps à se plaindre du gouvernement ou à dire que les Camerounais sont brillants. Pourtant, sur des choses aussi simples, nous sommes totalement largués. Même ton mbenguiste préféré ne sait pas pourquoi certains matériaux et designs sont utilisés dans la construction. Tout ce qu’il sait faire, c’est filmer la neige comme un “teubé” et le partager sur son statut WhatsApp.

Si certaines zones du monde sont si attractives et faciles à vivre, c’est grâce aux technologies invisibles. Ces petits détails dont personne ne parle, que tu ne remarques pas, mais qui rendent la vie si paisible. Comme des constructions bien pensées qui diminuent drastiquement les accidents domestiques. Comme une police organisée qui dissuade les brigands. Comme ces arbres plantés en ville qui améliorent la qualité de l’air et apaisent le stress. Comme ces couleurs vives qui te donnent goût à la vie.

Ces choses-là ne demandent pas des machines venues de l’espace pour être implémentées. Juste un peu de bon sens. Juste un tout petit peu. Mais bon, apparemment, même ça, on doit aussi l’importer.


Douala 🇨🇲 

Quand l’Afrique fabriquera tout, qui sera là pour y travailler ?

J’ai vu circuler une information sur internet aujourd’hui. Je ne sais pas si elle est vraie ou pas, mais le gouvernement burkinabé aurait interdit l’importation des toges, ces habits portés par les magistrats dans les cours. Ces toges coûtaient apparemment entre 900.000 FCFA et 2.000.000 FCFA. Le gouvernement voudrait désormais qu’elles soient confectionnées sur place, pour un prix de 150.000 FCFA.

Je ne sais pas si cette information est exacte, mais j’aimerais m’en saisir pour parler de quelques points.

Je vois beaucoup de soi-disant panafricains de la diaspora, installés dans toutes les grandes capitales occidentales. Ils prétendent aimer l’Afrique, mais leurs actes contribuent à soutenir les ennemis de l’Afrique. Et par ennemis de l’Afrique, j’entends toutes ces grandes puissances qui continuent de nous vendre des choses ridicules à des prix exorbitants. Des choses que nous pourrions facilement fabriquer chez nous. Sérieusement, est-ce normal d’importer un habit cousu ? Est-ce que ça a un sens ?

Des absurdités comme ça, crois-moi, nous continuons d’en importer des tonnes chaque jour.

Hier encore, je discutais avec un mbenguiste qui me disait qu’ils rentreront au pays "quand le père sera parti." Supposons même que le père parte demain et que son remplaçant décide de prendre une décision comme celle que j’ai mentionnée plus haut. Tu crois vraiment que c’est au moment où cette décision sera annoncée que tu vas te mettre sur le marché ? Et même dans ce cas, si son remplaçant est quelqu’un d’intègre comme tu le souhaites, tu penses qu’il donnera ce marché à qui ? À l’entreprise qui est sur le terrain depuis des années ou bien au petit mbenguiste opportuniste qui débarque tout juste ?

Enfin, parlons de l’immigration. Parce que quand je parle, on dit que j’exagère. Demain, quand nous prendrons enfin notre pays en main et que nous fabriquerons tout sur place, avec qui allons-nous travailler si vous êtes tous au Canada ? Avec les Libanais, les Indiens et les Chinois qui arrivent en masse ?

On vous a mis quoi dans vos têtes à la naissance, pardi ?


Douala 🇨🇲