Lysther : un exemple de réussite camerounaise face à l’immigration

Je suis content aujourd'hui. Très content ! Mon frère Lysther vient d'atterrir à Lomé pour quelques semaines de travail. C'est son premier voyage hors du pays, son premier voyage en avion. Mais c'est un voyage symbolique pour moi. Peut-être même plus symbolique pour moi que pour lui. Je t'explique.

Lysther et moi, nous avons grandi ensemble. Dans ce pays que tout le monde semble vouloir fuir. Nous ne venons pas d'un foyer riche mais nous avons appris à nous battre pour nous en sortir, nous étions les jumeaux du bout du monde. Les faux jumeaux comme certains aimaient à nous appeler. J'étais un peu plus vif que lui à l'école mais ça ne l'a pas empêché d'obtenir son master en comptabilité finance et d'enseigner pendant plus de 10 ans. 10 ans pendant lesquelles il était parmi les plus jeunes du staff de toutes les écoles dans lesquelles il a travaillé et surtout parmi les meilleurs.

Je me rappelle qu'il y a quelques années, quand il songeait à sortir de l'enseignement parce que les débouchés étaient très faibles, je l'ai fortement encouragé à se mettre à son compte en freelance et à développer une expertise. Je l'ai aussi fortement encouragé à déménager et à sortir de ce quartier où il vivait depuis quelques années et où les ambitions ne volent pas très haut. Le combat n'a pas été facile, mais au final il l'a fait. Il a totalement arrêté l'enseignement, a déménagé et s'est mis à son compte en se spécialisant sur Excel. Excel pour la comptabilité.

Les débuts furent difficiles mais son esprit de combativité ne l'a jamais quitté. En quelques mois, il est devenu extrêmement bon à son craft. Se formant au passage à maîtriser les différents outils technologiques qui lui permettraient de mieux faire connaître son travail. De fil en aiguille, il est passé d'Excel à Power BI et s'est spécialisé sur la conception des tableaux de bord. Aujourd'hui, il fait partie des meilleurs dans ce domaine dans le pays. Même si beaucoup ne le savent pas encore.

Avec rigueur et discipline, il a continué de travailler. Mettant sur pied des formations en ligne, et amassant des clients aux quatre coins du monde francophone. Avec pour objectif ultime d'ouvrir son propre cabinet d'ici l'année prochaine. Tout ce travail a culminé avec ce voyage à Lomé cet après-midi où il va pour quelques semaines aider un industriel local vivant en France, à mettre sur pied les procédures administratives et managériales pour sa future usine. Un voyage tout frais payé par le client et une enveloppe au bout du compte qui sera supérieure à ce qu'il aurait touché à l'époque pendant 5 ans d'enseignement. 5 ans !

Pourquoi tout ceci est extrêmement symbolique pour moi ? Hormis le fait que ce soit mon frère et que j'ai beaucoup contribué à le pousser dans cette direction.

Dans un pays où des jeunes volent de l'argent ou économisent pendant des années pour payer un réseau et s'enfuir au Canada ou je ne sais où d'autre en Occident. Voici un Camerounais qui après quelques années de travail réussit à se faire payer son voyage pour aller gagner la même somme ailleurs pour la ramener au pays. Dans un pays où nous importons tout ou presque, Lysther vient d'exporter le savoir-faire camerounais. Un savoir-faire qu'il a accumulé pour la plupart sur internet. Il est la preuve vivante que nous pouvons faire des choses extraordinaires en partant de rien, en partant de notre pays. Son billet d'avion Douala-Lomé a coûté plus de 1000€ à son client. Beaucoup plus cher que mes billets Douala-Genève. La preuve que sa valeur est bien au-delà de ce que lui-même imagine.

Aujourd'hui c'est Lomé. Mais je sais que demain ce sera le reste du monde. J'étais là au début. Je connais la courbe sur laquelle il est assis et je peux te dire qu'elle est juste impressionnante. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne soit invité par les entreprises les plus puissantes du monde, en business class et logé dans des palaces afin de leur partager une partie de son expertise. Et tout ça ayant été possible avec la connexion du pays et la quantité de courant qu'Eneo veut bien nous donner. C'est exactement comme ça que la Chine a commencé pour se retrouver sur le toit du monde quelques années plus tard.

Avec son niveau d'expertise, il aurait pu déjà faire son dossier du Canada comme c'est à la mode de nos jours. Et aller être un esclave chez les autres. Au lieu de ça, il a préféré être un patron ici et construire quelque chose de solide. Et comme il me dit souvent : "Ronel, actuellement pour qu'une entreprise me recrute à temps plein, il faudra qu'elle me donne au moins 6 millions mensuels de salaire. Sinon, je continue mon combat."

Merci pour ton exemple frangin. Je sais que toi-même tu ne l'aurais pas partagé avec les autres. Mais nous avons un devoir de montrer la voie à nos jeunes frères. Et tu le fais avec brio.

Bon séjour chez les éperviers M. L'expert Power BI. Bon séjour dans la belle famille !


Douala 🇨🇲 

Un jeune homme que je découvre : Hiram Samuel Iyodi

Ce matin, nous étions à une séance de travail organisée par le MP3, un jeune parti politique dont le candidat déclaré à l’élection présidentielle est Hiram Samuel Iyodi. La séance de travail rassemblait les différentes organisations qui ont décidé de créer chacune une plateforme pour les prochaines élections au Cameroun.

Nous avons été conviés, Georges et moi, suite au travail que nous avons effectué avec la plateforme elections237.com qui recense les centres d’inscription sur les listes électorales. Une initiative de la communauté Panjap à laquelle tu refuses toujours d’adhérer. Car même toi, qui nous connais, qui me connais, tu attends que notre travail soit reconnu par les autres, qu’on passe à la télé avant de nous suivre dans cette belle aventure. Bref…

J’ai appris beaucoup de choses lors de cette réunion qui a duré plusieurs heures. Je pourrais te rédiger plusieurs textes pour t’en parler, mais aujourd’hui, j’aimerais surtout te parler d’un homme que j’ai côtoyé. Pas de trop près, mais d’assez près pour voir quelques détails que j’ai aimés. Il s’agit du candidat Hiram.

Je ne vais pas te mentir : quand j’ai vu sa candidature il y a quelques semaines, j’ai d’abord un peu souri. Je me demandais s’il pensait vraiment avoir les chances de gagner cette élection. Je savais qu’il avait été, je crois, le directeur de campagne du candidat Akere Muna à la précédente élection il y a 7 ans. Mais je me suis dit : qu’est-ce qu’il a bien pu faire pour ce pays jusqu’ici pour prétendre le diriger ? Parce que dans mon paradigme, avant de prétendre diriger le pays, il faut avoir fait ses preuves dans la société civile, quand tu n’y avais rien à gagner et tout à perdre. Raison pour laquelle j’ai énormément de suspicion pour tous ces candidats qu’on ne voit apparaître que le jour des élections. J’ai d’ailleurs imaginé dans un précédent texte (Vers un nouveau système électoral : et si c’était possible ?) un système qui nous permettrait d’élire un président en respectant ce paradigme.

De plus, quand j’ai appris qu’il faisait sa tournée dans la diaspora pour présenter sa candidature et chercher des soutiens, ça a fini de me décourager sur son cas. Je continue de penser que c’est une erreur monumentale pour tous ces candidats d’essayer même de s’adresser à la diaspora avant les élections. Nous sommes 30 millions ici et ça ne nous laisse pas. Je pense que chaque candidat devrait se concentrer à 100% sur les populations internes et laisser la diaspora venir à elle, et non le contraire. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis expressément interdit de l’intercepter il y a quelques semaines à Mboa Paris alors qu’il est passé plusieurs fois devant le stand Panjap que je tenais. Et pourtant, nous sommes amis sur Facebook depuis une dizaine d’années déjà.

Aujourd’hui, j’ai découvert un autre homme. Un jeune homme qui a sûrement un amour profond pour son pays. Un jeune qui est engagé depuis bien longtemps. Il m’a d’ailleurs offert et dédicacé son livre “Mes rêves de jeune… Le Cameroun pour les 50 prochaines années”, qu’il a écrit à seulement 23 ans, il y a plus de 15 ans déjà. J’ai rencontré un homme qui semble assez humble et ouvert au dialogue. Quelqu’un qui ne se prend pas la tête et qui, je pense, aimerait voir son pays enfin sortir de ce bourbier infernal dans lequel il est plongé depuis des années. J’ai vu en Hiram quelqu’un qui est prêt au consensus, qui sait écouter, rassembler et faire la part des choses.

Je n’ai pas passé assez de temps avec lui pour faire une analyse complète, mais j’ai assez aimé ma première impression. Je trouverai certainement quelques défauts et points de mésentente si je creuse un peu, mais avec ce que j’ai pu observer, je suis ravi de pouvoir le mettre dans ma liste d’intention de vote.
J’espère qu’il fera une belle campagne et qu’il saura réveiller le sens du devoir dans cette jeunesse qui est de plus en plus en manque de repère.

Et s’il y a bien un conseil que je lui aurais donné, c’est de prendre les prochains jours pour travailler sur son tour de taille. Comme l’a dit un jour un grand patron qu’il a d’ailleurs cité dans son livre : “Je ne peux pas faire confiance à quelqu’un qui a le gros ventre.” Je me suis mordu la lèvre pour ne pas lui faire la remarque aujourd’hui, mais bon, pas moyen de me mordre les doigts pour ne pas l’écrire ce soir. J’espère qu’il ne le prendra pas mal s’il lit mon texte. Et de toute façon, la façon avec laquelle il le prendra nous en dira encore un peu plus sur lui.

L’aventure Panjap ne fait que commencer. Pour l’instant, nous ne sommes qu’une dizaine de membres dans la communauté. Je ne sais pas ce que tu attends pour nous rejoindre et faire partie des 100 membres fondateurs. Es-tu vraiment à 49€ (si tu es de la diaspora) ou à 19.000 FCFA (si tu es du pays) près ? Nous avons tout un tas de choses à faire pour notre pays. Tu n’as vraiment pas envie de faire partie de ceux qui vont contribuer à lui donner un nouveau visage ? Ou bien, tu fais partie de toutes ces personnes qui parlent beaucoup mais agissent peu ?


Douala 🇨🇲 

Sur nos routes, le vrai visage de notre société

Ce week-end, j’étais au volant sur la route de l’Ouest. Et ce que j’ai vu sur cette route m’a confirmé une fois de plus que notre problème au Cameroun n’est pas le gouvernement ou le système, mais nous.

Certains me diront que c’est le gouvernement qui nous a transformés de la sorte, vu que nous sommes de grands enfants et que la faute doit toujours revenir à un autre. Et à ça, je réponds que c’est beaucoup trop facile. Si on commence sur ce chemin, bientôt plus personne n’assumera les conséquences de ses actes. Chacun pointant du doigt un bouc émissaire à chaque fois.

Nous nous plaignons de l’état des routes, des morts sur les routes, mais nous avons des conduites totalement irresponsables :

  • Des automobilistes qui doublent en deuxième position
  • Des chauffards qui entament des dépassements en plein virage
  • Des gars qui, parce qu’ils sont dans une grosse cylindrée, se croient tout permis

Et non, ce ne sont pas des membres du gouvernement. Ce sont des pères et mères de famille qui nous bassinent les oreilles à longueur de journée avec les méfaits du gouvernement. Qui envoient leurs enfants étudier et quémander des passeports en Occident. Mais une fois au volant de leur Prado, se comportent comme de vrais tyrans. Ce sont des mbenguistes qui, en Occident, ne peuvent pas se permettre le moindre écart, et qui ici, violent toutes les règles du code de la route à souhait.

Quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous avons toujours la possibilité de faire quelque chose de bien à notre niveau. L’occasion nous est donnée à chaque interaction avec la société :

  • de montrer ce que nous valons
  • de donner un aperçu du monde que nous voudrions voir émerger

Mais quand je vois ce que nous montrons tous les jours — que ce soit sur nos routes ou ailleurs — je me demande si nous allons jamais pouvoir nous sortir de ce merdier dans lequel nous sommes embourbés.


Douala 🇨🇲 

Entitled : ce mot qui résume notre plus grand mal

C’est vrai que j’avais prévu de te parler de nos comportements sur les routes et de ce que ça dit de nous. Mais j’ai eu quelques conversations aujourd’hui qui m’ont un peu irrité.

Je ne sais pas si cette situation est due à notre contact avec le monde extérieur (Occident, Arabes…) et tous les concepts et religions qu’ils ont importés chez nous. Mais je constate que nous, les Africains, sommes de grands enfants. De grands enfants irresponsables et terriblement entitled.

Entitled est un mot anglais qui n’a pas vraiment d’équivalent en français, mais qui signifie littéralement “avoir droit à”. Nous pensons que tout nous est dû. Que les autres doivent faire les choses à notre place. Du coup, nous ne faisons rien pour nous sortir de la merde dans laquelle nous sommes.

Nous sommes tellement entitled qu’on n’hésite pas à traverser la Méditerranée dans des embarcations de fortune pour aller réclamer des nationalités occidentales que nous croyons mériter par défaut.

Notre niveau d’entitlement est si profond que je me demande si nous pourrons vraiment nous sortir de notre misère un jour.

La plupart des pays du monde, pour se développer, ont dû faire des sacrifices. Travailler dur pendant de très longues heures pour des salaires de misère. Mais nous ? Non. Non seulement nous ne savons rien faire, ne sommes pas capables de travailler dur,
mais en plus nous voulons les salaires des pays développés.

Et si nous ne les avons pas, nous volons nos proches, mentons à tout le monde, pour nous retrouver dans ces pays dits développés. Et quand on constate que les choses ne se sont pas améliorées depuis notre départ, on accuse ceux qui sont restés, censés faire le boulot à notre place. En oubliant qu’ils sont exactement comme nous. Des enfants pourris gâtés. Des princes d’empires de pacotille.


Douala 🇨🇲 

Le texte d’aujourd’hui a failli ne jamais voir le jour

23h28 et je suis assis chez Lysther pour faire ce texte. Après avoir conduit tout l’après-midi de Balengou à Douala. En passant par les embouteillages infernaux de Bonabéri que tu dois certainement connaître si tu as déjà fait le trajet retour vers Douala en provenance de la N3. Et après avoir déposé tout le monde, comme à mon habitude.

À un moment, j’ai menacé les passagers de la voiture de m’arrêter pour écrire mon texte avant de continuer si une certaine heure nous trouvait encore dans les embouteillages. Tout le monde a sorti les gros yeux. “Ronel, c’est le texte de quoi qui ne peut pas attendre demain ?”, j’entendais depuis la banquette arrière. Mais toi et moi connaissons l’importance de publier ce texte chaque jour.

Je serais arrivé un peu plus tôt (quoique je ne suis pas encore arrivé), je t’aurais fait un long texte sur le constat que j’ai fait sur la route aujourd’hui — de la part des usagers — et le parallèle avec une population qui passe son temps à se plaindre du gouvernement ou d’un système qui ne fonctionne pas. Mais là, j’ai dû m’arrêter chez Lysther pour écrire. De peur de ne pas pouvoir arriver chez moi à temps.

À demain pour parler de nos comportements sur les routes.


Douala 🇨🇲 

Et si ta lâcheté coûtait plus cher que tu ne penses ?

Il y a quelques jours, j’avais une conversation avec Madelle. Nous parlions des proportions. Nous avons tendance à penser que pour obtenir une certaine quantité de résultats, nous avons forcément besoin de la même quantité d’efforts. Certainement un biais hérité de la loi de Lavoisier qui stipule que “rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”.

C’est sans compter sur l’effet de levier. Comme disait Archimède il y a déjà plus de 2000 ans : “Donnez-moi un point d’appui et un levier, et je soulèverai le monde.”
Nous n’avons pas besoin, pour changer les choses ou faire évoluer un système, d’un nombre impressionnant de personnes. Nous avons juste besoin d’utiliser intelligemment la puissance de l’effet de levier. Un peu comme le fait justement Madelle avec ses clients qui veulent devenir propriétaires en Allemagne : des clients qui utilisent la puissance de leur salaire pour obtenir un crédit immobilier sur un appartement... dont le locataire paiera les traites.

Cet effet de levier, on peut aussi l’observer dans la loi de Pareto, où 80 % des résultats proviennent de 20 % des efforts.

La science est universelle. Tout comme la nature humaine. Un peuple n’est pas fondamentalement plus stupide qu’un autre. Il n’abrite pas plus d’insensés qu’un autre. Nous avons à peu près tous les mêmes proportions.

Alors pourquoi l’Afrique semble-t-elle faire du surplace quand d’autres peuples réalisent des merveilles chaque jour ? Je pense que cela vient d’une mauvaise connaissance des principes. Nous avons en Afrique le nombre de personnes nécessaires pour nous faire décoller. Mais ces personnes ne sont pas forcément au même endroit. Et beaucoup désertent leur mission, convaincues qu’elles sont seules. Qu’elles ne peuvent pas faire grand-chose toutes seules. Cependant l’effet de levier est assez particulier. Avec le bon point d’appui et un bâton de deux mètres, tu peux soulever un tracteur. Mais si ce bâton est raccourci de seulement 10 cm, tu ne pourras peut-être même plus soulever une moto.

Pour nous sortir de la misère, nous devons atteindre ce nombre critique de personnes travaillant sérieusement sur le problème. Nous n’avons pas besoin de tout le monde. Mais sans ce minimum vital, nous n’y arriverons pas. Et l’une des missions que je me suis données, c’est de rassembler ce nombre critique.

Tu fais certainement partie de ces personnes, si tu as un certain niveau d’éducation et d’ouverture d’esprit. Tu te dis peut-être que ta contribution ne changerait rien à notre sort. Mais je peux t’assurer que le fait de ne pas t’engager nous fait plus de mal qu’autre chose.

Si l’Afrique en est là aujourd’hui, c’est en grande partie parce que les personnes comme toi — les personnes éduquées, qui pourraient l’aider à se relever — ont abandonné leur poste.

Nous avons beaucoup de problèmes, beaucoup d’obstacles qui rendent la tâche un peu plus difficile, certes. Mais ces obstacles, tous les autres peuples les ont connus, d’une manière ou d’une autre. Ça fait partie du deal.

Si nous en sommes là, ce n’est pas la faute des autres (suis mon regard), ce n’est pas la faute du gouvernement, du président ou du système. C’est de notre faute à toi et moi, qui sommes le levier de notre continent, mais avons préféré fuir nos responsabilités.


Njombé 🇨🇲 

Et si on arrêtait de pleurnicher ?

C’est la faute du gouvernement. C’est la faute du système. Ce sont les excuses que j’entends à longueur de journée de la part des Africains. Pourquoi est-ce qu’ils fuient leur chez-eux ? Pourquoi ne travaillent-ils pas à développer leurs territoires ? C’est toujours la faute de quelqu’un d’autre. Et de préférence, quelque chose sans visage, donc impossible à affronter directement.

C’est à croire que tous ceux qui ont réussi à obtenir ce que nous n’arrivons pas à avoir n’ont jamais rencontré d’obstacles sur leur parcours. Nous ne réalisons même pas qu’à chaque fois que nous sortons une excuse pour justifier notre médiocrité, nous sommes en train de dénigrer ceux qui ont réussi là où nous échouons. Nous insinuons qu’ils n’ont pas eu à affronter les difficultés que nous rencontrons. Et c’est pour ça que nous serions “encore là”.

Comme je le disais encore à un tonton ce soir :Nous sommes des grands capricieux. Non seulement nous ne sommes pas capables de réfléchir ni de travailler pour sortir de notre misère… Mais on n’a même pas la décence de la fermer comme les vrais paresseux que nous sommes.

Il faut encore qu’on se plaigne, comme des enfants. Comme s’il existait un seul peuple au monde qui s’est développé sans douleur, sans combat, sans sacrifice.

Shame on us.


Douala 🇨🇲 

Le confort occidental rend-il idiot ?

Tu vas certainement dire que j’exagère un peu. Moi qui commente très rarement l’actualité. Mais il faut bien que j’en parle maintenant, parce que c’est en ligne directe avec la thématique que j’essaie de développer depuis des années : celle selon laquelle il est temps que les Africains prennent leurs destins en main. L’actualité brûlante (littéralement) me donne juste assez d’exemples.

Il y a quelques semaines, mon pote Raoul a fait un post en statut qui m’a fait sourire, mais qui est tellement vrai… Si vrai que je doute que lui-même se rende compte de la portée de ce constat. Il disait que les Noirs avaient fui l’Afrique pour devenir des hommes fragiles en Occident.

Si tu suis l’actualité, tu as dû apprendre que l’Iran, après l’attaque d’Israël, a balancé des missiles balistiques sur Jérusalem et Tel-Aviv. Des villes situées à plus de 1800 km de Téhéran, la capitale iranienne. 1800 km ! Touchant ainsi le territoire d’un pays considéré comme l’une des plus grandes puissances militaires mondiales. Sous l’aile de la toute-puissante États-Unis d’Amérique.

Mais ce que tu ne sais peut-être pas, c’est que pour frapper Israël, ces missiles ont dû déjouer un arsenal de systèmes anti-missiles fournis par plusieurs pays alliés, y compris le fameux Dôme de fer israélien, réputé inviolable. Et ce que tu ignores sûrement, c’est que ces missiles ont été conçus et fabriqués en Iran, par des scientifiques iraniens, dans un pays qui vit sous embargo économique depuis plus de 50 ans.

50 ans ! 50 ans qu’ils sont obligés de faire preuve d’ingéniosité pour vendre leur pétrole, acheter le minimum vital, et malgré tout développer des technologies avancées, capables de produire des armes redoutables – voire, peut-être, la bombe nucléaire.

Comme disait Platon : “La Nécessité est la mère de l’invention.”

Quand je discute souvent avec les Noirs devenus faibles en Occident, et que je leur dis qu’il faut que nous retournions développer notre continent, la plupart me demandent : “Mais qu’est-ce qu’on peut faire là-bas ?” Et je t’avoue… je ne sais même pas comment répondre à cette question. Parce que je me demande surtout ce qu’il n’y a PAS à faire là-bas.

Il faudra peut-être rentrer, mettre les pieds sur notre propre sol, et se rendre compte qu’il y a tout à faire. Tout.

Je vois beaucoup de gars de la diaspora, qui parce qu’ils bossent dans une boîte en Occident, remplissent des fichiers Excel, font des réunions Zoom ou écrivent trois lignes de code, pensent être importants. Mais non, je suis désolé. Nous ne sommes que des pions remplaçables, dans un système conçu par d'autres. Par des gens intelligents.

Être intelligent, c’est tenir tête aux services secrets les plus puissants du monde.
C’est subir un embargo violent, être exclu du système monétaire international, et malgré tout, former des scientifiques, des ingénieurs, des stratèges. C’est développer son pays et affronter les plus grandes puissances militaires de la planète.

Mais pour ça, il faut sortir de sa zone de confort. Il faut refuser le biberon avec lequel les autres nous bercent. Et enfin, se mettre à réfléchir.

Au lieu de ça, on continue de quémander des passeports, de profiter de leurs systèmes sociaux, et de raconter à qui veut l’entendre qu’on a fui chez nous à cause du gouvernement.

Pathétique!


Douala 🇨🇲 

Et si demain le monde basculait ?

Ça chauffe au Moyen-Orient. En réalité, ça chauffe depuis plusieurs mois déjà. C’est juste que la semaine passée, nous sommes entrés dans une nouvelle phase. Une phase qui pourrait très vite dégénérer. Parce qu’en réalité, beaucoup trop de choses sont en jeu, beaucoup trop de parties peuvent être impliquées, et surtout, le niveau d’armement des uns et des autres (impliqués ou pas pour l’instant) est à un record historique.

Il suffirait de pas grand-chose pour que cette année ne se termine pas comme elle a commencé, et que les prochaines années soient totalement différentes de tout ce que nous avons connu jusqu’ici.

Mais moi, dans tout ça, je me pose quelques questions.

N’est-il pas temps pour nous, Africains, de comprendre que chacun doit pouvoir prendre son destin en main sur cette Terre ?
N’est-il pas temps de miser tout sur l’éducation de notre jeunesse et la protection de notre territoire ?
Est-ce qu’on sera capables d’empêcher un quelconque envahisseur de venir nous foutre hors de notre propre continent, s’ils finissent par détruire les leurs à coups de bombes et de missiles ?

L’Occident, qui pour nous était un paradis et pour lequel nous étions prêts à sacrifier notre vie pour le rejoindre, est-il encore si sûr que ça ?
Et je me demande : combien de nos enfants d’Afrique vont se retrouver en première ligne d’une guerre qui ne les concerne en rien ? Juste parce qu’ils ont voulu quémander un passeport quelque part, et se sont retrouvés dans une armée occidentale, loin de leurs terres natales…

J’espère que, comme moi, toi aussi tu te poses des questions. Peut-être pas les mêmes. Mais des questions qui te pousseront à reconsidérer ta vision du monde, et la place que tu y tiens.


Genève 🇨🇭 

Raoul, ce frère qu’on aimerait tous avoir

Je fais ce texte avec les yeux qui piquent encore. La nuit a été très courte. J’ai reçu la visite de mon pote Raoul, et nous avons discuté toute la nuit. On n’a pas vu le temps passer.

Comme moi, Raoul a décidé d’écrire tous les jours. Et même s’il n’est pas engagé dans le même combat que moi, ses textes sont toujours très pertinents. Et je ne te parle même pas de la qualité de sa plume. Je te laisse juste aller t’abonner à sa chaîne WhatsApp pour constater par toi-même.

Comme d’habitude, nous avons parlé de la vie des gars en mbeng. Comment on a fait pour se retrouver là ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour s’en sortir ? Comment contribuer au développement du pays ? Mais surtout, nous avons parlé d’éducation. Comment élever nos enfants ? Comment organiser nos communautés pour tirer notre épingle du jeu ?

Ce que j’aime chez Raoul, c’est qu’il n’est pas dans les commentaires du bar comme la plupart des gars avec qui tu vas discuter. Il va t’écouter religieusement. Quand tu dis quelque chose qui lui semble improbable, il va exprimer un doute, mais à la prochaine discussion, il aura fait ses devoirs — et peut-être même aura plus d’éléments que toi sur le sujet.

Mais ce qui est encore plus fascinant chez lui, c’est qu’il est un puits d’anecdotes. Il peut te raconter un millier d’histoires différentes : des anecdotes sur lui, ou des histoires vraies que d’autres lui ont confiées. Toutes aussi intéressantes les unes que les autres. J’ai hâte qu’il mette tout ça dans un bouquin (ou une série de bouquins) un jour. On va se régaler.

Mais si je te parle de lui aujourd’hui, c’est parce que c’est le genre de personnes que nous devrions tous aspirer à devenir. Au moins dans nos conversations avec nos proches. Des personnes avec qui on apprend toujours quelque chose. Et parfois quelque chose qu’on n’aurait peut-être jamais appris ailleurs.

Hier encore (ce n’était pas la première fois), il m’a parlé de l’économiste afro-américain Thomas Sowell et de ses travaux sur les minorités. Il m’a surtout raconté une histoire exceptionnelle qu’il a apprise de ce dernier sur la diaspora allemande dans le monde. J’étais pantois. Et j’avoue qu’à son départ, je suis allé demander à ChatGPT de me raconter ça plus en détail.

Je pourrais te faire un très beau texte sur cette histoire de diaspora allemande et le parallèle avec ce que nous pouvons faire en termes de valeurs sociétales pour nous élever en tant que Noirs dans ce monde de fous. Mais je laisse à Raoul le soin de le faire. Son texte sur le sujet sera certainement plus pertinent que le mien. Et contrairement au mien où je vais sûrement te tacler en passant, le sien sera d’une bienveillance comme on n’en voit plus que dans les couvents. Abonne-toi à sa chaîne pour ne pas le manquer, si ce n’est pas déjà fait.

Dans ce combat pour La Cause Noire, personne ne pourra tout faire seul. Même pas moi. Nous aurons besoin que chacun défriche une partie du terrain et partage ses trouvailles avec les autres, pour pouvoir nous élever. Nous aurons besoin d’être assez courageux pour demander à l’autre ce qu’il pense, et de l’analyser sans y mettre les émotions. Mais surtout, nous aurons besoin de travailler ensemble à l’éducation de nos enfants, et de veiller à ce qu’ils ne soient pas en train de jouer à un jeu dans lequel les probabilités sont contre eux.

Merci pour ce moment chaud père!


Barberaz 🇫🇷