Rêver du futur, ignorer le présent

Quand je vais parler, tu vas encore dire que je mange trop les gâteaux beurre chocolat. Aujourd’hui, je suis allé chercher ma dose. Et devine quoi ? Le beurre était fini. Un seau de 10L. Fini. Comme pour le chocolat, ils ne l’ont pas vu venir.

Ça va peut-être te faire rire, mais c’est exactement l’état dans lequel le pays se trouve actuellement. Un niveau de médiocrité qui ne dit pas son nom.

Et chaque semaine, je discute avec des mbenguistes qui me disent qu’ils vont bientôt rentrer s’installer au pays ou qui y achètent des terrains. Où ils pensent qu’ils vont rentrer dans 10, 20 ans travailler avec qui oh ? Pendant que c’est en train de pourrir, ils ne voient pas. Ils calculent seulement comment ils vont venir récolter dans quelques années.

Bref, nous sommes là. Qui vivra verra, comme on dit souvent.


Douala 🇨🇲 

Quand les contradictions blessent : entre dire et faire, le fossé s’élargit

Je sens que ça va finir en bagarre un jour entre moi et les gens de la diaspora. Depuis quelques jours, je vois circuler en statut une image avec le texte suivant : “Ça fait mal quand une personne dit qu’elle tient à vous mais que ses actes démontrent complètement le contraire.”

Et ils sont là, attendant qu’on plaigne leur sort. Mais ce n’est pas vous qui criez sur tous les toits que vous êtes fiers d’être Camerounais ? Ce n’est pas vous qui nous submergez de posts et de vidéos les jours de matchs des Lions Indomptables ? Ce n’est pas vous qui, lors de vos entretiens pour obtenir un visa, juriez que vous reviendrez développer le pays après vos études ?

Vous voulez vraiment qu’on vous rappelle à quel point vos actes sont en totale contradiction avec ce que vous dites ? Vous voulez qu’on vous rappelle que, tout en affirmant aimer le Cameroun, vous préférez soigner les Français ? Qu’au lieu de contribuer à résoudre nos nombreux problèmes, vous êtes partis, laissant derrière vous un énorme vide en ressources humaines ? Vous voulez qu’on vous rappelle que pendant que les citoyens d’autres pays travaillent dur pour bâtir leurs nations, vous revenez ici construire des meublés pour que vos amis aient un endroit où dormir quand ils fuient le froid ?

Méfiez-vous de nous hein. Ce n’est pas parce qu’on vous laisse faire que vous pouvez dire et faire n’importe quoi devant nos yeux. Si ça vous fait mal qu’une personne vous dise qu’elle tient à vous mais que ses actes montrent le contraire, imaginez ce que nous ressentons ici. Ou bien votre intelligence n’a toujours pas fait le voyage jusqu’à là-bas ?


Douala 🇨🇲 

Intelligence camerounaise : entre mythe et réalité

J’aime souvent dire autour de moi que nous ne sommes pas intelligents. Et chaque fois, il y a quelqu’un pour me rappeler que les Camerounais brillent partout dans le monde. Qu’il y a des Camerounais à la NASA, d’autres occupant de grands postes dans d’autres pays. Franchement, j’en ai marre de ce discours.

C’est vrai, on trouve des Camerounais partout dans le monde, occupant des postes respectables dans divers secteurs. Mais est-ce vraiment ce qui fait de nous des personnes intelligentes ? J’en doute fort.

Un esclave bien formé à récolter la canne à sucre peut devenir le meilleur dans son domaine en suivant les instructions de son maître. Mais si ce champ appartient toujours au maître, si la stratégie de production et de distribution est décidée par le maître, et que cet esclave continue de travailler pour le maître, je ne vois pas en quoi il serait intelligent. Il peut être un excellent exécutant, peut-être, mais certainement pas une personne véritablement intelligente.

À chaque discussion sur le sujet, on me sort toujours l’argument du "système" qui tuerait le génie au pays. Une autre preuve, selon moi, de notre réflexion limitée. Être intelligent, c’est justement trouver des idées qui te permettent de t’exprimer malgré les obstacles. Traverser ces obstacles, c’est ce qui prouve ton intelligence. Si tu dois les contourner ou fuir, c’est simplement un aveu de faiblesse.

Tu ne peux pas prétendre être excellent en mathématiques si, face à chaque problème difficile, tu préfères résoudre un exercice de chimie ou de littérature. Cela prouverait peut-être ton talent dans ces matières, mais certainement pas en mathématiques. Et c’est exactement ce que nous faisons.

Nous sommes peut-être d’excellents exécutants, mais pas nécessairement des personnes intelligentes. Il suffit de regarder le faible taux d’idées que nous produisons, que ce soit au pays ou à l’étranger, malgré ces "brillants Camerounais" de la diaspora. Pourtant, ce ne sont pas les problèmes auxquels apporter des solutions qui manquent.

Des Camerounais véritablement intelligents ou brillants, je n’en ai pas rencontré beaucoup dans ma vie. Et pourtant, j’en ai parcouru des pays. Alors de grâce, arrêtons de crier sur tous les toits que nous le sommes et mettons-nous véritablement au travail. C’est face à nos propres défis que notre intelligence sera jugée, pas en comparant qui a la plus belle maison au Canada.


Douala 🇨🇲 

Quand les services traiteurs remplacent les liens familiaux

Je me rappelle quand j’étais plus jeune : chaque événement était l’occasion de rassembler les membres de la famille et les amis proches. S’il y avait un mariage, un deuil, un baptême ou tout autre événement nécessitant de cuisiner en grande quantité pour recevoir les invités, les femmes de la famille venaient de partout pour prêter main-forte. Et cela semblait tout à fait naturel.

Avec le temps, j’ai vu de plus en plus de services traiteurs remplacer les mains de toutes ces tantes que je voyais, autrefois, au four et au moulin. Aujourd’hui, il est presque impensable de voir ces mamans s’affairer en cuisine pour un mariage.

Tu me diras peut-être que nous nous sommes modernisés. Mais avons-nous vraiment fait le bon choix ?

À l’époque, nos mariages se ressemblaient tous parce qu’ils étaient organisés collectivement. Aujourd’hui, chacun veut se distinguer avec le plus gros service traiteur possible. Avant, presque toute la famille était invitée, car chaque membre venait contribuer, ne serait-ce qu’en aidant à la cuisine. Aujourd’hui, on limite souvent les invitations aux plus aisés. Après tout, que peuvent bien apporter ceux qui ont peu de moyens ?

Autrefois, les différends familiaux avaient peu de chance de perdurer, car tôt ou tard, on se retrouvait tous à cuisiner ensemble pour un mariage ou des funérailles. Aujourd’hui, ces occasions de rapprochement sont de moins en moins fréquentes.

C’est vrai que chaque génération pense être plus intelligente que la précédente. Mais je me demande de plus en plus si nous n’avons pas fait un bond en arrière. En courant après l’argent et une soi-disant modernité que nous ne maîtrisons pas, nous sommes en train de détruire le tissu social que nos ancêtres avaient mis des siècles à bâtir.

Je t’ai pris l’exemple des cérémonies, mais en y regardant de plus près, on se rend compte que le problème est bien plus profond. À force de vouloir ressembler aux autres, nous nous perdons peu à peu.


Douala 🇨🇲 

Accepter et réussir le défi de sa naissance

La semaine passée, j’ai eu une discussion avec Flavien sur la mission que nous nous sommes donnée pour le Cameroun. Il me rappelait que notre objectif n’était pas d’essayer mais de réussir. On n’est pas récompensé parce qu’on a essayé, mais parce qu’on a réussi.

Aujourd’hui, je discutais avec un de mes frères, Lysther. Il me sortait le sempiternel argument du pays qui met les bâtons dans les roues et de tous ces Camerounais qui brillent à l’étranger. Je lui rappelais que pour moi, il n’y avait pas de Camerounais brillants à l’étranger. Nous avons été mis dans un environnement précis, avec ses avantages et ses inconvénients. Aller jouer à un autre jeu, dans un autre environnement, ne fait pas de toi quelqu’un de brillant. Au contraire, c’est juste un aveu de faiblesse.

On ne sera pas récompensé parce que nous avons essayé, ou même parce que nous avons réussi à un autre jeu. Mais parce que nous aurons accepté le jeu qui nous a été assigné à notre naissance et que nous l’aurons réussi avec brio, malgré tous les obstacles qu’il comporte.


Douala 🇨🇲 

Gérer son énergie, la clé pour rester productif

Une autre chose dont je me rends compte cette année est que la gestion de l’énergie est tout aussi importante que la gestion du temps. Si j’ouvre mon agenda devant toi, tu auras certainement la même réaction que la plupart des gens quand ils le voient : toutes mes journées sont planifiées au moindre détail, avec des protocoles que j’améliore régulièrement.

Malgré tout ça, je tombe souvent du wagon, et me relever est plus difficile à chaque fois. Je me rends compte avec le temps que le problème n’est pas seulement de bien organiser son agenda en planifiant à l’avance toutes les activités. Il faut aussi s’assurer d’avoir un équilibre entre les activités : celles qui te pompent toute ton énergie et celles qui te la redonnent.

Nous sommes souvent tentés de remplir nos journées d’activités que nous pensons productives, mais qui, en réalité, sont des vampires d’énergie. Et comme si cela ne suffisait pas, on s’entoure parfois de personnes qui siphonnent le peu d’énergie qu’il nous resterait. Et après ça, on s’étonne de ne pas avancer au rythme qu’on voudrait.

Si toi aussi tu as la sensation de ne pas y arriver malgré tous tes efforts, je te conseille de faire un inventaire des activités qui te donnent ou te prennent de l’énergie. Elles sont différentes pour chacun d’entre nous. Ensuite, assure-toi de bien les répartir tout au long de tes journées, semaines, mois, voire de ton année.

Qui sait, c’est peut-être tout ce qui te manque pour enfin opérer au maximum de ton potentiel.


Douala 🇨🇲 

La dignité avant les opportunités

Dans une discussion hier, on m’a dit : “Ronel, tu ne peux pas toujours tout dénoncer. Surtout quand tu es dans le camp des demandeurs.” Le “tu ne peux pas toujours tout dénoncer,” je l’ai déjà entendu à plusieurs reprises. La nouveauté, c’était “le camp des demandeurs” — le camp de ceux qui ont besoin d’un coup de main, d’un financement, de recevoir un prix, une subvention, etc.

Je suis d’accord qu’il faut souvent faire profil bas et ne dévoiler ses cartes que lorsqu’on a les moyens de sa politique. Mais il ne faut pas oublier que tu n’es pas le seul à connaître cette stratégie. Le camp d’en face le sait aussi. Raison pour laquelle il fera toujours tout ce qui est en son pouvoir pour que tu n’aies jamais les moyens de ta politique.

La meilleure chose à faire, selon moi, est de ne jamais te considérer dans le club des demandeurs. Ce n’est pas parce que j’ai besoin de financement que je vais te laisser me dire n’importe quoi. Ce n’est pas parce que je participe à un concours à grosse récompense que je vais me taire si j’observe une injustice. Ce n’est pas parce que j’espère avoir un poste de ministre que je vais fermer les yeux sur une action du gouvernement que je juge injuste. Peu importe que j’aie raison ou pas, le plus important est de rester intègre et honnête envers moi-même et ma communauté.

Cette attitude me fermera certainement beaucoup de portes d’opportunités dans ma vie, mais adopter l’attitude contraire me fermerait les portes d’un sommeil paisible. Et s’il fallait choisir, je choisirais le sommeil paisible et la paix du cœur, tous les jours de l’année.


Douala 🇨🇲 

Ces petits moments qui donnent tout son sens à rester au pays

Cette semaine, j’ai fait un déplacement à Yaoundé pour une mission qui fera l’objet d’un autre texte. Aujourd’hui, je veux te parler de quelque chose que j’y ai vécu et qui me conforte encore plus dans mon choix de retourner au pays. Ces petites choses que nous ne prenons pas souvent en compte dans nos calculs quand nous décidons d’abandonner le pays. Mais des petites choses qui font toute la différence.

Avec Flavien, nous sommes allés rendre visite à une grande sœur brillante, une cousine à Flavien : le Dr Sandrine Kenne. À peine avions-nous garé la voiture que tous les enfants sortaient de la barrière pour venir nous accueillir, tellement ils avaient hâte de nous voir.

Durant ces derniers mois, Sandrine n’a pas arrêté de parler de nous à ses sept enfants. Elle leur racontait toutes nos aventures d’amélioration continue, leur parlait de l’importance des routines matinales, et nous érigeait en modèles à leurs yeux. Au point où ils étaient impatients de nous rencontrer et discuter avec nous.

Pour toi, c’est peut-être quelque chose de banal, mais pour moi, ça n’a pas de prix. Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est aussi parce que nos parents ont fait ce qu’il fallait pour nous élever et nous inculquer de bonnes valeurs. Ils n’étaient peut-être pas parfaits, mais ils ont fait de leur mieux. Le moins que l’on puisse faire est de continuer le combat. D’être des exemples et des guides pour ceux qui viendront après nous.

Quand on décide de fuir nos responsabilités pour aller s’installer au Canada, en réalité, nous sommes en train de trahir tous ces enfants qui ne demandent qu’à avoir des modèles en nous, afin de pouvoir devenir des adultes dignes de ce nom.


Yaoundé 🇨🇲 

Quand l’Afrique semble appartenir à tout le monde… sauf aux Africains

Être Africain n’est vraiment pas de tout repos !

Hier, je suis tombé par hasard sur un match de football à la télé : un match du championnat ivoirien entre L’Asec Mimosas et Le Stade d’Abidjan. Au début, j’ai ressenti une petite fierté de voir le championnat ivoirien se professionnaliser peu à peu : de plus en plus de supporters dans les stades, des joueurs qui semblent épanouis, une retransmission télévisée… Mais tout cela est vite retombé.

J’ai d’abord cru mal voir, alors je suis resté un peu plus longtemps pour être sûr. Les deux clubs avaient des entraîneurs blancs. Les deux ! Comme si ce n’était pas suffisant d’avoir des coachs étrangers pour nos équipes nationales, voilà qu’on commence même à les recruter pour nos clubs locaux. C’est comme si tout ce qui a un peu de valeur chez nous devait systématiquement revenir aux blancs : les quartiers chics, les meilleurs postes dans les plus grandes entreprises, l’encadrement de nos équipes nationales, etc.

Je sais que ce post peut paraître raciste ou anti-blanc, mais il est aussi de mon devoir de m’inquiéter devant une tendance pareille. Ailleurs dans le monde, les meilleures places sont en grande majorité réservées aux locaux. Nous avons d’ailleurs Donald Trump qui vient d’être élu aux Etats-Unis pour redonner la priorité aux américains chez eux. Mais chez nous, ce n’est pas le cas.

Je suis aussi conscient que les étrangers ont souvent plus d’expertise que nous, mais comment allons-nous monter en compétence si nous ne nous donnons jamais la chance d’apprendre et de progresser ? Et cet argument n’est même pas toujours justifié.

Dans la même journée d’hier, j’ai eu une discussion avec un de nos fournisseurs qui s’apprêtait à se rendre en RDC pour finir l’installation de socles d’écran pour un festival. Un travail qu’il avait lui-même conçu, mais qui avait finalement été confié à un Belge, lequel avait complètement raté le projet. Les organisateurs ont dû rappeler notre fournisseur d’urgence depuis le Cameroun pour rattraper le travail. 

Et en faisant quelques recherches sur les deux entraîneurs français de ces clubs ivoiriens, j’ai découvert que l’un d’eux avait seulement 27 ans, à peine plus âgé que la plupart de ses joueurs.

On dirait vraiment que l’Afrique est un paradis pour tout le monde… sauf pour les Africains. Et nous avons tous notre part de responsabilité là-dedans.


Yaoundé 🇨🇲 

Comment l’exemplarité individuelle peut influencer le comportement collectif

Et si l’enfer, c’était vraiment les autres, comme le disait Jean-Paul Sartre ? D’habitude, à Douala, je me déplace en moto tous les jours, mais depuis la semaine passée, j’ai fait quelques trajets en voiture, derrière le volant, ainsi que deux longs trajets interurbains.

À certains moments, je me suis demandé si c’était bien moi qui étais derrière le volant. Toute ma maîtrise de soi, mes heures de méditation et mon apprentissage du stoïcisme se sont envolés à plusieurs reprises. Je ne parle même pas de ces moments où j’étais plus que tenté de faire preuve d’incivisme, comme la plupart des autres usagers. Des idées qui ne me viendraient jamais à l’esprit en conduisant dans des pays occidentaux.

La preuve que l’environnement joue un rôle très important dans notre comportement. C’est certainement la raison pour laquelle je vois souvent des "mbenguistes" prendre des ronds-points à contre-sens dans la ville de Douala, alors qu’ils n’oseraient jamais faire cela dans leur pays de résidence.

Nous sommes donc tous un peu responsables du comportement des autres. Chaque fois que tu succombes à tes démons et que tu commets un acte d’incivisme – que ce soit au volant, à pied, ou à moto – rappelle-toi que ton geste contribue à tirer les autres vers le bas, les incitant par mimétisme à faire de même. Et aussi improbable que cela puisse paraître, chacun de tes gestes dans le bon sens non seulement te rendra meilleur, mais aura des effets bénéfiques sur les autres.

Pour faire évoluer les choses, tu n’as pas besoin de combattre le système ou de changer les mentalités des autres. Tu as juste besoin d’être le plus exemplaire possible. Si nous en sommes là, c’est parce que peu d’entre nous veulent jouer ce rôle exemplaire, et non à cause du gouvernement, de l’ancienne puissance coloniale, ou de toute autre excuse que nous aimons invoquer.


Yaoundé 🇨🇲