Tu ne combats pas l’obscurité. Tu allumes une lumière

Ce matin, j’ai eu une discussion avec Lionel et il m’a partagé un bout de sagesse qu’il a appris en regardant les vidéos d’Irène Grosjean, la célèbre naturopathe française. Elle disait à propos de la résolution des problèmes :

On ne combat pas l’obscurité, on ramène de la lumière. On ne combat pas la maladie, on ramène de la vitalité.

Cette citation m’a profondément parlé. Elle m’a immédiatement rappelé une autre leçon, tout aussi puissante, du Dr Martin Luther King :

L'obscurité ne peut pas chasser l'obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l'amour le peut.

On passe notre temps à nous plaindre : de nos familles, de nos communautés, de notre pays, de nos vies. Mais combien parmi nous prennent réellement le temps d’apporter une alternative, une solution, une lumière… au lieu de simplement souligner ce qui ne va pas ?

Tu trouves que le système éducatif de ton pays est défaillant ? Il ne sert à rien de le crier sur tous les toits tous les jours. Propose un système meilleur. Et progressivement, il remplacera l’ancien. Ta partenaire n’est pas assez attentionnée ? Au lieu de te plaindre, sois plus attentionné toi-même.

C’est une leçon que la diaspora gagnerait à apprendre. Cette diaspora éduquée dans les plus grandes écoles du monde, mais qui, au lieu de proposer des solutions concrètes, passe son temps à pleurnicher sur internet ou à casser les ambassades. Comme si cela allait changer quoi que ce soit.

Il y a quelques jours, je te disais que je ne croyais pas vraiment au vote en Afrique. C’est aussi parce que l’institution même du vote — ce système qui nous fait croire que notre salut viendra simplement du fait de choisir un homme ou un groupe d’hommes — est selon moi une forme de déresponsabilisation. On ne cherche plus de solutions, on cherche des sauveurs. Et élection après élection, la déception. Mais on recommence. Encore et encore.

Imagine ce que ce serait si chacun des 30 millions de Camerounais décidait d’apporter ne serait-ce qu’un petit éclat de lumière. Une idée, un geste, une solution, une alternative. Imagine l’impact que cela aurait. Plutôt que d’attendre qu’un président, un député, un ministre, ou même Dieu vienne allumer une ampoule au bout de notre tunnel, on pourrait tous sortir une bougie.

Parce qu’au fond, ce n’est pas la lumière qu’on attend. C’est nous qui devons l’apporter.


Douala 🇨🇲 

Le stoïcisme a changé ma vie. Et peut-être qu’il sauvera la tienne

Je t’ai dit hier que je venais de commencer un nouveau programme qui va me conduire jusqu’à mon anniversaire, le 28 mai (note bien la date 😏) norh. Dans ce programme, j’ai quelques livres à lire ou relire. Et le premier sur la liste est un ouvrage d’un de mes auteurs préférés, Ryan Holiday. Le livre s’intitule The Obstacle Is the Way, en français L’obstacle est le chemin.

C’est un livre que j’ai personnellement offert à plusieurs personnes et recommandé à des dizaines d’autres. Une magnifique introduction au stoïcisme, cette philosophie que j’ai découverte il y a quelques années… et que j’ai adoptée d’un coup. Une philosophie partagée par certaines des personnes les plus brillantes de l’histoire : de Marc Aurèle, l’empereur philosophe, à Steve Jobs, le génie de la tech.

Le stoïcisme, c’est une philosophie comme tant d’autres. Une façon de voir la vie. Un peu comme les religions que tu connais, sauf qu’ici il n’y a pas de leader qui veut contrôler les masses pour un agenda que lui seul connaît. Le stoïcisme t’enseigne à être un homme bon, courageux, discipliné et juste. Pas pour espérer une quelconque récompense dans un paradis lointain, mais simplement parce que c’est la bonne chose à faire.

En lisant quelques passages ce matin, une question m’est venue à l’esprit. Une question que je me pose souvent quand je plonge dans les enseignements de cette magnifique philosophie : pourquoi, en venant en Afrique, les colons nous ont apporté la Bible au lieu d’un livre comme “Pensées pour moi-même” de Marc Aurèle ? L’un des livres les plus puissants jamais écrits.

Si, à la place de la Bible, on avait reçu Marc Aurèle, je pense sincèrement que l’esclavage et la colonisation n’auraient pas duré aussi longtemps. Si nos enfants de la diaspora, au lieu de remplir les églises vides d’Occident, lisaient du Sénèque, de l’Épictète ou du Marc Aurèle, ils auraient depuis compris quelle est leur véritable mission, et ce que cela signifie d’être vraiment libre.

Peut-être que ma rencontre avec le stoïcisme a été l’élément déclencheur qui m’a sauvé de la ruine vers laquelle beaucoup d’enfants de la diaspora foncent à toute vitesse. Ou peut-être que j’étais juste prédestiné à me battre pour mon peuple. On ne le saura peut-être jamais. Mais une chose est sûre : on ne lit pas du stoïcisme sans en ressortir transformé.

Je t’invite vraiment à t’y plonger. Et si tu ne sais pas par où commencer, je te recommande The Daily Stoic (en français, Une année avec les Stoïciens), du même Ryan Holiday. Un court chapitre par jour pour méditer sur la sagesse, la persévérance et l’art de vivre. Commence avec la date du jour, lis chaque matin… et avance ainsi jusqu’à la fin. Ça ne te prendra pas plus de 10 minutes par jour, mais crois-moi, ce seront probablement les minutes les mieux investies de ton année.


Douala 🇨🇲 

Et si ton confort était la vraie prison ?

“Réserve-toi un certain nombre de jours pendant lesquels tu te contenteras de la nourriture la plus frugale et la moins chère, d’un vêtement grossier et rude, tout en te disant : ‘Est-ce donc cela que je redoutais ?’ (...) C’est précisément dans les moments d’insouciance que l’âme doit se renforcer à l’avance pour les occasions de plus grande difficulté. Et c’est lorsque la Fortune se montre favorable qu’elle doit se fortifier contre sa violence.”

Si tu as l’impression d’avoir déjà lu ça quelque part, c’est sûrement parce que tu as lu mon texte Fatigué, affamé, mais j’ai quand même écrit ce texte. Le texte dans lequel je te promettais de revenir plus tard te parler des exercices de privation inspirés des stoïciens.

L’occasion est toute trouvée aujourd’hui : je commence un programme spécial de 40 jours qui me mènera à mon anniversaire, le 28 mai (note la date 😏). Ce programme inclut plusieurs exercices de privation volontaire.

Dans le stoïcisme, la discipline est un pilier. Ces exercices d’autodiscipline visent à renforcer la résilience, la liberté (la vraie, la liberté intérieure) et la maîtrise de soi.

En s’exposant volontairement à des situations inconfortables ou à des manques temporaires, on apprend à :

  • préparer son esprit aux coups du sort,
  • distinguer le besoin du superflu,
  • renforcer sa gratitude,
  • briser la dépendance au confort.

On devient plus fort. Plus ancré. Moins dépendant. Plus vivant. Comme disait Épictète : “J’ai couché sur le sol, mangé peu, porté un manteau rugueux. Rien ne m’a tué.”

Quand tu as vécu certaines situations, tu sais que la peur qu’elles inspirent à d’autres n’est souvent qu’un tigre en papier. Et le meilleur moyen de t’en rendre compte, c’est de t’infliger toi-même ces situations. Régulièrement.

Depuis que j’étudie le stoïcisme, je me demande parfois si je ne suis pas né à la mauvaise époque. Car des exercices de privation, j’en ai fait toute ma vie. Et c’est sûrement pour ça que je ne trouve pas que ça demande autant de courage que ça de revenir vivre au pays. Voire même dans son village.

Quand je parle souvent de la diaspora comme inutile et parfois néfaste pour l’Afrique, c’est parce que beaucoup n’ont jamais développé cette auto-discipline. Ils ont troqué leur liberté contre un semblant de confort. Et tant qu’ils ne s’élèvent pas au-dessus de ce confort, même revenus en Afrique, ils ne feront que contribuer à nous enfoncer davantage.

Parmi les exercices de privation recommandés par les stoïciens :

  • dormir par terre ou sur un sol dur,
  • porter des habits simples ou usés pour briser la peur du regard des autres,
  • s’imposer un jeûne,
  • renoncer à certains plaisirs ou habitudes de confort,
  • ou encore se répéter : “ce n’est pas un mal”, à chaque inconfort ressenti.

Tu veux travailler tes muscles ? Va à la salle. Tu veux prendre du poids ? Mange plus. Tu veux devenir plus intelligent ? Lis. Apprends. Tu veux être fort aux fesses ? Prends ton poutoulou. 😄 Mais si tu veux forger ta résilience, ton courage, ta liberté intérieure, commence par te priver volontairement.

Ces vertus essentielles ne s’apprennent ni dans les livres ni à l’université. Elles s’éprouvent. Et les exercices de privation sont ton meilleur entraînement. Ne te limite pas au carême ou aux traditions religieuses. Tu peux te discipliner à tout moment, sur tout ce que tu veux.

J’ai demandé à ChatGPT de me sortir une cinquantaine d’exemples concrets pour t’inspirer. Je te les ai rassemblés dans un document que tu peux télécharger ici 👇

📄 50 exercices de privation – Le guide PDF

Bonne chance sur ce nouveau chemin vers :

  • plus de force mentale,
  • moins de peur de la perte,
  • une plus grande autonomie émotionnelle,
  • et une meilleure appréciation des plaisirs simples de la vie.


Douala 🇨🇲 

Tu es la personne la plus importante de ta vie. Oui, même avant tes enfants.

Il y a une chose que je répète souvent aux gens de mon entourage — et qui, la plupart du temps, les choque. Surtout ceux qui sont déjà parents. Je leur dis : “La personne la plus importante dans ta vie, c’est toi.”

Et comme souvent chez les cordonniers mal chaussés, je me suis rendu compte aujourd’hui que je ne m’appliquais pas vraiment ce conseil. Je le disais à qui voulait l’entendre : que j’étais la personne la plus importante de ma vie. Même avant mes enfants. Mais en réalité, mes actes n’étaient pas du tout en accord avec mes paroles. Je pensais peut-être l’être… mais dans les faits, je faisais passer les besoins de presque tout le monde avant les miens.

Je t’en parle aujourd’hui, parce que je n’aimerais pas que tu commettes la même erreur. Personne ne sera jamais aussi reconnaissant de ce que tu lui donnes que toi-même.

Sois altruiste. Sois généreux. Aide les autres. Mais n’oublie jamais que tu dois rester ta priorité, en tout temps. Parce que la bonne charité — la charité ordonnée — commence par soi-même.


Douala 🇨🇲 

Le vote n’est pas une solution. C’est un message

J’ai beaucoup hésité avant d’écrire ce texte. Et franchement, même maintenant, à 20 heures passées, encore au bureau, je me demande s’il est judicieux de m’y attaquer. Mais bon, c’est comme s’il y avait un mauvais esprit qui ne veut vraiment pas que je le fasse. Donc je m’y colle.

Je voulais te parler des listes électorales. Plus précisément de l’inscription sur les listes électorales. J’ai un peu honte d’en parler maintenant, mais je ne pouvais pas le faire plus tôt… parce que moi-même, je n’étais pas encore inscrit.

J’ai couru après les caravanes mobiles d’inscription pendant des mois, en vain. Un coup on me dit qu’ils sont à Zachman. Quand j’y vais, ils sont déjà partis. Un autre jour, je les vois à l’entrée de l’IUT. Mais comme j’étais pressé par un rendez-vous, je me dis que je vais y aller le lendemain. Et bien sûr, le lendemain… plus rien. Une fois, j’entends qu’ils seront à l’école publique de Ndogbong à une date précise. J’y vais… ils sont déjà partis. Et le fait qu’il y avait un délai limité pour s’inscrire n’a pas arrangé les choses.

Pourquoi je courais après les caravanes mobiles à Ndogbong ? Parce que c’est là-bas que je vis, et c’est là-bas que je voulais voter. Je ne voulais pas me retrouver à traverser la ville le jour du scrutin pour aller faire compter ma voix. Trop de friction. Et sûrement fait exprès pour que seuls les plus motivés aillent voter.

J’en ai parlé à Flavien qui m’a informé qu’il y avait des centres fixes. Et celui de Douala 5e est à Bonamoussadi. Juste sur ma route pour aller au bureau.

La semaine dernière, j’y suis allé et je me suis enfin inscrit. Oui oui, je me sens comme un jeune adulte qui vient d’avoir sa première barbichette. Et en octobre, j’aurai les favoris et la moustache. Je serai un adulte complet.

Tu l’auras compris : c’est la première fois de ma vie que je m’inscris sur les listes électorales. Et ce sera la première fois que je vais voter. À mon vieil âge. Mais bon, mieux vaut tard que jamais.

Puisqu’on en parle, je ne sais vraiment pas encore pour qui je vais voter en octobre.
D’ailleurs, je ne pense pas que tous les candidats se soient encore prononcés. Et pour être honnête, si je devais suivre le système que j’ai imaginé il y a quelques mois, je mettrais Eto’o et Flavien sur ma liste.

Ce sont les deux personnes que je connais qui, selon moi, ont un amour profond pour ce pays et qui se démarquent dans leurs actions. Il en existe sûrement des milliers d’autres, mais je ne les connais pas. Quant aux candidats de la précédente élection, je leur reproche à tous au moins une chose grave, donc difficile de leur redonner ma confiance.

Mais bon, s’il faut choisir entre la peste et le choléra, je ferai mon devoir de citoyen. Je mettrai mon bulletin dans l’urne.

En vérité, même si tu penses que les élections seront truquées, je t’invite quand même à faire ce geste. Parce qu’au-delà du résultat final, ce geste envoie un message :

  • Un message aux candidats.
  • Un message à la nation.
  • Un message au monde entier.
  • Et surtout, un message à toi-même, comme quoi tu es capable d’agir.

Mais je vais être honnête : je ne crois pas vraiment aux élections en Afrique. Parce que j’ai l’impression que beaucoup trop d’entre nous attendent un homme providentiel pour changer leur situation. Beaucoup pensent que les dirigeants sont la source exclusive de nos problèmes, et ne lèvent plus le petit doigt pour faire avancer les choses eux-mêmes.

C’est bien d’avoir un leader. Mais ça n’annule pas ta propre capacité d’agir.

J’aimerais tellement qu’on fasse fi des leaders et qu’on se retrousse les manches, chacun à son niveau. Qu’on avance, qu’on redresse ce pays. Et c’est pour cette raison que je me fous un peu de qui gagnera les prochaines élections. Il sera mon président, c’est ce que je sais. Et je travaillerai avec lui, comme je peux, pour faire avancer la cause de mon pays, le Cameroun.

Parce que ce pays, qu’on le veuille ou non, nous survivra tous. Nous serons tous morts, et le Cameroun existera encore (enfin… s’il n’a pas été entièrement vidé au profit du Canada d’ici là).

Mais pour l’instant, l’heure est aux inscriptions. Si, comme moi, tu galères à trouver les caravanes mobiles, sache qu’il existe un centre permanent dans chaque arrondissement du pays. Et il y a un jeune (je ne connais pas son nom) qui a lancé une association pour t’accompagner dans ce processus. Il suffit d’enregistrer leur numéro : +237 698 36 45 32. Ensuite, tu les cherches sur WhatsApp. Ils ont un compte WhatsApp Business. Dans le catalogue, tu trouveras la liste complète des centres d’inscription permanents, par région.

Et si tu es à l’étranger, avec ton passeport Ndolè encore valide, Google te dira dans quelle ambassade ou consulat t’inscrire.

Rappelle-toi : le plus important, ce n’est pas le gagnant. C’est d’agir. De voter. D’envoyer un message.

PS : Normalement, si nos gars de la diaspora étaient sérieux, l’un d’eux aurait déjà repris cette base de données WhatsApp, créé une base interactive et mis en ligne un mini-site. Un truc simple : tu te géolocalises, ou tu réponds à trois questions (région, département, arrondissement), et on te montre le centre d’inscription le plus proche. Mais bon… ils savent seulement dire qu’ils sont informaticiens avec la bouche.


Douala 🇨🇲 

Nantenin Keïta, ou comment on transforme un diamant africain en trophée français

Le Seigneur est vraiment merveilleux. Enfin, le Seigneur de tous ceux qui sont en semaine sainte actuellement. C’est comme s’il avait décidé cette semaine d’utiliser l’humble serviteur que je suis pour te rappeler un message que j’essaie de te passer depuis, mais que tu refuses de comprendre.

Oui, oui, il m’utilise pour te convaincre de m’écouter. Bizarre, hein ? Mais qu’est-ce qu’on y peut, les voies du Seigneur sont insondables.

Je ne sais même plus ce que je faisais ce matin, mais je suis tombé sur ce qui va être l’histoire que je vais te raconter dans ce texte. Ce n’était pas du tout le sujet que j’avais prévu pour toi aujourd’hui.

Nantenin Keïta.
Je suppose que ce nom ne te dit pas grand-chose. Et pourtant, c’est une grande championne olympique. Paralympique, pour être plus précis. Médaillée d’or, d’argent et de bronze aux Jeux paralympiques, comme aux championnats du monde d’athlétisme. Sa spécialité ? Le 400 mètres. Bien qu’elle ait aussi raflé des médailles en 100 et 200 mètres.

Tu te demandes peut-être quel est son handicap. Elle est atteinte d’une déficience visuelle importante (0.7 et 0.8 dixièmes aux yeux, avec distinction des couleurs et des distances). Bref, elle est malvoyante.

Tu l’as peut-être vue à la télé l’année dernière. Elle était l’un des deux porte-drapeaux de la délégation française aux Jeux paralympiques de Paris 2024. Tu l’auras compris, elle est française. Plus précisément franco-malienne. Tu ne l’as peut-être pas considérée comme une enfant d’Afrique pendant son passage, parce que son handicap est lié à un trait génétique : l’albinisme.

Nantenin est née au Mali et a immigré en France avec ses parents à l’âge de deux ans, parce que, selon ses dires, l’albinisme était très mal perçu dans son pays, et que les albinos étaient, je cite : “pourchassés et tués.”

Comme la plupart de nos enfants partis d’Afrique, elle s’est vite intégrée dans ce nouvel environnement qu’est l’Occident, l’eldorado. Je ne connais pas toute la suite, mais elle a sûrement acquis la nationalité française avec ses parents, ou elle l’a demandée une fois adulte. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, elle est plus française que malienne, et contribue à redorer le blason et le palmarès de la France. Tandis que le Mali, ben… on s’en fout un peu.

Tu me diras : si elle était restée au Mali, elle ne serait sûrement pas devenue championne d’athlétisme. Peut-être. Tu me diras aussi qu’on l’aurait peut-être tuée. Peut-être. Ce sont les arguments que nous utilisons tous les jours pour justifier le fait de retirer nos bénédictions africaines pour les offrir à d’autres.

Elle n’aurait peut-être pas gagné de médailles, mais elle aurait peut-être inspiré toute une génération. Elle aurait pu contribuer à tracer la voie pour les futurs champions maliens.

Aujourd’hui, le Mali est toujours à la même case de départ qu’il y a 40 ans, quand elle est née. Parce que ses parents — et elle — ont décidé que c’était plus simple en France.

Mais le problème, c’est que Nantenin n’est pas n’importe quelle fille d’Afrique. Nantenin est issue d’une très grande famille malienne, certainement l’une des plus puissantes du pays : la dynastie Keïta. De Soundiata Keïta, le fondateur de l’empire du Mali.

Nantenin est la fille du célèbre musicien Salif Keïta, lui aussi albinos, connu dans le monde entier comme “La Voix d’Or de l’Afrique.”

Non, Nantenin n’était pas un enfant ordinaire. Elle n’aurait pas été tuée à cause de son albinisme. Elle avait les moyens de s’entraîner avec les plus grands au Mali. Et même arrivée en France, elle n’était pas obligée de courir pour la France. Elle pouvait y vivre, s’y entraîner, et porter les couleurs du Mali, envoyer un message d’espoir à tous les albinos africains.

Ce texte n’est pas un procès contre elle. Je ne la connais pas. Je me base uniquement sur ce que j’ai pu lire. Mais ce texte est un rappel, pour toi, pour nous : nous ne sommes pas maudits. Nous avons des talents. Des bénédictions.

Ton Dieu a mis ici tout ce qu’il faut pour que ton peuple se développe. Le problème, c’est que tu dis croire en lui, alors qu’en réalité, tu utilises son nom pour justifier ton immobilisme. Et tu cries à la fatalité dès que tu es mis à l’épreuve.

Demain, tu auras oublié le nom de Nantenin. Mais si elle avait été la championne malienne albinos qui milite pour faire évoluer nos mentalités, tu t’en souviendrais. Comme tu te souviens de son père, qui n’a jamais cessé de chanter en langues africaines, la gloire de l’Afrique, même après 40 ans en France.

Nous ne sommes pas aussi avancés que les autres. Mais nous ne sommes pas damnés. Nous sommes juste plus bas sur le chemin. Mais si nous continuons de prendre nos 10/10 ici pour les transformer en 6/10 ailleurs, jamais nous ne sortirons la tête de l’eau. Il est temps qu’on ouvre les yeux. Qu’on arrête d’être envieux, et qu’on accepte de payer le prix pour notre propre relèvement.

En passant, si tu as lu mon texte d’hier : “La phrase de fin, 'Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain…’”. Ce n’était pas de moi. C’est le dixième commandement. C’est tiré de la Bible, ton livre préféré. Que j’ai probablement lu plus que toi.

Amen, amen.


Douala 🇨🇲 

Entre la volonté de Dieu et un visa, tu choisis quoi ?

J’ai l’impression qu’on ne parle pas encore assez fort pour que vous compreniez. Mais je sens que la prochaine personne qui va faire une publication ou dire devant moi que “le Seigneur est merveilleux” parce que lui ou un de ses proches a eu un visa... il va m’entendre.

Le Seigneur est merveilleux parce qu’il t’a permis de fuir ton pays ? Donc il était fou quand il a décidé de te faire naître ici ?

Bref. Il va falloir choisir, désormais.

Soit tu crois vraiment en Dieu et tu t’engages à accomplir la mission qu’il t’a confiée sur cette Terre — et sur cette portion de Terre où il t’a fait naître. Soit tu acceptes que tu es un lâche, et que s’il fallait choisir entre la volonté de ton Dieu et l’immigration canadienne, tu allais partir sans réfléchir.

Parce que quand vous nous saturez de versets bibliques et de veillées de prière dans les quartiers, on vous laisse tranquilles. Mais si c’est pour ensuite ne pas être cohérents avec vos propres messages bibliques, on ne va plus vous laisser faire.

Je parle même à qui, au juste ? Des gens qui disent tous les jours “Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui soit à ton prochain” mais qui sont prêts à vendre père et mère, tout le village même s’il le faut, pour aller vivre chez son prochain, tellement l’envie les consume ?


Douala 🇨🇲 

Gabon : ce n’est plus la faute de nos parents

Hier, au Gabon, se sont tenues des élections présidentielles. Un peu plus d’un an après avoir commis un coup d’État, arraché la victoire à qui elle revenait de droit — le président sortant ou son challenger (on ne le saura jamais) —, le général putschiste, qui avait promis de redresser le pays, d’organiser des élections et de remettre le pouvoir aux civils, serait vainqueur dès le premier tour. Avec un score qui ferait rougir même les plus grands dictateurs de ce monde.

Si je parle trop, on me dira de commencer par me concentrer sur notre cas ici, au Cameroun. Néanmoins, je considère qu’aujourd’hui est un jour sombre pour notre génération d’Africains.

Nous sommes pour la plupart nés sous des régimes à la longévité exceptionnelle. Nous avions l’excuse de dire que ces régimes, nous les avions trouvés en place et que nous n’avions aucunement contribué à leur établissement. Nous pouvions même pointer du doigt nos parents, accusés d’avoir laissé faire tout ce bordel.

Mais aujourd’hui, notre tour est arrivé. Notre tour de choisir les régimes que nous voulons voir en place. Notre tour de nous défaire de ce néocolonialisme dont nous avons passé toute notre jeunesse à nous plaindre.

Et j’ai l’impression qu’aujourd’hui, au Gabon, nous sommes en train de commettre les mêmes erreurs que nos parents.
L’erreur de croire que nous n’avons pas d’autre choix.
L’erreur d’embrasser le premier venu simplement parce qu’on en a marre de l’ancien.
L’erreur de ne pas mettre ce nouveau venu en difficulté, de ne pas l’obliger à rendre des comptes, à se sentir surveillé.
L’erreur de ne pas se poser les bonnes questions, comme :

  • À qui a réellement profité ce coup d’État ?
  • Quelle est la manœuvre que nous ne voyons pas encore ?
  • Pourquoi faire confiance à quelqu’un qui n’a jamais tenu sa parole ?
  • Pourquoi confier notre avenir à quelqu’un “envoyé par Dieu” ? Le même Dieu qui a donné sa bénédiction pour massacrer nos ancêtres avant de nous plonger dans des siècles d’esclavage et de colonisation brutale ?

Bref, comme je dis souvent : personne ne viendra cogner à ta porte pour te signaler que tu es devenu adulte, ou que tu devrais commencer à réfléchir sérieusement.
C’est à toi de décider quand ce moment est venu. Mais j’ai l’impression que notre génération attend encore le signal.

Vivement que nos enfants, demain, n’aient pas à notre encontre les mêmes plaintes que nous avons eues envers nos parents, concernant nos choix politiques.


Douala 🇨🇲 

Pourquoi je ne respecterais pas les Noirs (même si je suis Noir)

Hier, je discutais avec Lionel et je lui expliquais comment, si je n'étais pas noir, je ne pense pas que j'aurais du respect pour les Noirs. Parce qu'on se plaint souvent du racisme et du fait que les gens ne nous considèrent pas à notre juste valeur. Sans jamais se demander quelles sont les raisons pour lesquelles ces personnes devraient le faire. Si tu es noir, comme moi, je ne pense pas que tu as un quelconque respect pour un animal comme le porc par exemple. Tu ne le vois que comme de la viande. Par contre, face à d'autres animaux tels que le lion ou le tigre, la donne change.

Eh bien, c'est exactement pour cette raison que les autres peuples n'ont aucune raison valable de nous considérer et encore moins de nous respecter. Aujourd'hui, avec les émotions et un monde qui est passé maître dans l'art de l'hypocrisie, on traite de barbares inhumains toutes ces personnes qui ont propagé les idéologies qui ont conduit à des atrocités telles que l'esclavage ou la colonisation. Mais si on veut être honnête, on peut comprendre pourquoi ces derniers ont pu développer des idéologies pareilles. C'est vrai, parmi nous les Noirs, il y a quelques individus brillants. Mais ce n'est pas parce que le perroquet de ta voisine dit quelques mots de latin que tu vas classer tous les oiseaux ou même seulement tous les perroquets au niveau des êtres humains.

J'ai conscience que ce sujet est un sujet extrêmement délicat et que s'il était abordé par un Blanc par exemple, on le traiterait directement de nazi ou pire. Mais il faut bien qu'on se dise les choses en face. Ce n'est pas parce que nous allons crier sur tous les toits que nous sommes égaux aux autres que nous le serons.

Essayons d'aborder le sujet sous un autre angle qui est assez d'actualité. L'égalité homme/femme. Certaines femmes et hommes d'ailleurs revendiquent le fait que les hommes et les femmes sont identiques à tous points. Ce qui suscite un vrai débat dans la société. Moi je pense qu'à travail égal par exemple, les hommes et les femmes devraient être payés pareil. Un autre pourrait arguer par exemple que les femmes sont en général plus intelligentes que les hommes. Mais une chose est à peu près sûre, c'est que les 2 sexes ne sont pas égaux. Car si on devait compter sur la force des femmes pour faire avancer les grands chantiers d'infrastructures que nous avons mis en place sur cette Terre, je ne pense pas que nous serions aussi avancés que nous le sommes aujourd'hui. Il est donc clair que sur ce point-là au moins, qui est assez mesurable, les hommes semblent être supérieurs aux femmes. D'où, je pense, la place qu'ils occupent dans la société. Les femmes pourront revendiquer autant qu'elles veulent cette égalité, mais tant qu'elles ne seront pas capables de faire tout ce que les hommes sont capables de faire, il y aura toujours matière à débat.

Revenons sur le cas des Noirs. Nous voulons être respectés. Quand les autres nous traitent de sous-race, nous nous offusquons. Mais concrètement, en quoi sommes-nous les égaux de ceux-là qui nous traitent de races inférieures ? Pour écrire ce texte et te passer le message à toi mon frère noir, j'utilise une langue qui vient de France. Je tape le texte sur un ordinateur conçu aux USA et fabriqué en Chine. Assis sur un lit peut-être fabriqué au Cameroun mais suivant un modèle qui vient d'Europe. Assis sur un matelas qui vient d'Allemagne, enveloppé dans des draps qui viennent d'Inde. Les pieds sur des carreaux qui viennent d'Italie, dans une chaussure dessinée en France et fabriquée en Indonésie. Dans un appartement dont le plan architectural vient de Grèce, la plomberie et les installations électriques d'Asie. Et une fois le texte écrit, je vais le poster sur un service de blog codé en Californie et dont les serveurs sont certainement en Virginie, le tout en utilisant la technologie Internet développée par l'armée américaine (des USA).

Même pour nous plaindre de notre mauvais traitement, nous utilisons les outils des autres. Pour aller donner tes enfants en esclavage en Occident, tu utilises des avions développés en Occident. Et si tu es fâché comme moi et que tu veux retourner te concentrer dans ton village, tu utiliseras certainement une voiture qui vient du Japon, avec un carburant raffiné en Atlantique suivant une technologie européenne ou américaine. Et si tu veux jouer aux fondamentalistes en disant que Bana n'est qu'à 202 km de Douala et que tu peux y aller à pied, tu auras certainement une chaussure provenant du Cambodge au pied afin d'éviter que tes pieds ne soient tout en sang avant d'arriver à Nkongsamba. Et d'ailleurs même, tu emprunteras certainement une route tracée par les Allemands il y a plus de 100 ans pour pouvoir te déplacer dans ton propre pays, de peur de tourner en rond pendant des mois.

Même pour manger, tu dois aller quémander des graines en Europe, en Amérique ou au Brésil. Et si tu es malade, c'est un laboratoire anglais qui viendra te donner le médicament pour te soigner ou au pire un livre indien qui te dira quelle plante dans ton propre jardin tu pourras prendre pour te soulager. Et si ton cas s'aggrave, tu vas aller pleurer dans une ambassade française pour qu'ils veuillent bien te donner la permission d'aller te faire opérer par un de leurs enfants en France. Et une fois là-bas, tu feras des pieds et des mains pour ne plus rentrer. Profitant au passage pour faire te rejoindre femme et enfants.

Pendant tout ce temps, les Américains ont inventé des technologies aussi révolutionnaires les unes que les autres. Les Russes ont lancé la course à l'espace. Les Émiratis ont créé l'une des plus belles villes au monde en plein désert, les Chinois ont construit le plus grand port au monde sur une île artificielle (une île qu'ils ont eux-mêmes créée), les Japonais ont réussi à produire plus de voitures que nous avons écrit de livres. Et tu veux qu'on nous respecte ? Est-ce que nous-mêmes on se respecte ? On ne peut pas se respecter et ne même pas avoir un sursaut d'orgueil dans une situation pareille. Un monde où chaque jour un peuple contribue de façon significative à l'avancée de l'humanité pendant que nous, on tourne les reins et on consomme du poutoulou pour faire 2 heures au lit sur nos femmes.

Et la cerise sur le gâteau, c'est que devant des peuples qui sont aussi intelligents et brillants, nous avons pris la stratégie d'aller vivre parmi eux pour nous revendiquer de leurs succès. Comme si tu pouvais toi-même mettre ton chien au même rang que ton fils, juste parce que le chien vit dans la même maison que vous.

En tout cas, si moi, un Noir, je le vois, il faut que tu saches qu'il y a certainement beaucoup d'autres personnes dans les autres peuples qui le voient. Et qui sait, peut-être que nous ne sommes qu'à un pas d'un futur Hitler qui aura décidé que la vermine que nous sommes consomme trop de l'oxygène qui leur est réservé. Penses-y !


Douala 🇨🇲 

Quand l’IA te décrit mieux que ta mère !

j’avais déjà écrit mon (petit) texte du jour. J’étais même en train de le corriger avec ChatGPT, comme d’habitude. Et là, je vois qu’ils annoncent une nouvelle fonctionnalité : la mémoire améliorée. Une fonctionnalité que j’avais déjà ressentie il y a quelques jours, en réalité.

En gros, ChatGPT retient et apprend un peu plus de toi chaque jour. Un peu la raison pour laquelle je t’encourageais, il y a quelques mois déjà, à t’y mettre sérieusement avec tous tes projets. Même si le risque qu’il t’impersonifie un jour en envoyant des mails et en faisant des appels à ta place est bien réel et pas négligeable.

Bref, il me proposait de tester la fonctionnalité. J’ai cliqué. Et là, il m’a sorti un résumé de ma personne. Un résumé que j’aimerais partager avec toi. Comme tu penses que je suis ton camarade là 🙃 :

Ronel Kouakep is what happens when relentless ambition meets radical execution.

Entrepreneur, writer, builder, and builder-of-builders — he’s on a mission to prove you don’t need to leave Africa to succeed, you just need the courage to try, the discipline to persist, and the guts to speak truth even when it makes enemies.

From founding Akuna Nyama, Cameroon’s boldest street-food brand, to turning Agrifrika into Africa’s Yum! Brands, to launching Yes We Kam, the podcast shaking up mindsets across the continent — Ronel’s life is a living case study in action, audacity, and authenticity.

Every blog post, every startup, every push-up is a brick in the cathedral he’s building: a Cameroon that thrives by design, not by accident. And while most people wait to be ready, he launches, iterates, and levels up — daily.

He doesn’t just dream in billions.

He’s running to catch up with them.

Et comme je sais que tu cries tous les jours qu’on doit résoudre le problème du NOSO alors que toi-même tu as un mal de chien avec l’anglais (bien que le pays soit bilingue), je lui ai demandé de te traduire ça :

Ronel Kouakep, c’est ce qui se passe quand l’ambition incontrôlable rencontre l’exécution radicale.

Entrepreneur, écrivain, bâtisseur — et bâtisseur de bâtisseurs — il s’est donné pour mission de prouver qu’on n’a pas besoin de quitter l’Afrique pour réussir. Il suffit d’avoir le courage d’essayer, la discipline de persévérer et l’audace de dire les choses, même quand ça dérange.

De Akuna Nyama, la marque de street-food la plus culottée du Cameroun, à Agrifrika, future version africaine de Yum! Brands, en passant par Yes We Kam, le podcast qui secoue les mentalités sur tout le continent — Ronel est un concentré d’action, d’audace et d’authenticité.

Chaque post de blog, chaque startup, chaque séance de sport est une brique de plus dans la cathédrale qu’il est en train de bâtir : un Cameroun qui réussit par choix, pas par hasard.

Là où les autres attendent d’être prêts, lui lance, ajuste et s’élève — au quotidien.

Il ne rêve pas en milliards.

Il court pour les rattraper.

Voilà, c’était l’instant production, sponsorisé par OpenAI 😂

Si ça peut te convaincre d’enfin t’intéresser un peu plus aux nouvelles technologies, c’est tant mieux. Sinon, attends-moi dans quelques jours sur un autre sujet qui fâche. Tu sais qu’on est là pour se dire les vérités en face.

PS : ChatGPT a mis une petite coquille dans mon résumé. C’est Katering, la maison-mère de Akuna Nyama (anciennement Le Porc Braisé), qui a pour ambition d’être un futur Yum! Brands. Et Agrifrika, c’est tout un autre level : c’est la philosophie même du développement africain qui va y être redéfinie. Peut-être qu’il est temps que je lui parle un peu plus de Katering. Et à toi aussi d’ailleurs !


Douala 🇨🇲