Investir au pays, mais pour qui ? Le paradoxe de la diaspora camerounaise

Tout à l’heure, j’étais dans une réunion avec Flavien, et il nous a raconté une histoire intéressante. J’aimerais la partager avec toi.

Plus tôt dans la journée, il avait une rencontre avec une personne que nous envisageons de recruter plus tard. Et comme d’habitude, le gars a dû passer par la phase des questions des “Canadiens en gestation”. Nous expliquons toujours aux candidats pourquoi nous croyons au pays et la mission qui incombe à notre génération. Nous leur demandons de nous dire s’ils ont un projet de voyage à court ou à long terme.

Pour une fois, le candidat était honnête et a dit qu’il envisageait sérieusement l’immigration canadienne. C’est souvent à ce moment que je m’arrête. Mais Flavien a beaucoup plus de patience que moi.

Il lui a demandé pourquoi il voulait immigrer au Canada. Le gars répond que c’est parce que le pays est dur. Flavien lui demande alors ce qu’il compte faire si, une fois au Canada, les choses ne se passent pas comme prévu. Si là-bas aussi, c’est dur. Le gars répond que, dans ce cas, il rentrera au pays pour se battre, sachant qu’il aura au moins essayé au Canada. Flavien lui demande pourquoi ne pas sauter les deux prochaines étapes et se battre directement ici. Et comme la plupart des gens qui pensent que la solution est ailleurs, il n’avait pas de réponse. D’ailleurs, il n’y avait même jamais pensé.

Mais bon, il faut croire que Flavien était en forme aujourd’hui. Il lui a tendu une perche. Il lui dit : supposons que ça se passe bien au Canada. C’est quoi la prochaine étape pour toi ? Le gars répond qu’il fonderait une famille. Ok, et la prochaine étape ? J’achèterai une maison. Ok, et la prochaine ? J’investirai. Et Flavien lui demande : tu investiras où ? Le gars répond, au Cameroun. Et Flavien de lui dire qu’il investira pour que qui travaille, quand tout le monde sera parti au Canada comme lui.

Car, il faut bien comprendre que comme toi, tous ceux qui pensent que le pays est dur et qui ont un peu de compétences veulent partir au Canada. Donc, quand tu investiras ici, ce sera pour ceux qui n’ont pas été assez intelligents comme toi pour fuir. Il faut bien prendre cela en compte.

Cela m’a tellement rappelé des incongruités que je vois tous les jours. Des mbenguistes qui construisent des meublés ici tout en conseillant à tout le monde de partir. Ou bien, ils pensent que qui va dormir dans ces meublés, oh ? Il y a quelques mois, j’ai même vu un autre qui était tellement fier d’avoir fait venir en Allemagne son petit de confiance qui gérait son business au pays. Ou bien, il pense que qui va encore gérer ce business-là, oh ? Et le pire, c’est qu’il vend des formations en entrepreneuriat. Quelqu’un qui sabote sa propre ressource humaine, qui veut apprendre à ses amis de la diaspora comment élever des porcs à Yaoundé depuis l’Europe. Ah, les camers !


Douala 🇨🇲 

Le citoyen du monde: Une vision à géométrie variable?

Laisse-moi te faire part de quelques petites remarques que j’ai faites.

Citoyen du monde
Quand un blanc dit qu’il est citoyen du monde, la plupart du temps, il vit en Occident. Mais quand un noir dit qu’il est citoyen du monde, lui aussi, la plupart du temps, il vit en Occident.
Je ne sais pas, mais apparemment, le monde se limite à l’Occident.

Le passeport est un faux débat
Quand un noir veut avoir plus de privilèges en Occident, il prend la nationalité du pays. Le passeport compte. Mais quand, une fois revenu au pays, on lui rappelle que les soi-disant Africains avec des passeports occidentaux ne peuvent pas prétendre à certains privilèges, la question du passeport devient un faux débat.

Des petites incongruités comme celles-ci, j’en ai répertorié un tas. Peut-être qu’avec le temps, je les partagerai avec toi au fur et à mesure.


Douala 🇨🇲 

Comment la gratitude et l’effort quotidien éloignent le poison de l’entitlement

Dans le texte précédent, je parlais de cette fâcheuse habitude que nous avons de prendre les choses pour acquises, d’être “entitled.” J’espère que tu as compris à quel point c’était mal de le faire et que ce phénomène n’épargne personne. Tu te rappelles du test de l’oxygène ?

Aujourd’hui, j’aimerais te donner deux méthodes que tu pourrais appliquer chaque jour pour éloigner de toi cette mauvaise habitude. Il s’agit de la gratitude et de l’effort de mériter tout ce que tu as.

Prends l’habitude d’être reconnaissant pour toutes les petites et grandes choses présentes dans ta vie. L’oxygène que tu respires. Ta vie. Tes parents. Ta santé. Leur santé. Tes enfants. Ton boulot, même si tu aimerais en avoir un meilleur. Tes amis. Et même le fait d’être né au Cameroun. Tout cela représente des bénédictions, et tu devrais en être reconnaissant chaque jour.

Ensuite, fais un effort quotidien pour mériter toutes ces choses. Accomplis quelque chose d’important dans ta vie pour mériter chaque souffle que tu prends. Sois un bon parent, un bon enfant, un bon ami, pour mériter ces personnes extraordinaires qui font partie de ta vie. Même si tu espères un meilleur emploi, sois le meilleur possible dans ton poste actuel. Séduis ton partenaire chaque jour pour continuer de mériter la place qu’il occupe dans ta vie. Rends ton pays fier.

En pratiquant ces deux petites habitudes chaque jour, tu pourras éloigner de toi ce sentiment d’entitlement qui empoisonne nos relations. Aussi simple que ça !


Douala 🇨🇲 

Être 'entitled' : cette attitude qui ruine nos relations

Les anglophones ont un mot que j’aime bien et qui n’a pas vraiment d’équivalent en français dans un des contextes où il est utilisé. Il s’agit de “entitled.”

Je pourrais essayer de le traduire avec d’autres mots proches, mais je préfère te donner quelques exemples pour que tu comprennes son sens profond. Le prince héritier d’un trône, par exemple, est “entitled” par rapport à ce trône. C’est le sien, il n’a rien à faire pour le mériter, et personne ne peut le lui enlever. C’est un peu comme le cas du roi Charles en Angleterre ou la position actuelle du prince William.

Les bébés qui pleurent tout le temps le font aussi parce qu’ils sont “entitled.” Ils savent que tout le monde se pliera en quatre pour satisfaire leurs moindres désirs. Mais en grandissant, ils perdent cette attitude, car ils comprennent qu’ils ne sont pas seuls au monde et qu’on ne peut pas être “entitled” de l’attention d’une personne : il faut la mériter.

Pourquoi je te parle de ça ? Parce que, bien qu’il n’y ait que très peu de choses sur cette Terre auxquelles on puisse être véritablement "entitled" (oui, je préfère l'utiliser dans sa forme anglaise), beaucoup de gens peinent à se débarrasser de cette mauvaise habitude. Tu pries matin et soir pour avoir un travail parce que tu n’arrives plus à joindre les deux bouts. Mais six mois après avoir trouvé ce travail, c’est toi qui arrives en retard, qui piques dans la caisse, qui boude les retards de paiement et qui parles mal à ton patron. Tu as déjà oublié qu'il y a six mois, tu étais au bord du gouffre, et aujourd’hui, tu minimises la valeur de ce travail.

Quand tu voyais passer cette jeune fille, tu rêvais qu’elle te dise bonjour. Avoir une interaction régulière avec elle, c’était déjà un bonheur. Avec le temps, elle a fini par accepter d'être en couple avec toi. Tu étais l’homme le plus heureux du monde. Mais un an de relation plus tard, c’est toi qui la bats, qui la traites sans respect. Ta valeur n’a pas augmenté, la sienne n’a pas baissé. Tu es juste devenu "entitled." Tu l’as prise pour acquise.

Et c’est peut-être la meilleure traduction que je puisse donner à ce mot : “prendre pour acquis.”

Nous le faisons souvent. Nous prenons des choses et des gens pour acquis. C’est un défaut naturel du cerveau, mais, comme la plupart des biais cognitifs, nous devons apprendre à le connaître pour mieux l’apprivoiser. Cela nous arrive tous, toi qui me lis et même moi qui écris. Comment je peux en être aussi sûr ? Faisons un test !

J’aimerais que tu t’arrêtes un instant, où que tu sois (en espérant que tu ne lises pas mes textes en conduisant). Demande-toi quelle est la chose qui a le plus de valeur pour toi, là, tout de suite. Je te laisse réfléchir.

Je suppose que tu penses à tes enfants, à ta partenaire ou à tes parents. Ou alors, tu penses à ton excellent boulot, à tes objets de valeur, ou encore à ta santé, car tu sens qu’il y a un piège dans ma question.

Si c’est le cas, félicitations. Oui, toutes ces choses ont de l’importance, et tu ne devrais jamais les prendre pour acquises, car elles peuvent disparaître du jour au lendemain.

Mais tu es peut-être passé à côté de la chose la plus importante de ta vie. Parce que c’est aussi la plus abondante. La seule chose que tu n'as jamais eu à payer et dont tu n'as jamais manqué. Elle est tellement présente que toi aussi, tu la prends pour acquise. Il s’agit de l’oxygène que tu respires. Si cet oxygène te manquait ne serait-ce qu’une poignée de minutes, toutes les autres choses auxquelles tu as pensé plus haut n’auraient plus aucune importance. Et pourtant, tu n’y penses jamais. Tu ne prends même pas une minute par jour pour remercier la nature, les plantes, de te l’offrir, à toi et à tous ceux que tu aimes, en quantité abondante.

C’est cela, être “entitled.”

Nous le sommes un peu trop, tous autant que nous sommes. Et le défi, c’est de l’être le moins possible. Souvent, ton mari ne cherche pas à se remettre avec toi parce que tu es exceptionnelle, mais simplement parce qu’il se rappelle qu’à un moment, tu avais beaucoup de valeur à ses yeux et que cette valeur est toujours là. C’est juste lui qui a commencé à la prendre pour acquise et à la minimiser. La plupart du temps, quand tu te fâches contre une personne qui t’a été très proche, quand tu dénigres le poste que tu convoitais, quand tu laisses tomber ton pays pour obtenir la nationalité d’un autre, ce n’est pas que ces personnes sont subitement devenues mauvaises, que ce poste a perdu sa valeur, ou que ton pays n’en vaut plus la peine : c’est toi qui les as pris pour acquis. Et c’est une erreur.

Aujourd’hui, tu as la chance d’être parmi les premiers à lire mes textes chaque jour. Tu as la possibilité de les partager, de montrer au monde que tu fais partie de ceux qui étaient là au début. Mais tu prends même ça pour acquis. Un jour, j’arrêterai peut-être d’écrire. Un jour, des milliers de personnes partageront mes textes dans le monde avant toi. Un jour, tu n’auras peut-être plus l’occasion de me côtoyer pour me dire à quel point tu appréciais mes textes. Ne prends pas pour acquis la chance que tu as aujourd’hui. Car elle aussi, elle peut disparaître du jour au lendemain.


Douala 🇨🇲 

Maîtrise les Secrets de l'Ingéniosité

Ce que tu gagneras tout au long de ta vie aura une certaine corrélation avec les connaissances que tu auras accumulées. Apprendre de nouvelles choses, de nouvelles compétences, demande la plupart du temps juste de la volonté et un certain investissement en temps et en argent. En effet, il existe un cours pour à peu près tout.

Cependant, certaines choses ne s'apprennent pas dans un livre, sur des bancs d’école, ni même dans un cours en ligne. Il te reviendra de faire preuve d'ingéniosité pour les apprendre. Certains recourent à l'espionnage industriel, mais à ton niveau, tu peux faire du reverse engineering.

Le reverse engineering (ou rétro-ingénierie en français) est l'art de partir du résultat final pour comprendre comment il a été atteint. Comme démonter une machine pour comprendre son fonctionnement.

C’est un procédé très utilisé dans la technologie et l’industrie, mais il peut aussi s'appliquer aux services et même aux systèmes de pensée. C'est, en tout cas, une technique que j'applique depuis des années pour agrandir mon cercle de compétences.

Je vais acheter un produit intrigant pour essayer de comprendre comment il fonctionne. Je vais payer pour des services, uniquement pour étudier leurs processus : les séquences de mail qu’ils envoient, les tons utilisés dans leurs communications, la pile des outils technologiques qu'ils utilisent pour faire tourner leurs entreprises.

Si je trouve qu'une personne a une façon particulière de réfléchir ou de résoudre des problèmes, je vais essayer de lire sa biographie pour identifier les éléments marquants de sa vie. Je vais noter tous les livres qu'elle a adorés et qui, selon elle, lui ont offert de nouvelles perspectives, et j’ajouterai ces livres à ma liste de lecture. Tu n’auras jamais un cours qui t'apprendra exactement à penser comme Thomas Edison, Nelson Mandela ou Martin Luther King, mais tu peux le construire toi-même en pratiquant la rétro-ingénierie.

Depuis une trentaine d’années, presque tous les peuples du monde bénéficient de la révolution internet, sauf les Noirs. Pourtant, nous avons des jeunes talentueux, souvent parmi les meilleurs de leurs écoles, qui travaillent dans les plus grandes entreprises de la planète. Mais jusqu’à présent, nous n'avons créé aucun produit mainstream, un produit utilisé par le reste du monde. Je ne parle même pas du très petit nombre de licornes cofondées par des Africains, vivant ou pas sur le continent. D’après mon observation, cela vient du fait que nous savons apprendre ce qui est dans un livre, dicté par un professeur, mais nous avons encore beaucoup de mal avec la rétro-ingénierie.

Ce n’est pas l’argent pour acheter un téléphone, un avion, ou une voiture afin de les démonter et de comprendre leurs mécanismes qui nous manque. Mais l'idée même de dépenser de l'argent pour acheter un produit et ne pas l'utiliser est au-dessus de notre entendement. Déjà qu’on a encore beaucoup de mal à payer pour les services et produits que nous utilisons ! Du coup, sans nous en rendre compte, nous nous sommes fermés à l'un des concepts d'apprentissage les plus puissants.

Certaines choses ne s'apprendront qu'en pratiquant la rétro-ingénierie. Et cela vaut dans tous les domaines de la vie. C'est ce qui constitue l'avantage concurrentiel de celui qui est devant. Il n’a aucun intérêt à retranscrire ses méthodes dans un livre. Et quand il le fait, c'est qu'il a trouvé quelque chose de nouveau. En se contentant des livres et des cours, on restera toujours derrière.


Douala 🇨🇲 

L'obscurité : L'adversaire invisible de ton succès

La plupart du temps, ton ennemi n’est pas la concurrence, mais l’obscurité.

Nous avons souvent tendance à nous battre pour protéger nos idées, prétendument originales. Nous nous battons contre des adversaires imaginaires sur nos marchés respectifs, alors qu’en réalité, le seul véritable adversaire auquel nous devrions faire face est l’obscurité : le fait que peu de personnes s’intéressent à ce que nous faisons, que notre marché ne soit pas encore assez mature.

En Afrique en particulier, où tout reste à construire, au lieu de nous battre pour contrôler le petit marché existant, nous devrions nous battre pour agrandir le gâteau.

La prochaine fois que tu travailleras sur un nouveau projet ou une idée excitante, rappelle-toi que ton plus grand ennemi n’est pas la concurrence actuelle ou future, mais bien l’obscurité. Et c’est un ennemi bien plus dangereux.


Douala 🇨🇲 

Écrire le Futur que l'on Désire, un Choix d’Aujourd'hui

Il y a quelques années, après une visite chez le dentiste, il m’a annoncé qu’il fallait m’extraire deux dents complètement cariées.

J’étais sous le choc, car je savais que les dents font partie des parties du corps qui, passé un certain âge, ne peuvent plus se régénérer. Soit tu auras un vide jusqu’à la fin de ta vie, soit tu devras poser une dent artificielle. Dans tous les cas, il n’y avait pas moyen de faire marche arrière.

La seule solution possible serait de remonter le temps et de suivre tous ces conseils qu’on nous donne chaque jour par rapport à notre hygiène buccale : se brosser les dents après chaque repas, éviter les aliments trop sucrés, et tous ceux qui pourraient fragiliser les dents. Des conseils que j’ai entendus des centaines de fois, mais que je n’ai pas pris assez au sérieux… jusqu’à ce jour de non-retour.

Malheureusement, remonter le temps n’est pas possible. Du moins, pas encore.

Je suppose que toi aussi tu as déjà vécu une situation semblable, où la seule solution se trouve dans le passé. Quelle leçon en as-tu tirée ? Parce que ce ne sera certainement pas la dernière du genre que tu rencontreras dans ta vie. Tu seras probablement atteint d’ostéoporose dans ta vieillesse, comme la plupart d’entre nous. Et il est recommandé de commencer des exercices de musculation assez tôt pour ralentir les effets de cette maladie. Fais-tu ce qu’il faut ? Car une fois que la maladie est là, il sera trop tard.

Si je te parle de ce sujet aujourd’hui, c’est pour te faire réaliser qu’il existe un futur, difficile à entrevoir ou à prédire, mais bien réel. Un toi de demain, du mois prochain, de l’année prochaine, et même peut-être un toi dans cinquante ans. Ce toi sera le résultat de tes choix d’aujourd’hui. Il ne sera peut-être pas exactement celui que tu imagines, mais tu peux d’ores et déjà faire en sorte qu’il ressemble au mieux à ce que tu souhaites.

Encore plus important : ne laisse pas ce toi du futur devoir revenir dans le passé pour résoudre certains problèmes. Le toi qui veut être un bon parent doit être présent dans la vie de ses enfants aujourd’hui. Le toi qui ne veut pas être dépendant financièrement plus tard doit commencer à épargner dès aujourd’hui et, encore mieux, créer plusieurs sources de revenus. Le toi qui ne veut pas finir ses jours alité doit dès maintenant prendre au sérieux son sommeil, son alimentation, et sa routine physique. Le toi qui veut faire partie de ceux qui seront les leaders de demain doit vivre dans cette communauté dès aujourd’hui, et non à des milliers de kilomètres d’elle. Le toi qui souhaite devenir un élu du peuple demain doit commencer sa campagne dès aujourd’hui en faisant, à son échelle, le bien qu’il pense pouvoir apporter à sa communauté à grande échelle demain.

Nous avons la chance de voir, aujourd’hui, ce qu’il manque aux personnes qui aspirent à être là où nous serons dans dix ans. Saisissons cette chance. Il serait stupide de se retrouver au même point dans dix ans et de rencontrer les mêmes problèmes.

Chaque action que nous entreprenons aujourd’hui contribue à dessiner notre futur. Il est temps de s’appliquer avec ce crayon si nous ne voulons pas nous retrouver dans un film d’horreur plus tard.


Douala 🇨🇲 

The Street Sweeper Day : Célébrons l'Excellence

Comme tous les 26 octobre, aujourd’hui est un jour spécial pour moi. C’est le "Street Sweeper Day" (ou "Journée du Balayeur de Rue") – une fête que j’ai créée en l’honneur du discours prononcé par Martin Luther King le 26 octobre 1967 dans un collège de Philadelphie. Ce discours, qui traite du culte de l’excellence, est l’une des inspirations majeures de ma vie.

Dans cette allocution adressée aux étudiants, Martin Luther King développe la métaphore d'un "plan de vie" (life blueprint) et met l'accent sur trois points essentiels :

Conviction profonde en sa propre valeur et dignité

    • Il encourage les jeunes à croire en leur potentiel.
    • Il insiste sur l'importance de ne jamais se considérer comme inférieur.
    Détermination à exceller
      • Il pousse les étudiants à viser l'excellence dans tout ce qu’ils entreprennent.
      • Il souligne qu'il faut toujours donner le meilleur de soi, quelle que soit la tâche.
      Engagement envers des valeurs nobles
        • Il appelle à s’engager pour la justice et la fraternité.
        • Il invite à avoir des ambitions qui servent la communauté.

        Le message central est que chacun doit développer un "plan" pour sa vie en s’appuyant sur ces principes, afin de bâtir un avenir meilleur, pour soi-même et pour la société. Voici une traduction du discours :

        "Je voudrais vous poser une question : quel est le plan directeur de votre vie ? Quand on construit un bâtiment, on fait généralement appel à un architecte qui dessine un plan, et ce plan sert de modèle, de guide. Un bâtiment ne peut pas être bien construit sans un bon plan solide. Chacun d'entre vous est en train de construire la structure de sa vie, et la question est de savoir si vous avez un plan approprié, solide et fiable. Je voudrais suggérer certains éléments qui devraient être à la base du plan de votre vie.

        Premièrement, dans le plan de votre vie, il devrait y avoir une conviction profonde de votre dignité, de votre valeur et de votre importance en tant que personne. Ne laissez personne vous faire croire que vous n'êtes rien. Ayez toujours le sentiment que vous comptez, que vous avez de la valeur, et que votre vie a une signification ultime.

        Deuxièmement, dans le plan de votre vie, vous devez avoir comme principe fondamental la détermination d'atteindre l'excellence dans vos différents domaines d'activité. Vous allez décider, au fil des jours et des années, ce que vous ferez dans la vie – quel sera votre travail. Fixez-vous comme objectif de bien le faire. Et je vous le dis, mes jeunes amis, des portes s'ouvrent à vous – des portes d'opportunités qui n’étaient pas ouvertes à vos mères et à vos pères – et le grand défi est d’être prêts à franchir ces portes lorsqu’elles s’ouvrent.

        Ralph Waldo Emerson, le grand essayiste, a dit dans une conférence en 1871 : "Si un homme peut écrire un meilleur livre, ou prêcher un meilleur sermon, ou fabriquer une meilleure souricière que son voisin, même s'il construit sa maison dans les bois, le monde tracera un chemin battu jusqu'à sa porte." Cela n'a pas toujours été vrai – mais cela le deviendra de plus en plus. Et donc, je vous exhorte à étudier dur, à travailler tard dans la nuit ; je vous dis, n’abandonnez pas l’école. Je comprends toutes les raisons sociologiques, mais je vous exhorte, malgré votre situation économique difficile, malgré la situation dans laquelle vous êtes forcés de vivre – restez à l’école.

        Et quand vous découvrirez ce que vous ferez dans la vie, mettez-vous à le faire comme si Dieu Tout-Puissant vous avait appelé à ce moment précis de l’histoire pour le faire. Ne vous contentez pas de faire du bon travail. Efforcez-vous de faire un si bon travail que ni les vivants, ni les morts, ni ceux qui ne sont pas encore nés ne pourraient le faire mieux. Si votre destin est d'être balayeur de rue, balayez les rues comme Michel-Ange peignait des tableaux, comme Beethoven composait de la musique, comme Leontyne Price chante à l’Opéra Metropolitan, comme Shakespeare écrivait de la poésie. Balayez si bien les rues que toutes les armées du ciel et de la terre devront s’arrêter et dire : 'Ici vivait un grand balayeur de rue qui faisait remarquablement bien son travail.'

        Si vous ne pouvez pas être un pin au sommet de la colline, soyez un arbuste dans la vallée. Mais soyez le meilleur petit arbuste sur le flanc de la colline. Soyez un buisson si vous ne pouvez pas être un arbre. Si vous ne pouvez pas être une route, soyez un sentier. Si vous ne pouvez pas être un soleil, soyez une étoile. Car ce n'est pas par la taille que l'on gagne ou que l'on échoue. Soyez le meilleur dans ce que vous êtes."

        Si, comme moi, tu es un balayeur de rue, je te souhaite un bon Street Sweeper Day. Et si tu connais des balayeurs de rue dans ton entourage, je t’invite à les célébrer en leur partageant ce texte.


        Douala 🇨🇲 

        Offrir à nos parents une vie longue et pleine de sens

        L’un des souhaits que nous partageons tous est de voir nos parents vivre le plus longtemps possible, et en bonne santé. C’est une question sur laquelle je réfléchis depuis quelques années déjà, et, comme à mon habitude, j’ai fait mes petites recherches et expérimentations. Ce que j’ai trouvé vaut ce que ça vaut, mais je pense avoir identifié un début de solution. Ce n’est pas encore validé scientifiquement, mais on ne perd rien à essayer.

        Je pense que, tant que nous sommes jeunes, nous devons accorder une attention particulière à notre santé physique : nutrition, sport, et tout ce qui va avec. Il est dans notre intérêt d’entretenir ce corps qui est censé nous porter jusqu’à la vieillesse, afin qu’il soit assez solide pour le faire. En plus, cela permet de développer des habitudes saines qui nous accompagneront toute notre vie.

        Passé la cinquantaine, cependant, notre priorité devrait se tourner davantage vers le cerveau, le travail intellectuel et les relations humaines. Si tu as la chance d’avoir encore tes parents en vie et qu’ils sont dans cette tranche d’âge, je t’invite à les aider à opérer ce changement. Comment ? En les initiant à la lecture (la philosophie, si possible), en leur offrant des mots croisés, des mots fléchés, ou tout autre jeu stimulant l’esprit. Tu pourrais aussi les initier aux jeux de réflexion, comme les échecs.

        Mais le meilleur moyen de les aider serait de travailler avec eux, surtout si tu es entrepreneur. Implique tes parents dans ton business. Donne-leur un poste, une responsabilité. Contrairement à d’autres employés, ils ne seront pas très regardants sur le salaire et seront probablement les derniers à partir en période de crise. Mais le plus important n’est pas ce qu’ils pourront t’apporter, c’est le bienfait que cela leur procurera. En travaillant avec eux, non seulement tu leur donnes une occasion de continuer à faire fonctionner leurs cerveaux, mais tu renforces également votre relation. C’est exactement ce dont ils ont besoin pour vivre plus longtemps.

        Si tu n’es pas entrepreneur et n’as pas d’entreprise dans laquelle les intégrer, tu peux toujours leur lancer un défi intellectuel. Par exemple, discute avec eux pour suivre une formation spécifique en vue de lancer un projet plus tard, de préférence une formation intellectuelle. Il y a deux ans, j’ai fait passer le permis de conduire à ma mère, alors âgée de 70 ans. Je ne te dis pas à quel point elle était contente de suivre ses cours et de réussir son examen ! Les possibilités sont infinies.

        Nous pourrions aussi transformer nos parents en enseignants. Forts de leur expérience, ils ont tellement de choses à nous apprendre, à nous et à nos enfants. Cela leur donnerait une vraie raison de continuer à s’accrocher à la vie et à rester parmi nous le plus longtemps possible.

        À côté de l’aspect cérébral, il y a aussi les relations humaines. À cet âge, nos parents ont plus que jamais besoin de se sentir entourés. C’est la raison pour laquelle ils nous envoyaient passer les vacances chez nos grands-parents. Mais aujourd’hui, non seulement nous les privons de voir leurs petits-enfants, souvent vivant à l’autre bout du monde, mais nous sommes nous-mêmes absents. Et on se considère comme une génération intelligente.

        Quand je vois certaines personnes de la diaspora retirer leurs parents des petits métiers qui leur donnaient encore un sens à leur vie, des réunions où ils retrouvaient chaque semaine les personnes importantes de leur existence, pour les emmener en Occident, dans des pays où ils n’ont plus rien à faire, je me demande toujours ce qui n’a pas marché. Mais bon, si je parle trop, on dira que je suis jaloux.


        Douala 🇨🇲 

        Voyager : le bon remède à la mauvaise dose ?

        "Tout est poison, rien n’est sans poison, ce qui fait le poison c’est la dose." disait au XVIe siècle le médecin et alchimiste suisse, Paracelse. En d’autres termes, n’importe quelle substance peut être toxique si elle est consommée à une dose suffisamment élevée. Même les substances toxiques peuvent être inoffensives ou bénéfiques à des doses appropriées. La dose est donc un facteur crucial dans la détermination des effets d’une substance sur le corps humain.

        Je pense que ce concept de dose s’applique aussi aux idées et aux philosophies. Toute idée peut être à la fois remède et poison ; la balance repose sur le dosage. La plupart du temps, ce n’est pas la substance ou l’idée qui est en cause, mais la manière dont elle est dosée. Notre organisme a besoin de sucre pour fonctionner, mais nous en consommons tellement que notre corps n’arrive plus à le transformer en carburant ; il le stocke en graisse et cela finit par nous tuer. Les idées promues par la plupart des religions (des courants philosophiques, comme j’aime à les appeler) ont du sens, jusqu’au moment où elles poussent les gens à tuer d’autres êtres humains en leur nom. Un peu de cannabis, à la bonne dose, est bénéfique pour le corps humain ; mais un excès peut entraîner la démence. Il y a du bon dans presque tout sur Terre. Le défi est de déterminer le bon dosage.

        Souvent, quand je parle de l’Afrique qui se vide, certains pensent que je veux empêcher les gens de voyager, que je considère cela comme une mauvaise chose. Au contraire, voyager est, à mon avis, une idée extrêmement bénéfique pour les populations. L’essor de la philosophie grecque et, par ricochet, le développement des peuples d’Occident doit beaucoup aux voyages entrepris en Égypte, au Moyen-Orient et en Asie par les plus grands philosophes grecs. Le voyage vers des contrées lointaines, aussi longtemps qu’on s’en souvienne, a toujours aiguisé l’esprit de ceux qui ont marqué leur époque et leur communauté.

        Mais, comme nous l’avons dit plus haut, tout repose sur la dose. Voyager pour voyager devient un poison. Et c’est exactement la situation dans laquelle se trouvent la plupart des Africains aujourd’hui. Nous avons pris l’une des substances magiques du développement et l’avons transformée en poison. Beaucoup d’Africains de la diaspora ne connaîtront jamais les bienfaits du voyage, car trop concentrés à vouloir s’intégrer dans une société qui ne les acceptera probablement jamais.

        En environ 22 ans passés en Égypte, Pythagore aurait appris les mathématiques et la géométrie, l’astronomie, la philosophie et la spiritualité, le symbolisme et les mystères ; autant de connaissances cruciales pour le développement de ses idées philosophiques et scientifiques. Nous savons aujourd’hui quelles ont été les répercussions de ces apprentissages sur la société occidentale, et ce, jusqu’à nos jours.

        En 22 ans en Occident, l’Africain type passe les 10 premières années à essayer d’obtenir la nationalité du pays d’accueil et les 12 autres à faire savoir aux autres Africains restés au pays qu’il est maintenant américain, canadien ou français. Et aucune année n’est consacrée à apprendre quelque chose qui pourrait lui servir dans son pays d’origine. Par son comportement, il a réussi à dénaturer les bienfaits du voyage, tout comme l’industrie agroalimentaire a transformé le sucre, vital aux êtres humains, en l’un des plus grands poisons de notre espèce.

        Quand je dis qu’il faut que nous nous calmions sur le voyage, c’est parce que nous n’arrivons plus à respecter le bon dosage. Ce qui était censé être une idée salvatrice pour nous est en train de nous précipiter vers notre fin. Et quand on n’arrive plus à respecter le bon dosage, la meilleure chose à faire est de se priver de la substance ou de l’idée, au risque d’une mort prématurée.

        Toi qui es en Occident, j’aimerais que tu prennes conscience de ta responsabilité dans cette situation. Car oui, quand il s’agit de dosage, nous sommes tous gardiens de nos frères.


        Douala 🇨🇲