Comment faire pour être le meilleur ? Dans un monde où la plupart du temps le premier d'une compétition jouit d'avantages importants, souvent beaucoup plus importants que le second, il est logique de se poser la question de savoir comment faire pour être le meilleur et surtout le rester.
La plupart des personnes qui sont en lice dans une compétition utilisent la même stratégie. Et nous sommes tous d'une manière ou d'une autre en compétition pour quelque chose car la plupart des ressources sur cette terre sont limitées, ainsi que le nombre de places. Cette stratégie est de s'entraîner le plus dur possible pour gagner la course, être le meilleur.
C'est une stratégie noble et assez intuitive. C'est même la stratégie que nous devrions tous utiliser car elle nous permet collectivement d'augmenter notre niveau de compétences. Mais malheureusement, ce n'est pas toujours la stratégie la plus efficace. Quand les enjeux sont élevés, la différence de niveau qu'il y a entre les uns et les autres est assez marginale, et souvent pas du tout proportionnelle à la différence de récompense. Du coup, les plus malins savent qu'il faut en plus de la première stratégie, utiliser une autre beaucoup plus efficace.
Cette stratégie est souvent méconnue du grand public et des personnes bien intentionnées car elle nécessite de sortir des sentiers battus. Il s'agit de s'assurer qu'aucun concurrent ne puisse gagner la course. Pendant que certains focalisent tous leurs efforts pour gagner la compétition, d'autres investissent une partie de leurs efforts pour s'assurer que les concurrents n'avanceront pas à la vitesse qu'ils souhaitent. Et ceci peut se manifester de plusieurs façons dont la plus simple et la plus intuitive est le sabotage.
Tu l'as certainement déjà lu dans un journal ou vu dans un film. Un camp qui sabote les installations du camp adverse quelques jours avant le début d'une course importante. Un boxeur qui attaque verbalement son opposant afin de le déstabiliser ou de le déconcentrer. C'est une arme assez redoutable. C'est elle qui a conduit à la création dans la plupart des pays du monde, des services secrets. Les films ont réussi à nous vendre leurs activités comme étant glamour. Mais en réalité, l'espionnage sert à ça. Savoir sur quoi l'autre travaille pour pouvoir le contrer, saboter son travail s'il n'y a pas moyen de le contrer et se protéger de tous les autres qui feraient la même chose avec nous.
Il y a quelques jours, nous en avons eu une autre démonstration avec la guerre entre Israël et l'Iran. Après avoir passé plusieurs décennies à saboter et ralentir dans l'ombre les Iraniens dans leur course à l'armement, Israël a décidé de franchir un cap et de faire un grand sabotage public sous fond de guerre. Comment ? En essayant de tuer les scientifiques et généraux travaillant sur ces programmes, en bombardant les sites concernés et en essayant même de tuer les leaders politiques actuels. Pourquoi de tels actes de sabotage et une agression pareille vont-ils rester impunis et que le monde va continuer sa route comme si de rien n'était, même l'Iran qui a été agressé ? Parce que c'est un jeu auquel tous les puissants jouent. Saboter ou essayer de saboter pour garder ses avantages, sa place dans le classement.
Pourquoi est-il important de connaître cette stratégie ? Pour pouvoir s'en défendre. Ça ne suffira pas de travailler dur pour pouvoir progresser dans le classement. Le peuple burkinabé et son dirigeant, le capitaine Ibrahim Traoré peuvent en témoigner. Depuis qu'ils ont décidé de prendre leur destin en main et monter dans le classement des nations afin d'échapper à la prédation des puissants, on ne compte plus le nombre de tentatives de coups d'État dans le pays. Les gars sont en alerte maximale. Et crois-moi, ils n'ont encore rien vu. Quand le sabotage ne marche plus dans l'ombre, on passe à la phase de plein jour comme nous l'avons récemment vu avec Israël sur l'Iran.
Pourquoi je t'en parle aujourd'hui ? Parce que je commence à être fatigué de tous ces Africains soit-disant intelligents qui pensent que leurs pays n'avancent pas à cause de leurs gouvernements. Je suis fatigué de voir ces Noirs qui pensent qu'il faut "juste" changer de président. Je suis fatigué de voir à quel point nous sommes ignorants des différentes stratégies de compétition (ou de guerre).
L'Afrique est un continent chanceux. Je préfère utiliser ce mot. Car nous n'avons rien fait pour le mériter. Notre continent a vu naître l'espèce humaine sur Terre. Nous avons des terres extraordinairement fertiles. Nous sommes super bien situés géographiquement. Le climat est idéal sur la plupart du continent. Nous avons du soleil, nous avons de l'eau. Le sous-sol contient tout ce dont le monde a besoin. Nous avons une peau forte, des cheveux abondants, un physique naturellement robuste et des gènes de qualité. Malgré toutes les invasions des autres peuples, nous avons toujours eu un concours de circonstances qui a permis que nous soyons encore là. Et aujourd'hui nous avons une jeunesse jeune et dynamique. Qu'on le veuille ou pas, nous ne pouvons qu'être l'objet de convoitise. Cette Terre qui est la nôtre, beaucoup d'autres aimeraient l'avoir. Et ils ont déjà d'ailleurs essayé à plusieurs reprises.
Toutes ces richesses qui sont les nôtres font l'objet de convoitise. Et le meilleur moyen de nous exploiter est de nous garder tout en bas du classement. De s'assurer que nous ne montions jamais. Et là rentrent en jeu les différentes techniques de sabotage. Coups d'État sur les leaders responsables, le grand classique. Assassinat sur les figures montantes s'il le faut. Armement de milices si les deux autres méthodes n'ont pas marché et souvent aussi en prévention d'un futur leader têtu. Corruption de la classe politique pour s'assurer que leurs intérêts ne soient jamais alignés avec ceux du pays. Mais il y a une autre forme de sabotage qui est beaucoup plus subtile, beaucoup plus efficace et surtout beaucoup moins chère. Et son caractère furtif et sournois le rend quasiment indétectable des populations. Surtout qu'il joue sur un élément psychologique très fort, la dissonance cognitive.
Il s'agit du pillage systématique des cerveaux. Pourquoi attendre que les personnes intelligentes aiguisent leurs raisonnements et dépenser quelques années plus tard, des millions en coups d'État, armement de rebelles ou corruptions, quand on peut tout simplement faire partir ce cerveau de l'Afrique et l'absorber chez nous ?
Cette pratique est la fille d'une ancienne version qui n'a pas connu beaucoup de succès. La première version avait été mise en place pendant la colonisation mais avec des résultats très mitigés. Les premiers cobayes avaient un sens du patriotisme très fort. Ce programme avait été testé sur la plupart des enfants des chefs de village et de cantons en Afrique, des princes, qui étaient systématiquement et souvent même de force, envoyés étudier en Occident afin de prendre les us et coutumes de là-bas et de les ramener ici et afin qu'ils soient les ambassadeurs de l'Occident et les vecteurs de toutes les pratiques qui consisteraient à endormir le peuple. Nous avons par exemple le cas au Cameroun avec le jeune prince Rudolf Duala Manga Bell qui avait été envoyé en Allemagne et qui était censé à son retour convaincre ses homologues de signer le pacte repoussant les habitants de la côte afin de faire de la baie de Douala une Côte d'Azur africaine réservée à l'élite blanche. Ce que le bougre a eu l'audace de refuser. Et qui lui a coûté sa pendaison à seulement 41 ans.
Cet échec au Cameroun n'était pas le seul sur le continent. Il faisait écho à une très longue liste d'échecs de cette stratégie. Du coup, il fallait s'adapter. Si on ne pouvait pas aliéner les plus brillants, il fallait à tout prix les éloigner du théâtre de guerre. Et c'est comme ça que s'est développée depuis les indépendances une stratégie simple qui consiste, afin de maintenir l'Afrique dans sa position de dernier, à la vider de tous ses valeureux hommes. Et l'ironie, comme il y en a toujours dans la plupart des stratégies qui sont trop simples pour marcher, est que ce sont les Africains eux-mêmes qui sont devenus les plus grands acteurs de ce mécanisme. À tel point que l'ennemi n'a plus besoin de rien faire.
Nous nous plaignons du sort de l'Afrique, cherchant les coupables partout alors qu'en fait nous en sommes les premiers responsables. La première ressource et la plus importante pour une nation, c'est sa ressource humaine. C'est grâce à cette ressource que tous les pays du monde se sont développés. Mais aujourd'hui, chaque Africain qui est une ressource essentielle pour son pays décide d'aller mettre son capital au service d'un autre. Et s'assure que toutes les ressources aussi importantes que lui suivent son chemin. Laissant l'Afrique avec une bande de bras cassés qui ne pourra jamais inventer le fil à couper le beurre.
Et quand tu veux parler, on te dit que c'est la faute du gouvernement. Comme si ailleurs c'est le gouvernement qui avait créé Apple, Google, Amazon ou même les congés payés.
Si l'Iran réussit à avancer malgré tous les sabotages qu'ils subissent depuis un demi-siècle, c'est surtout parce que les intellectuels et scientifiques iraniens pour la plupart sont au pays et travaillent à faire avancer leurs technologies. Est-ce un régime qui rencontre une grande opposition interne ? Oui, beaucoup plus forte que la plupart des pays africains. Mais est-ce que la population réussit à faire la part des choses ? Oui, de façon très lucide. Au point où même pendant la guerre de 12 jours avec Israël, la plupart des opposants au régime étaient contre une intervention américaine dans leur pays et ne voulaient surtout pas devoir le changement de régime à une aide étrangère. Très loin de nos soit-disant intellectuels de pacotille dont le seul objectif dans la vie est d'être propriétaire d'un appartement en région parisienne.
Bref, si tu ne te protèges pas de tes concurrents dans une course et que tu mets tous tes efforts dans l'entraînement, il est temps que tu sortes de ta naïveté. Le monde est beaucoup plus complexe que ça !
Douala 🇨🇲