Ces derniers temps, je parle beaucoup du sujet de la responsabilité. Personnellement, je pense que nous, les Noirs, sommes beaucoup plus irresponsables que les autres. Mais avant d’aller plus loin, il serait peut-être nécessaire qu’on définisse ensemble ce qu’est la responsabilité.
La responsabilité, c’est le fait d’être tenu de ses actes et d’en assumer les conséquences, que ce soit envers soi-même, envers les autres ou envers une institution. Elle a plusieurs déclinaisons : la responsabilité morale (assumer les conséquences de ses choix selon sa conscience ou ses valeurs), la responsabilité juridique, la responsabilité professionnelle ou encore la responsabilité personnelle — reconnaître que nos choix et nos actions influencent notre vie, au lieu de blâmer les autres. Pour n’en citer que celles-là.
Selon moi, nous sommes beaucoup plus irresponsables que les autres parce que tout ce qui nous arrive est toujours la faute de quelqu’un d’autre. Soit c’est l’esclavage, soit c’est la colonisation, soit c’est la néocolonisation, soit ce sont nos dirigeants. Jamais ce n’est de notre faute. Nous sommes tellement irresponsables qu’il est presque impossible d’entendre l’un d’entre nous dire : “j’ai eu tort”. Et pourtant, dans tout ce qui nous arrive — et ceci est vrai pour tous les êtres vivants — nous avons une part de responsabilité.
Il y a quelques jours, je discutais avec un pote qui me disait que le Cameroun est dans l’état où il est actuellement à cause d’un seul homme : le président de la République. C’est un sentiment partagé par beaucoup de Camerounais d’ailleurs. Au lieu de se demander ce qu’on peut faire pour améliorer les choses, au lieu de réfléchir à notre propre part de responsabilité, on se contente d’accuser le président et d’espérer que le prochain fera mieux.
Bien sûr, de meilleurs leaders peuvent inciter le peuple à agir différemment. Mais on oublie de se poser cette question essentielle : est-ce que d’autres peuples ont fait mieux que nous avec des dirigeants pires ? La réponse est oui.
Aujourd’hui, dès qu’une chose va mal, on remonte directement la faute jusqu’aux leaders, en épargnant au passage tous les intermédiaires qui auraient pu changer l’issue. Mais ce qui m’étonne le plus, c’est cette logique qui s’arrête au président. Pourquoi ne pas remonter jusqu’à ses parents, tant qu’on y est ?
Viktor Frankl disait : “Tout peut être pris à un homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines — la capacité de choisir son attitude dans n’importe quelles circonstances données, de choisir sa propre voie.” Il s’agit de notre ultime liberté : celle de choisir notre réaction face aux évènements. Une liberté que nul ne peut nous enlever.
Si tu as décidé de partir au Canada, vas-y. Mais ne viens pas nous dire que c’est le gouvernement qui t’a poussé à partir. Ce choix est le tien. Rien de ce que le gouvernement aurait fait n’aurait pu te forcer à partir si tu avais décidé de rester. Assume ta décision et libère-nous la ligne.
Si tu jettes tes ordures par terre, ce n’est pas la faute du gouvernement. C’est la tienne. Si tu choisis de céder à la corruption, c’est ton choix, pas celui de quelqu’un d’autre. Tu avais peut-être d’autres options — dont celle de perdre l’affaire — mais tu as choisi la corruption.
Nous en sommes là aujourd’hui à cause d’une multitude de choix que nous faisons chaque jour et que nous refusons d’assumer. Il y a quelques semaines encore, nous essayions de convaincre un maximum de personnes de s’inscrire sur les listes électorales. Mais non seulement certains n’étaient pas intéressés, ni à s’inscrire ni à relayer le message, mais en plus beaucoup préféraient continuer de partager des challenges de danse sur TikTok. Et demain, ce sont les mêmes qui diront que ce pays n’en vaut pas la peine.
Nous africains sommes peut-être le seul peuple au monde qui essaye activement de fuir sa terre pour aller s’installer chez les autres. Au point de créer des festivals du Haut-Nkam… au Canada ! Quel pathétisme. Pourquoi est-ce que nous aimons tant vivre chez les autres ? Parce que jusqu’à présent, nous avons refusé de prendre la responsabilité de notre propre terre, de l’entretenir et de la rendre vivable.
Nous fuyons la terre la plus hospitalière du monde pour aller squatter des terres hostiles que d’autres ont pris la responsabilité de plier à leur volonté. Et on s’étonne que personne ne nous respecte ?
Ce qui m’étonne le plus dans tout ça, c’est notre incohérence. Si tout est de la faute de nos dirigeants, alors pourquoi virer des employés, puisqu’ils ne sont pas responsables de leur médiocrité ? Pourquoi porter plainte, puisque personne n’est responsable ? Et surtout, pourquoi continuons-nous à punir nos enfants ? Puisque, dans cette logique, ils ne font que renvoyer l’éducation qu’on leur a donnée.
Je te laisse méditer sur cette autre citation de Viktor Frankl, qui parle de l’espace sacré, ce moment de pause entre ce qui nous arrive et notre réponse, cet espace dans lequel réside notre véritable pouvoir : “Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace. Dans cet espace se trouve notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse réside notre croissance et notre liberté.”
Douala 🇨🇲