Ce matin, j’ai décidé de marcher pour aller au bureau. C’était mon exercice de privation du jour : aller au bureau à pied. Histoire de m’entraîner à ne pas être prisonnier du confort. Si demain je n’ai pas les moyens de prendre la moto, ou s’il n’y a tout simplement plus de transport en ville, je ne serai pas pris au dépourvu.
J’ai donc marché un peu plus d’1h30. Et quand tu marches autant dans une ville comme Douala — et je pense que c’est pareil dans la plupart des grandes villes du Cameroun — ce qui te saute aux yeux, c’est le nombre d’écoles. Il y en a partout. Comme me disait un agent immobilier la semaine dernière : “Les écoles à Douala, c’est comme les églises et les bars. Il y en a à tous les coins de rue.”
Sauf que, contrairement aux bars, la prolifération des écoles est plutôt logique : on est dans un pays de 30 millions d’habitants, avec une moyenne d’âge de 18 ans. Un pays d’enfants, en d’autres termes.
Mon bureau et ma maison (mon petit appartement hein, je te vois venir) se trouvent à Douala 5e. Et d’après certains experts, Douala 5e est la zone avec le plus fort pouvoir d’achat en Afrique centrale, en termes de nombre d’habitants et de revenus. En gros, j’ai marché dans une zone habitée par une classe moyenne supérieure. Une classe censée donner l’exemple dans un pays.
Et pourtant, quasiment toutes les écoles que j’ai croisées portaient le mot “international” dans leur nom. Comme si, pour qu’une école soit “potable” et digne d’enseigner les enfants de cette élite locale, elle devait absolument avoir un label étranger, proposer un programme venu d’ailleurs, ou simplement coller le mot “international” pour faire chic.
Pour beaucoup, c’est banal. Pas pour moi. Ce sont exactement ces petits détails qui me parlent.
On dirait que, même après avoir “réussi” nos vies ici au pays, nous restons profondément complexés. Complexés par ce qui vient de l’extérieur. Il faut absolument que quelque chose d’étranger entre dans l’éducation de nos enfants : programme français, britannique, russe, turc… tout sauf camerounais.
Mais dis-moi, comment peut-on construire notre propre avenir si on laisse les autres — et leurs agendas — éduquer nos enfants ? À quel moment allons-nous réaliser que nous n’avons aucune obligation à continuer de former la main-d’œuvre des autres, à notre propre détriment ?
J’espère sincèrement que ce sujet prendra plus de place dans nos discussions. Parce qu’à force d’être banalisé, il est en train de devenir aussi “normal” que de jeter ses ordures en pleine rue.
On ne peut peut-être pas empêcher quelqu’un d’ouvrir une école ici, mais on peut choisir celle où on envoie nos enfants. Et surtout, on peut justifier ce choix. Car oui, nos enfants sont notre plus grand trésor. Et les éduquer avec les programmes des autres, ce n’est pas différent de laisser accoster des bateaux négriers dans nos ports.
Douala 🇨🇲