Ton combat ultime

J’aborde souvent le sujet de la persévérance ici. Plusieurs fois dans mes textes, je t’ai invité à être résilient, à ne jamais abandonner ni perdre espoir.

C’est un sujet sur lequel j’aime souvent revenir, parce que je sais à quel point la vie peut sembler difficile, et même cruelle, parfois. Je sais combien il faut être fort d’esprit pour continuer certains combats quand tout semble perdu d’avance. Et à ma manière, j’essaie de te redonner la force nécessaire pour ne rien lâcher.

Mais moi aussi, je traverse très souvent ces moments de solitude profonde, où je n’ai qu’une seule envie : tout abandonner. Et parfois, je cède, et je laisse tout tomber.

Aujourd’hui, j’étais à une rencontre avec des amis. Des personnes avec qui nous avions décidé de nous rapprocher pour construire quelque chose de grand pour ce pays. Une promesse que j’avais déjà laissée tomber. Lassé d’avoir l’impression que les autres ne faisaient pas assez d’efforts pour être à la hauteur du groupe. Si je suis venu à cette rencontre, d’ailleurs, c’était juste par politesse. Car, dans mon fort intérieur, je ne me voyais plus faire partie du groupe.

Sauf qu’un des membres a dit quelque chose qui m’a fait reconsidérer ma position. Il m’a rappelé que nous avons tous des choses pour lesquelles nous sommes extrêmement résilients. Et pour la plupart d’entre nous, c’était nos activités entrepreneuriales. Ça nous tape tous les jours, mais on ne lâche pas. On continue de se battre. On cherche de nouveaux moyens, de nouvelles méthodes.

Il nous a rappelé que c’est de cette même façon que nous devrions traiter tous ces engagements que nous avons pris avec le cœur, mais qui, pour une raison ou une autre, ne se déroulent pas exactement comme nous le voulions. Comme pour nos activités entrepreneuriales, nous devrions juste chercher de nouvelles méthodes, de nouveaux moyens de les faire marcher.

J’ai trouvé cette réflexion assez puissante, et je me suis dit que je devais la partager avec toi, et avec le maximum d’autres personnes. Nous avons tous des combats que nous avons juré de ne jamais abandonner. Certains en ont même plusieurs. Chaque fois que nous nous trouvons dans une situation de découragement face à un engagement que nous avons pris — que ce soit un mariage, un diplôme, un projet ou toute autre chose — essayons de le traiter comme notre combat ultime, celui que nous ne laisserons tomber pour rien au monde.

Le mien de combat ultime, c’est le développement du Cameroun. Et le tien, c’est lequel ?


Douala 🇨🇲 

Marcher pour Traoré à Paris… avec un passeport français ?

Il y a quelques jours, j’ai vu sur les réseaux que des Africains avaient organisé une marche à Paris pour manifester contre la tentative de coup d’État déjouée contre l’homme fort du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré.

Moi, je n’arrive toujours pas à comprendre ces Africains qui vivent en Occident, ont pour la plupart des passeports occidentaux et continuent de crier au néocolonialisme ou se disent panafricains. Comment peut-on être aussi contradictoire ?

Certains me diront qu’il ne faut pas confondre un pays et ses dirigeants. Et sur ce point, je suis totalement d’accord. Mais si nous continuons à aller mendier des passeports et de meilleures conditions de vie chez les autres, il faut bien qu’on sache que tout ça aura un prix. Quand un pays fait de la prédation sur un autre, la plupart du temps, c’est au bénéfice de sa propre population. Si nous choisissons de faire partie des populations des prédateurs de nos frères, la moindre des choses serait de la fermer et de faire profil bas. Car c’est au nom de tout leur peuple que ces pays font ce qu’ils font. Leur peuple dont nous avons décidé de faire partie, alors que nous avions déjà le nôtre.

Il ne sert à rien d’aller défiler à Paris, son passeport français en poche, en demandant à la France d’arrêter ses tentatives de déstabilisation du Burkina Faso, quand toi-même tu es né burkinabé et as décidé que c’est la France qui était mieux pour toi. Et il en est de même pour toutes ces autres personnes d’origine africaine qui se sont indignées pendant cette marche. Si quelqu’un est fâché contre la France, il n’a qu’à déménager et rentrer chez lui. Et si tu aimes trop le Burkina, je pense que tu seras beaucoup plus utile là-bas.

Mais bon, il faut bien quelques bouffons dans toute cour royale !


Douala 🇨🇲 

Ne deviens pas le monstre que tu crois que la vie a mis sur ta route

Aujourd’hui, j’aimerais partager avec toi un petit fléau qui mine nos sociétés : ces personnes qui se transforment en monstres à cause de ce qu’on leur a fait subir.

La plupart du temps, quand quelqu’un traverse des situations très difficiles, il en garde un goût amer et se dit : plus jamais ça. Le problème, c’est que pour ne plus revivre ces expériences, il devient une personne horrible. Parce qu’il a fait confiance à la mauvaise personne, il décide que plus personne n’est digne de confiance. Et c’est ainsi que des personnes au cœur d’or deviennent des monstres froids, causant parfois plus de tort aux autres qu’elles n’en ont elles-mêmes subi.

Nous sommes souvent tellement concentrés sur nos nombrils que, chaque fois qu’un malheur nous frappe, nous pensons que c’était prémédité. Alors qu’en réalité, une grande partie du mal que nous subissons n’est que le fruit de la bêtise humaine — pas de la méchanceté. Et pourtant, stupides que nous sommes, nous répondons à la bêtise par la méchanceté.

S’il y a une chose que je me suis juré de ne jamais faire, c’est bien ça : changer qui je suis à cause des autres. À cause de ce que j’aurais subi. Et c’est peut-être la raison pour laquelle, malgré toutes les injustices que j’ai pu traverser, je n’ai jamais cessé de me battre pour les autres — et de faire confiance par défaut.

Je sais que toi qui me lis, tu te dis que ta situation est spéciale, particulière. Mais en réalité, il n’en est rien. Très peu de gens se lèvent le matin avec l’intention de te nuire sciemment. Tu croiseras juste beaucoup d’idiots et de maladroits dans ta vie. La vraie méchanceté commence le jour où tu décideras que ces idiots te voulaient du mal et que tu chercheras à te venger de la vie. Ne franchis jamais ce pas.

Comme le rappelle le rasoir de Hanlon : “Ne jamais attribuer à la malveillance ce que l'on peut expliquer par la stupidité.”


Douala 🇨🇲 

Pourquoi plus personne ne veut bosser au Cameroun (et pourquoi c’est de ta faute)

En ce mois d’anniversaire (le 28 mai, si tu n’as pas encore noté), je voulais en profiter pour, chaque jour, faire un message de reconnaissance. Dire merci à toutes ces personnes extraordinaires qui partagent — de près ou de loin — une partie de ma vie et qui contribuent, ou ont contribué, à me rendre un homme meilleur. Mais bon… est-ce que les dossiers chauds veulent seulement me laisser tranquille ?

Aujourd’hui, je vais faire une entorse au programme pour te parler d’un sujet que j’ai déjà évoqué une ou deux fois avec Flavien, et dont je parlais encore cet après-midi avec Lionel.

Au Cameroun actuellement, l’un des plus gros problèmes — le plus important selon moi — c’est le problème de ressources humaines. D’un côté, nous avons une immigration qui ne veut pas nous lâcher, et de l’autre, des jeunes restés au pays qui refusent de travailler sous prétexte que "c’est mal payé".

Au début, je ne comprenais pas pourquoi on avait tant de mal à recruter pour certains postes. À des salaires que je trouvais pourtant assez convenables, au vu du contexte local. Mais c’est à force d’observer nos mœurs que j’ai compris : le problème, c’est nous-mêmes.

Imagine une fille que tu veux recruter comme serveuse dans un restaurant ou vendeuse dans une boutique. Pour un salaire entre 80.000 F et 150.000 F. Pourquoi, honnêtement, serait-elle concentrée sur son travail ? Pourquoi prendrait-elle ça au sérieux, quand chaque fois qu’elle passe la nuit chez un gars (souvent plus âgé), on lui remet entre 10.000 F et 30.000 F juste pour le transport ? Le calcul est vite fait. Elle sait qu’en dormant dix fois dans le mois chez un ou plusieurs gars, elle peut gagner le même salaire — sans travailler.

Et le pire ? C’est que ce sont souvent ces mêmes entrepreneurs, qui se plaignent de ne pas trouver de personnel, qui distribuent ces sommes faramineuses, ou qui achètent des téléphones dernier cri à des jeunes filles qu’ils croisent dehors.

Résultat : quand ces filles décident de sortir avec un gars de leur âge, elles s’attendent à recevoir au moins 5.000 F ou 10.000 F de taxi à chaque visite. Le jeune se retrouve donc avec un budget mensuel de 50.000 à 100.000 F juste pour “gérer sa go”. Comment veux-tu qu’il accepte un salaire de 150.000 F ? Il préfère rester au quartier, en attendant qu’une multinationale lui offre au moins 300.000 F.

C’est caricatural, mais ça résume bien le mal qui nous ronge.

On pense que la faute vient du gouvernement, ou d’un système lointain… alors qu’en fait, c’est nous-mêmes qui créons nos propres problèmes.

Quand on vit en société, chaque geste compte. Parce qu’un battement d’ailes aujourd’hui, c’est parfois un ouragan demain. Et ce que nous vivons actuellement avec la pénurie de ressources humaines, c’est notre propre ouragan. Entre les mbenguistes qui envoient des TapTap Send à leurs petits restés au quartier, et les Sugar Daddy qui ne peuvent pas croiser une paire de seins debout sans ouvrir le portefeuille, nous avons dévalorisé le travail. Nous avons fait croire à une génération entière que le salaire n’a plus de valeur.

Et c’est tout un pays qui en souffre.


Douala 🇨🇲 

Le fléau invisible qui tue tous nos projets

Aujourd’hui, j’ai eu une longue discussion avec mon frère Lysther, venu me rendre visite au bureau. Et dans nos échanges, j’ai appris un nouveau mot : le mapartisme.

Apparemment, c’est un mot utilisé pour la première fois par un docteur camerounais dans une interview. Il l’a présenté comme la philosophie du Cameroun. Un pays où, peu importe ce que tu veux faire — même si c’est d’utilité publique — si tu as besoin de l’aide ou de la signature de quelqu’un, cette personne te demandera inévitablement :
“C’est quoi ma part dedans ?”

Un mot qui m’a fait éclater de rire… mais qui, en même temps, décrit si bien notre état d’esprit collectif. Un état d’esprit où chacun ne pense qu’à son propre intérêt immédiat. Où l’intérêt commun passe après le gombo. Un état d’esprit qui nous maintient dans le fossé, comme des crabes dans un panier.

S’il m’a sorti ce mot, c’est parce que je lui parlais du projet que je m’apprête à lancer dans quelques jours — un projet qui, s’il est bien compris et adopté, pourrait être un tournant majeur dans le développement de nos pays. La culmination de plusieurs années de recherche, de lectures, de débats, de nuits blanches. Une tentative sérieuse pour sortir nos pays de la misère et leur donner la place qu’ils méritent dans le concert des nations.

Ce projet s’appelle Panjap. Je te le présenterai dans quelques jours. En espérant que toi, au moins, tu ne sois pas un mapartiste.


Douala 🇨🇲 

Toxique ou pas ? La vraie question n’est pas le manioc…

Hier, je te parlais de ce sujet qui commence à prendre de l’ampleur dans nos communautés : le manioc, qui serait toxique pour la santé. Qui rendrait bête.

Et comme je l’ai mentionné, d’après mes recherches, le manioc contiendrait des toxines qui seraient effectivement nocives pour la santé. Mais, la plupart du temps, il s’agit du manioc cru.

Par contre, j’ai l’impression que, devant une question pareille, beaucoup d’entre nous continuent de se comporter comme des croyants à qui le pasteur aurait donné une instruction sur laquelle toute leur vie devrait désormais se baser. Sans qu’ils aient la possibilité de questionner cette instruction.

Comme je le rappelais hier, je ne pense pas que la vraie question soit celle de la toxicité du manioc. Nous mangeons des choses bien plus toxiques. La question, selon moi, est de savoir comment nous nous comportons face à certaines informations. Car c’est justement de cette façon que nous nous sommes laissés embobiner pendant des siècles.

Le Pr Pougala est un homme d’affaires. Et il maîtrise plutôt bien les techniques de marketing. Il vient de tirer sur une corde sensible, une corde qui, pendant quelques semaines, lui assurera un regain d’attention. La preuve : voici le deuxième texte dans lequel je le cite depuis le début de l’affaire. Et je ne pense pas qu’il va s’arrêter là.

Mais nous, en tant que citoyens, devons faire notre part du travail. Nous devons nous poser des questions critiques. Nous devons nous demander : pourquoi maintenant ? Et surtout, quels sont les autres aliments toxiques que nous consommons couramment ? Afin de voir si c’est réellement le manioc que nous devons retirer de notre alimentation, s’il faut en éliminer d’autres, ou si nous devons simplement apprendre à dompter la toxicité des aliments que nous consommons.

Dans cette lancée, je t’invite à poser une question simple aux différentes IA que tu connais : ChatGPT, Claude, Gemini, xAI, Le Chat (Mistral), ou même Deepseek. Demande-leur à tous de te donner une liste d’une dizaine ou d’une vingtaine d’aliments toxiques que nous consommons couramment. Et à partir de là, tu commenceras à te faire ta propre idée.


Douala 🇨🇲 

Faut-il abandonner le manioc pour sauver nos cerveaux

Depuis quelques semaines, j’ai une question qui me taraude l’esprit : “Est-ce que je devrais arrêter de manger du manioc ?

Au début du mois d’avril, lors d’une de ses interventions à Paris, le Pr Jean Paul Pougala, l’un de mes mentors virtuels, affirmait que “le manioc rendait bête.” Parmi ses sources, il pointait du doigt des rapports de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé.

Dans sa prose légendaire, il demandait d’ailleurs à l’audience de se poser la question de savoir pourquoi, de la banane, de la pomme de terre et du manioc — toutes découvertes en Amérique du Sud — c’est le manioc que les colons nous avaient légué et presque obligés à cultiver pour la consommation.

Il faisait remarquer que même en Amérique du Sud, d’où la plante est originaire, elle n’était pas consommée par les humains. Et encore moins en Occident. Et justement, je me suis rappelé que de tous les pays du monde que j’ai pu visiter, et de toute ma connaissance culinaire, il n’y avait qu’en Afrique qu’on consommait du manioc. Les autres l’utilisent principalement pour l’industrie.

Pour un fan de bâtons de manioc comme moi, tu peux comprendre que ce fut un énorme choc. La science aurait parlé et si je ne voulais pas finir bête, je devrais arrêter de consommer du manioc. De plus, tu sais que je suis aussi un entrepreneur de la bouche. Et avec Katering, nous travaillons sur notre prochaine marque après Le Porc Braisé, dont le produit phare serait le manioc. Donc en plus d’éviter de finir bête, il fallait peut-être aussi que je renonce à un potentiel futur business. Le dilemme devenait de plus en plus grand.

J’ai fait mes recherches, et effectivement, la consommation de manioc serait associée à des risques de crétinisme. Je n’ai vu aucune recherche qui montrait une causalité directe, mais des recherches qui expliquaient clairement que, dans certaines conditions, consommé d’une certaine manière, le manioc pouvait être dangereux pour la santé.

Normal que les Occidentaux n’en consomment pas. Car contrairement à nous qui réglons les problèmes au niveau individuel, eux ont une approche systémique. Au lieu d’apprendre à toute la population comment bien choisir la variété de manioc et bien le cuire, ils préfèrent juste orienter la politique alimentaire vers une autre direction. Ainsi, on élimine quasiment tous risques.

Cette approche de résolution globale des problèmes est l’une des choses que j’apprécie beaucoup chez les Occidentaux et que j’essaie moi aussi de mettre en place ici dans la résolution de nos problèmes. Raison pour laquelle tu auras l’impression que je m’acharne sur la diaspora et l’immigration. Alors qu’en réalité, j’essaie juste de corriger le problème à la source afin d’éviter qu’on ait à les résoudre au cas par cas. Mais bon, je t’en parlerai plus en détail un autre jour.

J’ai continué mes recherches sur le manioc, en cherchant à entendre des voix contraires à celles du Pr Pougala. Je n’en ai pas trouvé beaucoup, ce qui n’est pas étonnant, car nous n’avons pas l’habitude de partager nos connaissances avec les autres, quand bien même nous avons pris la peine de chercher. Néanmoins, je suis tombé sur la vidéo d’un entrepreneur agricole béninois qui aurait fait du manioc l’un de ses chevaux de bataille. Et dans son discours, il y a des choses que j’ai appréciées.
Comme le fait qu’il ait fait écouter la vidéo entière du Pr Pougala et qu’il relevait certaines fausses affirmations comme le rendement à l’hectare du manioc, qui avait largement été sous-estimé par le professeur. Il a lui aussi détaillé les rapports de l’OMS qui datent de 1996 et qui expliquaient clairement quel type de manioc est vraiment dangereux.

Mais le point qui m’a le plus frappé dans sa vidéo, et un point sur lequel lui-même ne s’est pas beaucoup attardé, c’est la notion de “psychose”.

Car en effet, le manioc occupant une grande place dans l’alimentation des peuples d’Afrique subsaharienne, dire qu’il rend bête sans proposer d’alternative viable, c’est créer une vraie psychose dans la population. Le manioc, en plus d’être un produit très consommé chez nous et ce sous plusieurs formes, représente une grosse source de revenus pour une grande partie de la population. Souvent la partie la plus pauvre. Et je pense que c’est un peu maladroit de juste dire qu’on devrait arrêter sa consommation sans proposer d’alternatives.

Le manioc n’est pas l’aliment le plus dangereux que nous consommons. Sur nos côtes par exemple, nous avons des poissons globes (le tétraodon), un poisson qui contient une toxine super dangereuse. Une toxine qui était d’ailleurs utilisée dans le vaudou pour créer des morts-vivants, tellement son effet était puissant sur l’organisme. Ce n’est pas ce qui empêche les hommes de le manger. C’est d’ailleurs un poisson très prisé au Japon où il faut faire des années d’apprentissage pour apprendre à bien le cuisiner.

Mais même si on sort du cadre des toxines comme le cyanure que contiendrait le manioc en petite quantité, d’autres aliments sont beaucoup plus dangereux pour le corps humain que le manioc. Je prends l’exemple du sucre raffiné, qui à lui seul cause beaucoup plus de dégâts que la plupart des aliments réunis.

Faut-il aussi arrêter de manger du sucre ? Certainement ! Mais peut-on se permettre de vilipender ce sucre dans l’alimentation des plus pauvres tant que nous n’avons rien d’autre pour le remplacer ? Je ne pense pas !

Il y a quelques mois, je faisais un article sur le bâton de manioc où j’expliquais que normalement on devrait déjà avoir des grandes marques locales sur ce produit, tellement ça fait longtemps que nous le préparons de cette manière et vu sa popularité dans le pays. Et comme je te l’ai dit au début de ce texte, j’aimerais lancer une nouvelle marque qui tournerait autour du manioc. Donc je suis forcément très biaisé dans mes propos. Mais la vérité est que nous le sommes un peu tous. Chacun prendra la position qui défendra le mieux ses intérêts.

Par contre, cette polémique soulève de vrais problèmes.
Pourquoi ne pouvons-nous pas faire nos propres recherches en local pour déterminer quel est le réel niveau de dangerosité du manioc pour nos populations ?
Quelles sont les alternatives locales que nous avons pour nous nourrir en toute sécurité ?
Si le manioc aussi est une plante importée par les colons, quelles sont au final les plantes originaires de chez nous ?
Pourquoi ne pouvons-nous pas faire un travail anthropologique afin de rendre l’information disponible à tous ?
Pourquoi ne pouvons-nous pas, pour une fois, être totalement indépendants des autres quand il s’agit de notre ventre ?

J’ai vu certaines personnes suggérer qu’on retourne aux sources, qu’on apprenne à manger cru et qu’on se contente des aliments qui poussent naturellement dans la nature. Mais je pense que beaucoup de personnes ne comprennent toujours pas pourquoi l’agriculture est l’une des technologies les plus puissantes que les hommes ont développée jusqu’ici et pourquoi elle est à la base de toutes les autres technologies.

Nous sommes bien contents de tous les progrès que nous avons pu faire avec le temps, nous sommes ravis de voir de moins en moins de femmes mourir en couche, nous sommes heureux de voir tous les progrès que la médecine et toutes les autres sciences ont pu faire avec le temps. Mais ce que nous ne savons souvent pas, c’est que tout cela n’a été possible que parce que nous sommes sortis de la culture vivrière pour l’agriculture. Un mode de vie dans lequel une grande partie de notre temps était consacrée à trouver ce que nous allions manger.

Ce retour aux sources que certains prônent, c’est justement nous renvoyer des décennies en arrière. C’est nous pousser à consacrer tout notre temps à notre ventre et aucun à la recherche, au développement scientifique. Ce serait peut-être l’idéal dans un monde où tout le monde ferait pareil. Mais certainement pas dans le nôtre, où du jour au lendemain ton voisin, qui consacre ses journées à la recherche, peut te déclarer une guerre ou te lancer un virus extrêmement mortel.

Le manioc est peut-être dangereux pour notre santé. Il nous rendrait peut-être bêtes.
Mais je ne pense pas que le problème se trouve au niveau du manioc. Mais dans comment nous-mêmes nous nous voyons dans le monde. Et ce n’est pas en voulant adopter des solutions ponctuelles et individuelles que nous allons nous en sortir.

Je préfère encore perdre quelques neurones en consommant du manioc que de devoir consacrer 12h par jour à trouver ce que je vais manger. Car oui, si nous voulons sortir de cette précarité dans laquelle nous sommes plongés, nous aurons besoin de temps pour réfléchir, même si c’est avec quelques neurones en moins.


Douala 🇨🇲 

Chuter n’est pas échouer, abandonner oui

Il te sera très difficile d’être parfait dans la vie. De réussir du premier coup. De tenir toutes les résolutions que tu t’es fixées. D’avoir cette discipline que tu admires chez les meilleurs d’entre nous. Et ce n’est que normal. Tu n’es qu’un être humain comme nous tous. Et en tant que tel, tu n’es pas exempt d’échecs et de chutes.

Cependant, la chose la plus importante devra être ta capacité à te remettre en selle. À recommencer. À ne pas perdre espoir. À te dire qu’aucun échec, aucune chute, aussi fracassante soit-elle, ne saurait te définir.

Lève-toi et continue le combat de plus belle.


Douala 🇨🇲

Tu changes plus de vies que tu ne le crois

Hier, je lisais un texte de mon cousin Georges. Je ne sais même pas pourquoi je l’appelle toujours "mon cousin" alors que c’est mon frère. Certainement l’une des séquelles de la déformation occidentale (quand on te dit que l’immigration n’est pas bonne). Le texte s’intitulait Le silence des autres ne signifie pas qu’ils ne t’observent pas.”

Tu vois comment la vie est merveilleuse ? Hier, c’était lui qui lisait mes textes pour se motiver, et aujourd’hui, c’est moi qui cite les siens pour étayer mon propos (quand on te dit de commencer à partager tes idées).

Bref, dans ce petit et puissant texte que je t’invite à lire, Georges parle de tous ces effets que tes actions ont autour de toi. Toutes ces personnes que tu changes en silence. Dans un monde où nous sommes tous un peu accros aux likes, on a souvent l’impression d’être inutile quand on n’en reçoit pas. Et je plaide totalement coupable sur ce point.

Néanmoins, quel que soit ce que tu fais, si tu y mets de la conviction – toute ta conviction – comme moi quand je tire sur la diaspora, sache qu’il y a des gens qui te regardent, qui te lisent, qui t’écoutent et qui passent à l’action. Ne t’arrête pas parce que personne n’applaudit, comme disait Georges. Ne te demande même pas si tu devrais continuer, comme je l’ai fait plusieurs fois. Continue juste de mettre du cœur dans ce que tu fais. Et tôt ou tard, tu sauras l’impact que tu as eu sur les vies des personnes qui t’entourent.

J’ai souvent eu l’habitude de dire que j’étais un malchanceux. J’avais divisé le monde entre les talentueux et les chanceux. Et j’ai toujours considéré qu’on ne pouvait être que d’un côté, et que je faisais partie des talentueux. De ceux qui devaient se battre comme des beaux diables pour réussir. Mais en fait, je suis un chanceux. Je n’ai peut-être pas tout ce que je veux, mais j’ai quelque chose que très peu de personnes auront dans leur vie : voir des personnes changer grâce à ce que tu dis ou fais. Des personnes comme ça, j’en ai vu des centaines dans ma vie :
• Des personnes qui se sont mises au sport grâce à moi.
• Des personnes qui se sont mises à courir grâce à moi.
• Des personnes qui se sont mises à l’entrepreneuriat grâce à moi.
• Des personnes qui ont pris un hobby au sérieux grâce à moi.
• Des personnes qui ont changé leur perception du monde grâce à moi.
• Des personnes qui se sont mises à lire grâce à moi.
• Des personnes qui se sont mises à écrire grâce à moi.
• Des personnes qui ont commencé à espérer plus de la vie grâce à moi.
• Des personnes qui ont décidé de rentrer s’installer au pays grâce à moi.
• Et aujourd’hui, des personnes qui comprennent enfin quel est le combat que nous devrions mener pour nous en sortir.

Si ce n’est pas de la chance, je ne sais pas ce que c’est. Même Jésus n’a pas pu voir l’église qu’il a aidé à créer avant de mourir. J’espère que je ne vais pas mourir demain. Mais si c’est le cas, je suis content d’avoir pu inspirer autant de personnes de mon vivant.

Et crois-moi, je n’ai rien d’exceptionnel. Juste une conviction d’acier et un désir de partager avec mon entourage.

Si toi aussi tu as de belles choses à partager, et que tu as l’impression que personne ne t’écoute, je voudrais t’inviter à ne pas te décourager. Concentre-toi sur ton message. Renforce tes convictions. Et laisse la nature faire le reste. Mais crois-moi : même s’ils n’applaudissent pas, ton message résonne très fort dans leurs esprits.

C’est de cette façon que toutes les communautés solides se sont construites : à coups de convictions fortes, portées par quelques individus assez courageux pour prêcher dans le désert.


Douala 🇨🇲 

“International” ne veut pas dire meilleur : et si on rééduquait notre fierté ?

Ce matin, j’ai décidé de marcher pour aller au bureau. C’était mon exercice de privation du jour : aller au bureau à pied. Histoire de m’entraîner à ne pas être prisonnier du confort. Si demain je n’ai pas les moyens de prendre la moto, ou s’il n’y a tout simplement plus de transport en ville, je ne serai pas pris au dépourvu.

J’ai donc marché un peu plus d’1h30. Et quand tu marches autant dans une ville comme Douala — et je pense que c’est pareil dans la plupart des grandes villes du Cameroun — ce qui te saute aux yeux, c’est le nombre d’écoles. Il y en a partout. Comme me disait un agent immobilier la semaine dernière : “Les écoles à Douala, c’est comme les églises et les bars. Il y en a à tous les coins de rue.”

Sauf que, contrairement aux bars, la prolifération des écoles est plutôt logique : on est dans un pays de 30 millions d’habitants, avec une moyenne d’âge de 18 ans. Un pays d’enfants, en d’autres termes.

Mon bureau et ma maison (mon petit appartement hein, je te vois venir) se trouvent à Douala 5e. Et d’après certains experts, Douala 5e est la zone avec le plus fort pouvoir d’achat en Afrique centrale, en termes de nombre d’habitants et de revenus. En gros, j’ai marché dans une zone habitée par une classe moyenne supérieure. Une classe censée donner l’exemple dans un pays.

Et pourtant, quasiment toutes les écoles que j’ai croisées portaient le mot “international” dans leur nom. Comme si, pour qu’une école soit “potable” et digne d’enseigner les enfants de cette élite locale, elle devait absolument avoir un label étranger, proposer un programme venu d’ailleurs, ou simplement coller le mot “international” pour faire chic.

Pour beaucoup, c’est banal. Pas pour moi. Ce sont exactement ces petits détails qui me parlent.

On dirait que, même après avoir “réussi” nos vies ici au pays, nous restons profondément complexés. Complexés par ce qui vient de l’extérieur. Il faut absolument que quelque chose d’étranger entre dans l’éducation de nos enfants : programme français, britannique, russe, turc… tout sauf camerounais.

Mais dis-moi, comment peut-on construire notre propre avenir si on laisse les autres — et leurs agendas — éduquer nos enfants ? À quel moment allons-nous réaliser que nous n’avons aucune obligation à continuer de former la main-d’œuvre des autres, à notre propre détriment ?

J’espère sincèrement que ce sujet prendra plus de place dans nos discussions. Parce qu’à force d’être banalisé, il est en train de devenir aussi “normal” que de jeter ses ordures en pleine rue.

On ne peut peut-être pas empêcher quelqu’un d’ouvrir une école ici, mais on peut choisir celle où on envoie nos enfants. Et surtout, on peut justifier ce choix. Car oui, nos enfants sont notre plus grand trésor. Et les éduquer avec les programmes des autres, ce n’est pas différent de laisser accoster des bateaux négriers dans nos ports.


Douala 🇨🇲