L'illusion du succès : une histoire de simplicité et de bonheur

Laisse-moi te raconter une petite histoire.

Un riche homme d'affaires américain était en vacances dans un petit village côtier mexicain. Un matin, alors qu'il se promenait sur le port, il vit un petit bateau avec un seul pêcheur qui accostait. À l'intérieur du bateau se trouvaient plusieurs gros thons de belle qualité. L'Américain complimenta le Mexicain sur la qualité de ses poissons.

"Combien de temps vous a-t-il fallu pour les attraper ?" demanda l'Américain.

"Seulement un peu de temps," répondit le pêcheur mexicain.

"Pourquoi ne restez-vous pas plus longtemps en mer pour en attraper plus ?" demanda l'Américain.

Le Mexicain répondit que ces quelques poissons suffisaient à subvenir aux besoins de sa famille.

L'Américain demanda alors : "Mais que faites-vous du reste de votre temps ?"

"Je dors tard, je pêche un peu, je joue avec mes enfants, je fais la sieste avec ma femme, Maria. Le soir, je vais au village, je bois du vin et je joue de la guitare avec mes amis. J'ai une vie bien remplie et occupée, señor," répondit le pêcheur.

L'Américain ricana : "Je suis diplômé de Harvard et je pourrais vous aider. Vous devriez passer plus de temps à pêcher et, avec les bénéfices, vous acheter un plus grand bateau. Avec les bénéfices du plus grand bateau, vous pourriez acheter plusieurs bateaux. Éventuellement, vous auriez une flotte de chalutiers. Au lieu de vendre votre poisson à un intermédiaire, vous vendriez directement aux consommateurs, et vous finiriez par ouvrir votre propre conserverie. Vous contrôleriez la production, la transformation et la distribution. Vous devriez quitter ce petit village côtier et déménager à Mexico City, puis à Los Angeles, et éventuellement à New York, d'où vous dirigeriez votre entreprise en expansion."

Le pêcheur mexicain demanda : "Mais, señor, combien de temps cela prendrait-il ?"

"15 à 20 ans," répondit l'Américain.

"Et après, señor ?"

L'Américain rit et dit : "C'est là que ça devient intéressant. Quand le moment sera venu, vous pourriez introduire votre société en bourse et vous feriez des millions !"

"Des millions, señor ? Et après ?"

L'Américain répondit : "Après, vous prendriez votre retraite. Vous déménageriez dans un petit village côtier où vous dormiriez tard, pêcheriez un peu, joueriez avec vos petits-enfants, feriez la sieste avec votre femme, et passeriez vos soirées à boire du vin et à jouer de la guitare avec vos amis."

Le pêcheur mexicain, souriant, regarda l'Américain et dit : "N'est-ce pas exactement ce que je fais maintenant ?”

Cette histoire doit te faire sourire. Et tu ne penses certainement pas qu’elle s’applique à toi. Ou bien, si tu es bien pris dans les cordes du filet de l’envie et du capitalisme, tu te dis que la place de l’Américain est la meilleure. Mais je t’invite à y réfléchir.

Je t’en parle aujourd’hui parce qu’après mon texte sur la valeur d’un endroit par les relations qu’on y a, je me suis rappelé de tous mes amis qui se sont battus bec et ongles pour que leurs parents aillent les retrouver en Occident. Toutes ces personnes qui, en Occident, ne vivent qu’en communauté. Les communautés constituées des personnes de leurs pays d’origine. Pourquoi quitter le Cameroun pour aller vivre avec d’autres Camerounais aux États-Unis ? Pourquoi se donner tant de mal ? Pourquoi vouloir faire venir ton père ou ta mère auprès de toi si tu pouvais juste rester près d’eux dès le départ ? Si tu peux juste rentrer les retrouver quand tu t’es rendu compte de ta bêtise ? Pourquoi demander à ce qu’on rapatrie ton corps au pays pour reposer auprès de tes ancêtres si tu aurais pu y rester et communier avec eux de ton vivant ? Parce que tu as fait Harvard et te crois plus malin que les autres ?

C’est un problème contre lequel moi-même je lutte énormément actuellement. Chaque fois que j’essaie de prendre une décision qui semble tellement intelligente, une décision d’un gars de Harvard, je me demande quel est l’objectif final. J’essaie de comprendre où est-ce que ça va me mener. Car si c’est pour arriver au même point de départ, pourquoi se donner autant de mal ?

C’est l’une des raisons pour lesquelles je milite pour que nous réfléchissions à une autre forme de développement. Le développement à l’occidentale n’est pas forcément le meilleur. Il a prouvé ses limites. Faire des OGM, de l’agriculture intensive, de l’élevage avec antibiotiques pour que les plus riches retournent au bio comme c’était le cas avant pour tout le monde ? Pourquoi s’être donné autant de mal ? Et ça, ce n’est qu’un exemple.

Vu sous le prisme occidental, on peut avoir l’impression que la situation de l’Américain est meilleure que celle du Mexicain. Mais est-ce vraiment le cas ? Je n’en suis plus si sûr. Et je pense que les taux de suicide dans ces pays en disent long sur la chose.

Je t’invite à bien y réfléchir pendant qu’il est encore temps. Parce que tu n’auras pas forcément ces 15-20 ans nécessaires pour revenir au point de départ. Tu te seras peut-être perdu en route.


Douala 🇨🇲 

La qualité d'un lieu : ce ne sont pas les infrastructures, mais les relations

Souvent, quand je discute avec des personnes, j’ai l’impression que dans leur tête, le meilleur endroit où vivre est l’endroit où il y a le plus d’infrastructures, le plus de développement, le plus de bling-bling.

C’est vrai que vivre avec toutes les commodités est un luxe sur lequel on ne peut pas cracher. Mais je suis de plus en plus convaincu que ce n’est pas cela qui fait le charme du lieu dans lequel on vit. Pour moi, l’élément qui détermine le mieux la qualité de vie d’un endroit, ce sont les personnes qui nous y entourent.

J’ai vécu dans plusieurs villes et pays à travers le monde. Chacun avait son charme et sa particularité. Mais dans tous ces lieux, la qualité du temps que j’y ai passé était déterminée par les personnes avec qui je partageais mes journées.

Le Cameroun a toujours eu un goût spécial pour moi, pas seulement parce que j’y suis né, mais aussi parce que c’est ici que j’ai fait mes premières rencontres dès ma naissance. C’est l’endroit où j’ai été le plus entouré de personnes que j’aime et qui m’aiment. C’est l’endroit où je connais le plus de personnes intéressantes. Des personnes en dehors de ma famille que j’ai rencontrées avant mon départ comme Adrien, et d’autres que j’ai appris à connaître après mon retour, comme Flavien et Lionel.

Bana occupe certainement cette place spéciale dans mon cœur pour tous ces bons moments que j’y ai vécus plus jeune avec ma grand-mère.

Libreville fut une très belle expérience, pas à cause de ses belles plages, mais surtout grâce à tous ces merveilleux moments passés avec Boris, Ulrich, et Victor.

La France ne serait pas la même sans Chambéry et toutes les personnes que j’y ai rencontrées, sans Ayélé que j’ai épousée, sans mes enfants qui y sont nés, sans Tim.

Du Canada, je ne retiens que nos tournées des restaurants avec Ayélé, nos virées avec Lyse.

Cette semaine passée à Bafoussam n’aurait certainement pas eu le même goût sans Flavien.

Nous passons notre temps à courir après des artifices ailleurs, alors que ce sont les personnes qui nous entourent qui donnent la saveur à un endroit. Au lieu de laisser derrière soi sa famille et toutes les personnes qui nous aiment pour un prétendu paradis ailleurs, nous ferions mieux d’essayer d’améliorer cet endroit magique que nous partageons avec nos proches.

Comme le dit le dicton, “Ta maison est là où est ton cœur.”


Nationale 5 (Bafang - Douala) 🇨🇲 

Retrouver nos racines : le retour au Fipangrass

Ce matin au petit-déjeuner à l’hôtel, j’ai demandé du Fipangrass (La citronnelle ou Verveine des Indes), ou de la tisane, comme me l’a redemandé la dame à l’accueil.

Tu te demandes peut-être pourquoi je te parle de ça et quel rapport cela pourrait avoir avec la diaspora inutile (il fallait bien trouver un moyen d’envoyer une balle perdue). Laisse-moi t’expliquer.

Toute la semaine, je l’ai passée à Bafoussam pour travailler avec mon associé sur un nouveau projet. Nous voulions nous isoler pour mieux nous concentrer. Nous avons choisi Bafoussam parce que c’est la capitale de l’Ouest, la région où nous prévoyons de nous installer d’ici quelques années.

Chaque matin, après notre séance de sport et juste avant de commencer notre séance de travail, nous prenons un petit-déjeuner à l’hôtel. En général, il est composé d’œufs, de pain, de lait, et de chocolat en poudre (on va éviter de citer les marques non locales).

Tu me connais, au bout du deuxième jour, ça commençait à me faire chier de consommer uniquement des produits importés. J’ai demandé qu’on remplace le pain par de la banane tapée. Je ne sais pas si tu connais, mais c’est une recette faite avec une variété de banane que nous avons chez nous ici au Cameroun, la banane cochon comme nous l’appelons affectueusement. Une variété qui, je suppose, était très prisée par nos ancêtres jusqu’à ce que les industriels (suis mon regard) n’introduisent la banane Cavendish sur notre territoire. Donc depuis quelques jours, plus de pain pour nous, uniquement de la banane tapée. Mais il restait encore ces laits et chocolats en poudre.

Ce matin, j’ai demandé s’il était possible de nous faire du Fipangrass. Cette tisane qui a bercé nos enfances au pays. Je me rappelle une période où c’était la reine des petits-déjeuners, surtout pendant cette période de vacances scolaires qui coïncide avec la saison des pluies. Du Fipangrass, tu en trouvais planté dans presque toutes les maisons.

Aujourd’hui, c’est à peine si nos jeunes savent à quoi ça ressemble. Moi-même qui écris ces lignes, je n’en ai pas vu en nature depuis des mois. J’espère seulement que c’est bien cela qui nous a été servi ce matin. Car bien que l’odeur y était, je n’ai pas vraiment retrouvé ce goût de mon enfance.

Pourquoi tout ce texte autour du Fipangrass? Si tu te poses la question, il faut croire que tu n’as pas encore vraiment cerné le personnage.

Nous nous plaignons de notre pays qui n’avance pas, des choses qui vont mal. Nous pensons que la solution est ailleurs, même si cela signifie devenir esclaves chez les autres. Alors qu’en réalité, nous sommes tous responsables. Pourquoi avons-nous laissé mourir nos cultures, nos aliments locaux? Aujourd’hui, la banane cochon est presque introuvable sur les marchés, même dans son fief de l’Ouest du Cameroun. Nous nous précipitons sur les cultures de la Cavendish, du cacao, du café, que nous ne consommons pas, au détriment des aliments que notre Terre riche nous a gracieusement offerts. Qu’avons-nous fait du Fipangrass, qui était un préventif transmis dans nos familles de génération en génération? Non, nous préférons consommer les déchets déshydratés de lait de vaches que nous n’avons jamais vues (je t’invite, si tu ne l’as pas encore fait, à faire une recherche sur la fabrication de lait en poudre).

Nous nous plaignons alors que nous sommes le problème. Si tu ne réclames pas les produits locaux à consommer, comment penses-tu que ceux qui les cultivaient continueront à le faire? Si tu passes ton temps à consommer des produits dont les semences sont importées, comment penses-tu obtenir ton indépendance un jour?

Il y a quelques jours, je parlais du fait que presque tout était importé dans nos mariages, jusqu’à la nourriture. Ce n’est pas que dans nos mariages, c’est toute notre vie qui est importée. Et vu que certains se croient tellement malins, ils ont décidé de vivre directement à la source de l’importation au lieu de se battre pour leur souveraineté. C’est tellement dommage!

Que tu vives en appartement ou en maison, je t’invite à planter ton Fipangrass et à recommencer à le consommer quotidiennement. Et si tu veux savoir pourquoi, sacrifie une soirée Netflix pour te renseigner sur tous ses bienfaits. Qui sait, peut-être qu’après ça tu m’inviteras à partager une tasse avec toi comme le faisaient nos parents. Enfin, tu ne le fais que si tu te sens Camerounais comme moi!



Bafoussam 🇨🇲 

Un joyau à Bafoussam : Quand l’excellence locale prend le dessus

De temps en temps au pays, il y a des choses qui te redonnent le sourire et te poussent à continuer le combat.

Aujourd’hui, le directeur de l’hôtel Zingana à Bafoussam, M. Nicolas Kamaha Kameni, nous a accordé une visite en détail des lieux. Des chambres d’hôtels en passant par tous les locaux techniques, rien n’a été laissé au hasard. Ceci après nous avoir entretenus pendant quelques minutes sur la philosophie de l’hôtel et du rôle qu’il joue dans l’écosystème local. Plus de 90 % de ce qui y est consommé vient du Cameroun et souvent même de la région de l’Ouest, que ce soit la nourriture, la décoration, ou la main-d’œuvre artisanale.

J’en ai eu plein les yeux. Des hôtels, j’en ai visité des centaines dans le monde, mais celui-ci a un charme particulier. Le moindre petit détail est empreint d’une finesse qu’on ne retrouve que dans le grand luxe.

Passer un week-end dans un lieu pareil serait une expérience hors du commun. Surtout que la ville de Bafoussam est desservie par Camairco. Partant de Douala ou de Yaoundé, tu prendrais un vol avec ta partenaire. Arrivés à l’aéroport de Bafoussam, vous profiteriez de la navette gratuite de l’hôtel. Et à vous un week-end paradisiaque dans un lieu de rêve.

Des joyaux comme celui-ci, il nous en faut beaucoup plus. Que toutes ces personnes de la diaspora qui ne donnent pas cher de notre peau sachent que les jeux ne sont pas encore faits et que le Cameroun n’a pas encore dit son dernier mot.

C’est vrai que les prix ne sont pas à la porté de tout le monde, mais pour le standing que c’est je pense que chaque camerounais peut se permettre ce caprice au moins une fois dans sa vie, pour ne pas dire une fois par an.

http://hotelzingana.com/


Bafoussam 🇨🇲 

L’hôpital qui se fout de la charité

Quand je parle souvent d’une diaspora inutile et nuisible, certains pensent que je suis seulement jaloux d’eux parce que je n’ai pas réussi comme eux en Occident. Ou bien ils appellent quoi réussir oh? Bref !

Aujourd’hui, j’aimerais soulever le sujet de ces personnes de la diaspora qui nous narguent tous les jours alors que ce sont leurs parents qui ont tué le pays. Toutes ces personnes dont les parents sont les détourneurs de fonds publics et abuseurs de biens sociaux. Parce que, comme on ne parle pas, vous pensez qu’on ne voit pas.

Je ne peux pas compter le nombre d’enfants de fonctionnaires, étudiants, que j’ai rencontrés en Europe. Et quand tu discutes avec eux, ils te parlent de leurs grandes demeures construites à Douala ou à Yaoundé et de la maison du village. Quand nous connaissons le salaire d’un fonctionnaire, on se demande comment ces derniers ont fait pour épargner autant d’argent pour réussir à construire ces luxueuses demeures et envoyer les enfants étudier en Occident quand on sait ce que ça coûte.

Aujourd’hui, le quartier Denver à Bonamoussadi est presque vide. La plupart des enfants étant allés étudier en Occident et jamais revenus. Mais je me rappelle que plus jeune, Denver était le quartier qui avait été pris d’assaut par les douaniers. De simples employés de la douane camerounaise, avec les petits salaires de fonctionnaire que nous leur connaissons, ont construit des grandes villas dans l’un des quartiers les plus chers de la ville. Et ce sont leurs enfants qui ont profité du vol sans vergogne de leurs parents qui aujourd’hui veulent nous donner des leçons et nous faire comprendre que le pays est pourri. Eh ah !

Il y a quelques semaines, un ami était invité à une fête d’anniversaire où se trouvait un mbenguiste fraîchement débarqué de Harvard pour les vacances. Quand mon ami lui a demandé s’il comptait rentrer s’installer au pays, le mbenguiste a dit que le pays est bancal et qu’il n’y a pas d’opportunités. Rappelons que c’est avec leurs salaires de fonctionnaire (père et mère) que ses parents ont pu lui payer une éducation dans la plus prestigieuse université des États-Unis. Arrêtez les gars !

Il y a quelques années, j’appelle ma mère pour avoir de ses nouvelles. À l’époque où moi-même j’étais encore un mbenguiste (juste pas aussi con que les autres). Elle me dit qu’elle revient du village pour un deuil. Je lui demande si tout s’est bien passé et elle me répond que oui. Que tout s’est très bien passé, juste une mauvaise nouvelle qu’ils ont apprise sur le chemin du retour. Tu me connais, je suis curieux. Je lui demande quelle mauvaise nouvelle, m’attendant à ce qu’elle me parle d’un nouveau deuil. Elle me dit que son beau-frère, qu’elles étaient allées soutenir pour le deuil de sa mère, avait été affecté. Un colonel de l’armée qui aurait apparemment été responsable d’un régiment sur le front venait d’être affecté dans les bureaux à Yaoundé. Et moi naïvement de lui dire : “Mais c’est une bonne nouvelle plutôt. Il quitte le front où il pouvait mourir à tout moment pour une zone un peu plus sûre. Pourquoi dites-vous que c’est une mauvaise nouvelle ?” Et elle de me dire que tu sais que quand il est commandant sur le front comme ça, c’est lui qui gère le budget du régiment. Je comprends alors qu’en fait ils sont tristes parce qu’on vient de le retirer de la mangeoire (comme on aime le dire au pays) ou plus précisément on vient de diminuer sa capacité de détournement de fonds (au profit d’un autre certainement).

J’ai d’abord vectorisé ma mère. Et je lui ai dit de ne plus jamais me raconter des bêtises comme ça. Comment toi, une personne aussi honnête et intègre, arrives à te mêler à des conneries pareilles ? Je lui ai rappelé que c’est à cause des comportements comme celui de son beau-frère et du fait qu’ils (les pauvres comme elles) cautionnent des bêtises pareilles que le pays n’avance pas, que nous faisons du surplace depuis des années. Et je te laisse deviner où sont les enfants de cet oncle à l’heure où je fais ce texte. Oui, oui, exactement là où tu penses. En train de dire comment ce pays tue les jeunes.

En parlant de colonel, ça me rappelle ce colonel à la retraite de l’armée de l’air camerounaise que j’ai croisé à Abidjan en début d’année pendant la CAN. Comme je ne peux pas m’en empêcher, je l’ai embarqué dans une discussion sur le Cameroun et sur le fait que nous devrions nous battre pour relever notre pays. Et le colonel de me dire qu’il ne comprend pas ce pays et qu’il ne conseillerait pas à sa fille qu’il a envoyée étudier au Canada de retourner au Cameroun. C’est sûr qu’elle a même déjà son passeport canadien au calme. Ça laisse qui ?

Un jour, il faudra qu’on m’explique comment des fonctionnaires et militaires de carrière réussissent à payer des études à leurs enfants à l’étranger. Quand même les fonctionnaires et les militaires de ces pays étrangers n’y arrivent pas. Et parallèlement il faudra aussi peut-être qu’on m’explique comment un militaire qui est censé défendre un pays avec sa vie, demande à ses enfants de prendre les nationalités de pays étrangers. Il faudra qu’on m’explique tout ça un jour.

Mais en attendant, sachez que si on ne parle pas, ce n’est pas parce qu’on ne voit pas ou bien qu’on ne sait pas parler. Comme vous avez décidé de donner la décence aux chiens là !


Bafoussam 🇨🇲 

Reconnaissance et Responsabilité envers notre Communauté

“Je cultive peu d'aliments que je mange, et pour le peu que je cultive, je n'ai pas sélectionné ou perfectionné les semences.
Je ne fabrique aucun de mes vêtements.
Je parle une langue que je n'ai ni inventée ni perfectionnée. Je n'ai pas découvert les mathématiques que j'utilise.
Je suis protégé par des libertés et des lois que je n'ai pas conçues ni légiférées, et que je n'applique ni ne juge.
Je suis ému par une musique que je n'ai pas créée moi-même.
Lorsque j'ai eu besoin de soins médicaux, je n'ai pas pu m'aider à survivre.
Je n'ai pas inventé le transistor, le microprocesseur, la programmation orientée objet, ni la plupart des technologies avec lesquelles je travaille.
J'aime et j'admire mon espèce, vivante ou morte, et je suis totalement dépendant d'elle pour ma vie et mon bien-être.”

Ceci est un mail que Steve Jobs s’est envoyé à lui-même 11 mois avant sa mort. “Je suis totalement dépendant de mon espèce pour ma vie et mon bien-être.” C’est avec cette phrase qu'il a conclu ce texte, qui était certainement pour lui une réflexion sur la beauté du système que les hommes ont construit sur Terre et à quel point nous sommes tous petits face à ce système.

Tu te demandes peut-être pourquoi je te parle de ça aujourd’hui. C’est pour te rappeler tout ce que tu dois à l’espèce humaine, tout ce que tu dois à ton pays, tout ce que tu dois à ta tribu, tout ce que tu dois à ta famille.

De temps en temps, j’entends des idiots dans la diaspora dire que le Cameroun ne leur a jamais rien donné. Certains vont jusqu’à dire que le Cameroun n’est pas prêt à les accueillir. Si tu n’as pas été dévoré par un lion dès ta naissance, c’est grâce au système de communauté que le Cameroun a mis en place. Si tes parents ont pu s’occuper de toi dans ta jeunesse, c’est parce qu’ils n’étaient pas plus occupés à leur propre survie. Le Cameroun n’a peut-être pas encore mis en place un système aussi efficace que d’autres pays, mais c’est grâce au peu que nous avons pu faire que tu es devenu qui tu es. Tu ne l’es peut-être plus aujourd’hui, mais pendant de longues années, tu as été totalement dépendant du Cameroun pour ta vie et ton bien-être. Et personne ne te respectera jamais dans le monde, quel que soit ton passeport, parce que tu es un ingrat. Un idiot qui ne cesse de cracher dans la première main qui l’a nourri.

Il y a quelques jours, je discutais avec un ami sur le problème de l’immigration. Du fait que toutes les ressources humaines, une fois arrivées à un âge où elles sont censées contribuer à améliorer le système, décident de partir. De partir afin de profiter d’autres systèmes. Je lui disais que ce n’était pas normal et qu’il fallait qu’on fasse quelque chose pour stopper ça. Et lui de me dire que ça ne le dérangeait pas plus que ça. Qu’il y aurait toujours des Camerounais sur place et que personne n’était indispensable.

Autant je suis d’accord que personne n’est indispensable, autant je pense qu’on ne peut pas faire comme si de rien n’était devant un phénomène pareil. Nous sommes bien contents d’envoyer nos enfants à l’école et qu’il y ait des personnes pour les enseigner. Au rythme où les enseignants vont au Canada, qui sera encore là pour enseigner nos enfants ? Nous sommes bien contents d’aller au marché et d’acheter des aliments que nous n’avons pas cultivés. Nous sommes bien contents de pouvoir donner nos habits à coudre chez notre tailleur préféré. Nous sommes bien contents de savoir qu’il y a une police qui veille et qui limite les crimes. Nous sommes contents de savoir que nous pouvons emmener nos différends au tribunal afin qu’un juge tranche dans une affaire qui nous lie à notre voisin ou notre ex-mari.

Toutes ces petites choses que nous prenons pour acquises disparaîtront si tout le monde s’en va. Si personne ne veut plus rester et entretenir le système mis en place par nos parents.

Ce système n’est pas optimal, je te l’accorde. Mais si nous ne l’améliorons pas, qui le fera à notre place ? Il est facile de se plaindre de ce qui ne marche pas. Mais qu’avons-nous mis sur pied ? Aussi défaillant qu’il puisse être, le système en place est meilleur que pas de système. Au lieu de cracher dessus et de fuir comme des lâches, nous devrions nous retrousser les manches et nous mettre au travail. Avec toute la technologie et l’accès à la connaissance disponibles de nos jours, ça ne devrait pas être si difficile. Non?


Bafoussam 🇨🇲 

Ne te plains pas, travaille juste plus dur

Laisse-moi te partager une petite citation, une citation que j’affectionne particulièrement. Très courte mais pleine d’enseignements. Il s’agit d’une leçon que nous a laissée le professeur d’informatique Randy Pausch dans son “Last Lecture” :

“Ne te plains pas. Travaille juste plus dur.”

Nous dépensons souvent beaucoup trop d’énergie à nous plaindre au lieu d’investir cette énergie dans la résolution de nos problèmes. Et c’est tellement dommage !

Je voudrais te rappeler que la solution à la plupart de tes problèmes réside dans tes efforts. Juste un peu plus d’efforts. Il ne sert à rien de se plaindre.

Nul besoin de se plaindre de l’état actuel de notre pays ou de le fuir, nous devons juste redoubler d’efforts pour l’emmener à son plein potentiel.

Si c’est toi qu’on envoie acheter la bière pendant la réunion familiale, ne te plains pas. Travaille juste plus dur et bientôt la réunion ne pourra pas commencer en ton absence.

Tu n’es pas satisfait de la vie que tu mènes ? Travaille plus dur sur ta discipline.

Ta femme t’a quitté ? Aucun homme ne veut de toi ? Travaille plus dur sur toi !

La solution est dans le travail, dans un peu plus d’efforts.


Bafoussam 🇨🇲 

Les Mariages au Cameroun : Fêtes Importées pour Économies Étrangères

Hier soir, j’étais à une soirée de mariage. Comme je ne connais pas rester tranquille, ma tête a commencé à tourner. À un moment, je me suis demandé quel était le pourcentage de choses importées pour cette cérémonie. On avoisinait les 90%.

La salle était plutôt pas mal, avec une architecture occidentale et des piliers romains, presque toute la décoration venant de Chine. Des lustres aux chaises, en passant par les jeux de lumières, les assiettes et couverts dans lesquels nous avons mangé. Tout venait de Chine. J’ai même dû retirer quelques dernières étiquettes en chinois sur mon verre.

Les robes de la mariée ainsi que les costumes de son mari étaient aussi importés. Du tissu à la couture. Il en était de même pour la plupart des invités, dont la quasi-totalité des tenues venaient de l’étranger. Y compris moi!

Le pire, c’était que même jusqu’aux cheveux des femmes, tout était importé. Comme il est désormais de coutume dans ce genre d’événements, presque toutes les femmes arboraient une perruque. Certaines étaient même carrément blondes.

Heureusement, de temps en temps, à travers la sono importée, on pouvait écouter de la musique locale entre deux sons tout aussi importés. Je me demande quel est le pourcentage de musique africaine qu’on met dans les mariages non africains. Parce que chez nous, le ratio n’est pas bon du tout.

Tout était importé, jusqu’à la voix de l’imprésario, qui, comme ses collègues du milieu, est persuadé qu’il faut imiter un accent français, "whitiser" comme on dit chez nous, pour faire du bon boulot.

Qu’est-ce qui n’était pas importé? Pas grand-chose, en fait. Même si le poulet a été élevé localement, les poussins, eux, sont importés. Et une bonne partie de la nourriture, bien que cultivée localement, provient de semences modifiées ailleurs.

Juste au moment où je commençais à perdre espoir, une surprise a été réservée aux mariés par leurs parents. La légende camerounaise de la musique, Talla André Marie, est venue nous faire un show de plus d’une quinzaine de minutes. Il a réussi, pendant un court moment, à me faire oublier le sort triste qui est le nôtre avec sa sublime voix et son immense talent, qui eux sont bel et bien camerounais. Mais il a fallu qu’une des cordes de sa guitare importée lâche aussi pour nous rappeler à quel point nous étions dépendants des autres.

J’en parlais avec Flavien, et je lui demandais si on se marierait même encore dans ce pays si nous étions sous embargo. Lui de me rappeler que les fêtes ont été popularisées dans le monde pour booster l’économie. Que ce soit les mariages, la Saint-Valentin, Noël ou tout autre type de fête, ce sont d’abord des prétextes pour pousser à la consommation et faire vibrer l’économie d’un pays ou d’une région. Sauf que chez nous, chaque fête est un boost pour les économies de tout le monde sauf la nôtre. Chaque mariage chez nous est une fête pour les Chinois, les Français, les Italiens, les Américains. Tout le monde sauf les Camerounais.

Et si tu me dis : "Mais ce sont des Camerounais qui importent ces produits et qu’ils se font quand même du bénéfice", je te dirais oui. Mais ce bénéfice est rapidement dépensé ailleurs, dans l’achat de gros cylindrés à l’étranger ou dans l’entretien du rythme de vie de leurs enfants de la diaspora, qui ne nous serviront jamais à rien ici. Et là, je sais que tu sais de quoi je parle.


Bafoussam 🇨🇲 

Lever le Niveau de Service dans nos Hôtels : Le Cas des Sandales Dépareillées

Je ne sais pas si tu as déjà séjourné dans certains hôtels au Cameroun, surtout ceux en zone rurale. Je viens de faire le check-in dans mon deuxième hôtel cette semaine, à Bafoussam, après avoir séjourné dans un autre à Bafang il y a deux jours. Depuis le début de l'année, j'ai séjourné dans plusieurs hôtels, que ce soit au Cameroun (Bafoussam, Douala), en Côte d’Ivoire, au Congo, en Allemagne ou encore en Italie. Donc je peux te dire deux ou trois choses sur le sujet.

Mais aujourd'hui, je ne vais pas te parler des différences entre ces hôtels ou de la qualité de service. On va laisser ce sujet pour un autre jour. Peut-être qu'on en parlera juste un peu avant d'annoncer le lancement de notre chaîne hôtelière locale. Comme apparemment, on doit tout refaire dans ce pays.

Aujourd'hui, je vais te parler d'un petit truc que j'ai constaté dans les hôtels du Cameroun il y a quelques années déjà. Une pratique dont je pensais tout le monde au courant de l'origine, jusqu'à ce que Flavien me dise il y a deux jours qu'il n'en avait aucune idée. Et sur les sujets des séjours en hôtels, il en sait un PAQUET!

Il s'agit de cette fâcheuse habitude que nous avons dans nos hôtels de mettre des sandales dépareillées. La raison serait que les clients les emporteraient. Du coup, pour limiter le vol, nous avons fait ce que nous savons faire de mieux : la course vers le bas. Dégrader le service pour tout le monde à cause d'une poignée de mauvaises personnes.

Le problème, c'est que ces sandales en gros ne coûtent même pas 500 FCFA. Vous louez des chambres à partir de 15 000 FCFA la nuit et vous n'avez tellement pas confiance aux clients que vous leur mettez des sandales dépareillées. Les gens vous font confiance avec leurs vies en dormant sous vos toits, ils vous font confiance quant au fait que vous nettoyez régulièrement vos chambres et la literie, mais vous n'êtes pas capables de leur faire confiance avec des sandales de 500 FCFA.

Je ne suis pas “encore” dans le business de l'hôtellerie et je n'aimerais pas me poser en donneur de leçons. J'imagine que ces 500 FCFA représentent un manque à gagner pour les hôteliers. Mais la solution trouvée, selon moi, est très mauvaise. Nous ne pouvons pas être dans le business de l’hospitalité et envoyer comme premier message au client qui entre dans sa chambre : “Je me méfie de toi.” Il y a tellement de façons de régler ce problème.

On peut, par exemple, ne pas mettre de sandales du tout dans les chambres et laisser un mot pour que chaque client en fasse la demande à la réception s'il en a besoin. La plupart des clients ne les utilisent d’ailleurs pas. Pourquoi risquer de leur manquer de respect pour un produit qu'ils n'utiliseront pas? Et pour les rares comme moi qui les utilisent, le fait de devoir les demander à la réception réduit drastiquement la probabilité qu'ils les emportent. C’est de la psychologie.

Et au pire, si quelques clients les emportent, ce n’est pas grave. On peut répercuter les coûts sur les chambres à l'année, et je parie que cela ne reviendrait même pas à une perte de 25 FCFA par nuitée. Pourquoi se faire autant de mal?

Bref, c’était mon petit coup de gueule sur le sujet. Nous avons un pays à construire et se plaindre ou fuir ne le fera pas avancer. Je n’ai donné ici qu’un début de solution à ce type de problème. Et j'espère que tu as compris qu'il ne s'agit pas seulement d'hôtels, mais surtout de service client. Si toi aussi, dans ton business, tu recours à des solutions aussi faciles et réductrices, je t’invite à pousser la réflexion un peu plus. Si tu as un business au Cameroun, tu fais partie des ambassadeurs du pays. Et ta mission est de faire rêver tous tes clients, car c’est exactement le rêve qu’on vend à la diaspora qui les retient prisonniers là-bas.

Quand je suis rentré dans l'hôtel tout à l’heure, la première chose que je me suis dite était : “Mince, comment je peux convaincre mes enfants que leur place est ici si nous séjournons dans cet hôtel après avoir séjourné dans ceux d’Europe, comme nous le faisons souvent?” Il faut vraiment qu’on élève le niveau. Chacun dans son domaine.


Bafoussam 🇨🇲 

Un Coup Dur pour le Combat : L’Ordre de la Valeur à Joel Embiid

Il y a quelques jours, j’ai parlé du cas Joel Embiid. Ici et ici!

J’ai appris hier qu’il serait venu au Cameroun après les JO et que le ministre des Sports, sur instruction du Président de la République, lui aurait fait Commandeur de l’Ordre de la Valeur.

Cette information m’a totalement brisé le moral. Comment peut-on faire ça? Comment peut-on récompenser de la sorte une personne qui a clairement choisi tous les camps sauf le nôtre? Quel est le message qu’on envoie à la jeunesse? Serait-ce un moyen de légitimer ce genre de comportements dorénavant? Celui de ne penser qu’à sa petite gueule sans se soucier de toutes les personnes du pays qui ont contribué à faire de nous ce que nous sommes.

J’étais tellement triste, car c’était un coup dur pour mon combat. Celui de voir les jeunes de ce pays prendre en main les responsabilités de notre développement. Celui de faire comprendre aux plus jeunes comme aux plus vieux qu’on n’a pas forcément besoin de partir pour s’en sortir. Celui de faire comprendre à la diaspora que tout n’est pas perdu, qu’ils peuvent retourner à la maison et contribuer au renouveau.

Mais bon, ce n’est qu’une bataille de perdue. On ne lâche rien. On va continuer de se battre jusqu’au bout.

Il fallait néanmoins que je te transmette cette information dans un souci de transparence. Dans les bonnes comme dans les mauvaises actions, le Cameroun reste notre pays. Et nous le prenons avec tout ce qui va avec, même son gouvernement actuel.


Bangang-Fondji 🇨🇲